3.2.4. Le processus suspensif.

Cette dernière partie de l’hypothèse spécifique convoque les deux termes qui courent en filigrane de cette relecture. L’investissement de l’indéterminé engage en effet l’ambiguïté caché/montré à l’œuvre chez les personnes précaires, la honte exportée sur l’autre mais diffusée dans le lien, les résurgences de l’empiétement pourtant oublié, enfin le changement, bancal mais vivant. Ce qui est suspendu reste du domaine du processus, qu’il n’est pas utopique de penser ranimer. Certes, plus le tourbillon est ancien, plus les fragments d’affects sont dispersés et encryptés, plus l’amarrage sera abrupt à réaliser. Cependant l’idée de transitionnalité reste pertinente pour aborder ces sujets détruits et cependant porteurs d’espoir, parce que impatients et en attente de liens.

Cette population nous semble donc définitivement à considérer dans un mouvement psychique de suspension vigile, qui pourtant se présente par son contraire. Cette approche, qu’on pourrait percevoir chargée d’une candeur irréaliste, nous semble défendable, sur un plan théorique, à la suite des propositions de D.W.Winnicott concernant l’aire transitionnelle d’expérience. Mais elle ne peut s’appliquer sans la foi du tiers en le sujet qu’il aide, sans sa foi dans l’homme en tant que membre du groupe. C’est pourquoi la dimension philosophique se situe en position méta de nos propositions, nouvelle naïveté qu’il importe d’assumer en tant que psychologue. L’humanité tombée ne peut en effet se relever sans la main qui la tient, un peu, assez, pour être seulement un ruban et non une chaîne.