Les errants chroniques

Sujet n°1 : Monsieur B : 100/ 104.
03/01/01

Présentation générale (état civil)

65ans, retraité, séparé, 2 enfants 1 fille 30 ans, 1 garçon, 38 ans. Je suis rentré à la maison, il n’y avait plus rien ; j’ai été abandonné sous le porche d’une église, je suis né dans le Jura ; j’ai été placé à l’assistance publique à L. pendant 2 ans puis adopté ; je me suis engagé dans l’armée pendant 8 ans, j’ai fait l’Afrique, l’Algérie...J’étais maçon, dans une entreprise de St E. Le patron avait hypothéqué sa maison à cause de sa femme, voulait me donner tous ses biens; j’ai refusé et je suis tombé dans la déchéance tout seul, je ne me laisse pas entraîner, je ne fais pas la manche. Le RMI m’a été coupé jusqu’à la retraite. Mon fils de 38 ans, il vient me voir pour les sous ; il a le diabète, c’est pas une maladie, il est à 100%, il ne veut rien faire. A son âge, j’avais déjà plus travaillé que lui. Je suis jurassien, à L. depuis longtemps ; on m’a abandonné, on m’a amené à l’assistance publique sur L ; des gens m’ont adopté, ma maman adoptive était très gentille pour moi. Un jour, ça m’a pris, je me suis engagé 8 ans ; quand j’étais à l’armée, ma mère a pris le cancer du sein ; j’avais demandé une perm en 55 (j’ai fait l’Algérie, le Congo, le Mali, la Somalie, l’Egypte).

E : vous avez beaucoup voyagé ?

Oui, j’étais bien content, j’ai sauté à Port Saïd, j’étais dans les parachutistes.

1 ère question : dans quel type de lieu vous sentez vous le mieux ?

dans la rue ; le foyer, j’y suis parce que c’est un dépannage. Je dormais dans un camion au marché-gare, j’étais pas tout seul, beaucoup de gens y étaient dans les toilettes, un peu partout. J’avais aménagé mon camion , qu’on m’avait donné la permission, j’avais bien rangé mon machin et puis un jour le directeur il a dit non stop, on s’arrête ici, il a envoyé les gendarmes, la police est venue...

E : et c’est comme ça que vous vous êtes retrouvé au foyer ?

Non, non, non, non, non; quand j’ai vu ça, bon ben mes affaires y étaient parties, j’avais plus d’affaires. Et puis un jour, on me met au courant : vous allez voir une assistante sociale, allez au CAO et voir Mme ...Qu’est ce que j’ai fait, je dormais sur un quai, toujours au marché-gare. Et puis un jour, il y avait une voiture de police : « bonjour monsieur. »

E : ils vous attendaient ?

« Ca fait deux fois qu’on vous dit de partir ». « Où voulez vous que j’aille ? » Je suis allé dormir à P., mais dans la nuit, ils me réveillaient, papiers, écoutez demain matin il y a une assistante sociale du Mail, essayez de vous arranger avec elle.. Il y a une voiture qui vous attend en bas, on vous amène au P. C. (foyer). Voilà.

E : Ca remonte à vieux ?

2 mois.

E : et auparavant ?

J’étais au Marché-gare.

Pourriez-vous dire pour quelles raisons vous vous sentez mieux dans la rue  ?

Je discute avec des gens, avec certaines personnes, et puis je suis plus en sécurité dans la rue qu’ici, moi.

E : plus en sécurité ?

Oui, il y a des drogués, ici, au début oui, j’ai plongé, pas tous les jours, j’étais secoué, vraiment. Enfin bref, et puis, après, ben j’ai mis un petit peu...Je me suis arrêté tout seul.

E : vous avez arrêté de boire ?

J’ai arrêté de boire, j’ai de la volonté, je fume pas, quand j’ai décidé de faire quelque chose...

E : vous dites que vous vous sentez plus en sécurité dans la rue, que vous discutez avec des gens... Ce sont les raisons pour lesquelles vous y êtes mieux ?

Ici, vous avez pas de dialogue avec qui que ce soit ; on vous envoie promener, on vous demande « t’as pas un franc, t’as pas ci, t’as pas là.... » Moi je travaille pas, hein...Avec les gens de la rue, ils comprennent quand même, ils me demandent « comment ça se fait que vous avez pas de logement? » En ce moment, j’ai fait une demande au CAO (organisme social), mais ça va faire 3 mois...

E : ça vous fait envie d’avoir un appartement pour vous ?

Oui, parce que, comme maintenant là, où c’est que je vais, maintenant ? Je m’assois sous un porche, je viens pas ici parce que c’est tous des drogués, des malades.

E : en somme, vous n’avez pas envie d’être ici.

(opine en silence).

2 ème question : Etes vous itinérant (sans attache géographique) ?

Je suis implanté pour le moment ici, mais autrement, si c’était à....Je repartirai chez moi, dans mon pays.

E : vous aimeriez repartir dans le Jura ?

Oui, c’est très joli.

E : pourtant vous sembliez dire qu’il y a longtemps que vous en êtes parti ?

Oui, il y a longtemps.

E : vous me dites que vous avez été adopté sur L ; ça, ça a duré toute votre enfance ?

Oui, jusqu’à 17 ans, après je suis parti, je me suis engagé dans l’armée.

E : d’accord ; et quand est ce que vous avez vécu dans le Jura ?

Ben, je suis né là-bas, mais j’ai pas vécu là-bas, puisqu’on m’a trouvé dans la rueet qu’on m’a remonté sur L.

E : et quand vous étiez adulte, vous n’êtes pas remonté dans le Jura, vous êtes resté sur L. ? 

Oui

E : donc, vous êtes pour l’instant implanté sur L, mais vous n’êtes pas itinérant pour autant puisque vous aimeriez retourner dans votre pays ?

Voilà, c’est ça..

E : et cela, c’est depuis quand ?

Deux ou trois mois, au foyer ; au marché-gare, je suis resté 11 ans dans le camion, j’étais bien installé, j’avais un docteur qui était venu me voir, m’apporter des affaires, mais comme on voulait pas le laisser rentrer, je connaissais du monde ; le problème, j’étais au poste de garde, je disais, voilà y’ a un professeur de G.B (hôpital), il était très gentil, alors vraiment !...il m’apportait des couvertures, un matelas, il m’a tout apporté.

E : j’essaie de remettre un peu les choses en ordre dans ma tête : avant de dormir dans le camion, vous étiez à l’armée ?

J’étais à l’armée, voilà. Pis j’ai repris du travail comme je vous dis, j’étais chef de chantier...

E : ensuite, il y a eu la faillite de votre patron ?

Et c’est là que j’ai plongé dans l’alcool.

E : quel est votre périmètre de déplacement ?

L., V., St J., F., la Demie –L.( tout le nord ouest de la ville) . J’ai fait tout à pieds, 40 kilomètres...

E : les 40kms, vous les avez faits à pieds ?

Oui, dans la région.

3 ème question : êtes-vous sédentaire  ?

non, je voyage beaucoup dans la région.

E : vous considérez vous sédentaire dans votre espace ?

Je suis toujours en mouvement.

E : depuis quand ?

Depuis que je suis au foyer.

E : et dans le camion, non ?

Non, parce que j’avais des activités, je travaillais, mais pas déclaré. Je chargeais des camions, même à 2h du matin.

4ème question : pourriez vous mesurer approximativement la durée de vos séjours dans un même lieu ?

11 ans dans le camion.

E : au foyer ?

Je vois avec l’assistante sociale quand j’aurais une réponse de la préfecture pour un logement;  je voudrais bien au moins dans 2 mois.

E : et l’armée ?

8 ans d’armée, j’aurais mieux fait d’en reprendre en plus.

E : auprès de vos parents adoptifs ?

Mes parents adoptifs ? attendez voir...Oh, 20, 20, 23 ans, le plus longtemps, oh oui, ils étaient très gentils...

E : entre votre naissance et l’arrivée à L. ?

C’est à dire, j’étais d’abord là-bas à B. ( institution d’hébergement pour enfants). Je peux pas vous dire à peu près, je suis bien resté 2 ans, oui. (silence)

E : on continue ? Ce n’est pas trop fatiguant ?

Oh non, non, pas du tout.

5 ème question : savez vous ce qui détermine votre départ d’un lieu donné ? Et je vous propose plusieurs réponses... Impossibilité matérielle d’y rester ; sentiment de ne pas y être à ma place ; envie d’aller ailleurs ; autres...

Oui , voilà, plutôt pas à ma place quelque part, ben ça...(soupire). Envie d’aller ailleurs si j’avais un petit peu de sous, mais alors ça, c’est pas demain la veille...

E : donc, une envie de partir... D’autres choses ?

Comme je vous ai dit, je voudrais partir chez moi, dans le Jura, parce que c’est un coin qui me plaît, que. Oh, pis ça n’a rien a voir avec L., hein...Moi j’aime la nature.

E : vous vous souvenez un peu du Jura ?

Oui, un peu, j’ai descendu, euh, avec un gars qui est venu charger à L ; et pis qui m’a dit, ben tiens, j’ai mon frère qui est malade, est ce que tu peux venir, descendre avec moi dans le Jura, ben je dis oui, alors j’ai fait St C. ,j’ai pas reconnu St C.

E : est ce que vous aviez des souvenirs d’enfance, de St C., par exemple ?

Euh, ben, j’étais petit, ben (hésite) on m’a parlé qu’on m’avait trouvé dans l’église à St C. (bafouille), on m’a expliqué c’est là qu’on m’a trouvé.

E : sous le porche de l’église ?

C’est ma mère adoptive.

E : elle vous a reconduit sur les lieux ?

Elle m’a emmené, on est restés 15 jours en vacances, on est descendus à l’hôtel et c’est de là que, bon ben, on est partis d’un côté elle m’a dit ben voilà c’est, c’est pas me faire le coup de te sauver ? je lui ai dit non, je rentre avec toi, et pis on est rentrés.

E : vous étiez grand, déjà ?

Voilà, oui.

E : un adulte, un adolescent ?

Non, non, un adulte, oui oui.

6 ème question : avec quel événement associez- vous votre entrée dans l’errance ?

E : je crois que vous me l’avez déjà dit, c’est quand votre femme vous a quitté ?

Voilà, c’est ça.

La deuxième série de questions concerne votre santé ;

Vous n’êtes jamais obligé de répondre si quelque chose vous ennuie.

7 ème question : considérez vous avoir des problèmes de santé et lesquels : mal de dos, dermatoses, parasitoses, maladies cardio-vasculaires, pulmonaires, dentaires... ?

Ah, dentaires, alors là oui, alors là je peux vous le dire, il m’en reste pas grand chose...

E : comment ça se fait ?

C’est à dire, j’ai fait l’Afrique noire et pis j’ai attrapé le scorbut , alors j’ai les dents qui tombent toutes seules.

E : vous n’avez pas ce problème à cause d’une dénutrition ?

Non, je mange correctement.

E : des problèmes de dos ?

Par contre, j’ai des problèmes de colonne vertébrale ; il m’est arrivé, j’ai eu un accident (silence) un petit peu bête, quoi...Pareil, au marché-gare. Ben, comme je vous ai dit, c’était pas déclaré, puis un monsieur qui nous embêtait avec son chariot et moi j’ai voulu, ben, jouer le malin ; au total, c’est moi qui ai pris, qui ai pris quoi. J’ai basculé, puis j’ai les reins qui ont...Moi, je tournais le dos, j’ai tombé comme ça (montre la chute en arrière) , comme ça sur le dos, je suis cogné par terre et ben, le samu et les pompiers y ont pas pu arriver à me bouger je suis resté une demi-heure allongé par terre, alors...

E : vous aviez peur d’être paralysé, à ce moment là ?

Oh, j’ai une boule comme ça à la colonne vertébrale.

E : il vous reste des séquelles ?

Oh oui.

E : ça vous fait mal, encore ?

Ben, quand le temps y change. On dirait qu’il, que quelqu’un me tire sur le nerf qui est coincé, machin, et pis bon, ben, on voulait m’opérer, j’ai jamais voulu. Ben, j’ai un docteur de famille à O., le Dr..., et il m’a dit : quand vous prendrez de l’âge, dites moi, comment vous allez faire ? Ben, je dis, je ferai comme les autres...

E : c’est comment, comme les autres ?

Ben j’ai dit, ben (s’esclaffe, silence) je, je laisse aller comme ça, ben...mais il m’a dit non, écoutez maintenant avec, euh, bon, les hôpitaux y font des, des comment, des, des progrès en, machin.. M’a dit maintenant si vous voulez on va vous hospitaliser bon et puis ce qu’on va faire, on va vous opérer avec un laser. J’ai dit qu’est ce que c’est ce truc, encore, j’y connais rien du tout...

E : qu’est ce qu’on pouvait faire pour l’opération, vous enlever la boule, c’est ça ?

Oui, mais c’est coincé entre les vertèbres.

E : comme une hernie discale ?

Voilà. Moi, on m’a foutu la pétoche, pourtant je suis pas... quand on m’a dit vous risquez d’avoir (silence)...90% autrement vous allez vous retrouver en...Voilà, eh ben voilà pourquoi j’ai pas voulu qu’on m’opère.

E : 90% que l’opération marche bien, sinon vous risquiez d’être paralysé ?

Voilà. Dans une charrette, oh là ! J’ai dit non, ça, c’est à moi, on n’y touche pas. Mais autrement tout va bien.

E : Alors, des problèmes dentaires et des problèmes de colonne vertébrale. Pas d’autres choses ?

Non, tout va bien.

comment traitez-vous ces problèmes de santé  ?

E: Vous refusez de vous faire hospitaliser, mais est-ce que vous vous faites suivre par rapport à la douleur par exemple ? Prenez-vous des médicaments contre la douleur ?

Non, rien du tout. Et pourtant je suis assuré. J’ai été ce matin à la sécurité sociale, là, place J. M. parce que j’ai ma carte, elle passait pas. Je voulais prendre des cachets. Il y a deux semaines, oh je suis comme les autres, hein, j’avais un coup de froid, j’avais une petite grippe, j’avais le nez qui coulait, bon, ben j’y ai été et puis ils ont passé la carte dans la borne, elle passait pas. Alors le pharmacien, bon ben ils sont très gentils, ils m’ont donné des cachets, ça s’est passé, pis moi ce matin j’ai dit : je retourne là-bas à la sécurité sociale, ben la fille m’a dit, ben j’ comprends pas pourquoi, votre carte elle est bonne ; ben j’ai dit non ; la p’tite dame, elle m’a fait « comment qu’ça s’fait » ? Ben…

E : les médicaments, vous n’en prenez pas forcément, mais quand vous en prenez, vous vous débrouillez tout seul ? Jamais avec des copains, par exemple ?

Oh non, non. Je vais vous dire quelque chose : si j’ai mal aux dents, bon voilà, je vais m’acheter des cachets…

E : vous allez voir le dentiste ?

Ben, pas le dentiste…

E : vous ne vous faites pas suivre ni par un médecin, ni par un dentiste, ni par l’hôpital ?

Non, non, personne. Et pis je prends les cachets de personne, voilà.

E : est-ce que vous connaissez Médecins du Monde ? Est- ce que vous y allez, parfois ?

Si, j’ai été une fois, c’était pour la retraite, pour avoir un papier, j’arrivais pas à avoir ce papier. Bon, ben un jour, je suis passé et j’ai été voir le médecin du monde. C’est Mme … qui a le papier. Mais il était très gentil ce monsieur, il a dit revenez me voir et il m’a dit : avec vous on peut discuter, j’ai dit écoutez, il m’a dit… (s’interrompt)

E : vous y êtes allé pour un papier administratif mais pas pour vous faire soigner ?

Pas pour me faire soigner et bon, ben le monsieur il m’a dit de revenir ; il m’a dit : si vous avez un problème, vous revenez me voir et j’y suis jamais retourné.

E : est ce que je peux vous demander pourquoi vous ne vous faites pas soigner ?

(silence)

E : vous n’avez pas envie ?

Euh, c’est pas que j’ai pas envie. C’est juste que j’ai une bonne santé, que peut être, il y a peut être des choses à quelque endroit des fois, que je vois pas moi hein, mais non, je me suis mis dans la tête que, bon ben j’ai décidé que… (silence)… j’ai une bonne santé, je vois pas pourquoi que j’irai, comprenez, voilà. Maintenant, s’il m’arrive quelque chose, bon ben, je s’rai bien obligé d’y passer, hein…

E : on peut avoir une bonne santé et se faire suivre pour voir si tout va bien ?

Ben oui, j’ai les allocations familiales qui m’envoient souvent un papier. Ben j’y vais pas…

E : c’est pour passer des bilans de santé gratuits ?

Je sais pas si je vais pas y aller d’ici quelques temps parce que y’en a qui me disent que ça joue sur la retraite…Alors moi je pense pas, hein…

8 ème question : avez-vous l’habitude de fumer ?

Non, j’y ai jamais touché.

9 ème question : buvez-vous régulièrement de l’alcool?

E : vous m’avez dit que vous buviez autrefois…

Non, maintenant j’ai arrêté.

E : quand vous buviez, c’était seul, ou en groupe ?

Oui, oh accompagné avec une ou deux personnes.

E : des amis ?

Oh, vous savez…Parce que des amis, vous savez, pour en trouver à ce moment, fallait les chercher…

E : au moment où votre femme vous a quitté ?

Voilà.

E : Après, vous avez décidé d’arrêter ?

Après, oui.

E : pourquoi cette décision, comme ça, brutalement ?

Eh ben, je vais vous dire une chose, de voir les autres, ça m’a, je sais pas, ça m’a, je vois ces gens qui « boit » des canons, je dis, mais toi, tu faisais pareil avant, je comprends pas ! Ben j’ai dit, ben maintenant on va arrêter, j’arrête et puis maintenant quand je vois la déchéance des autres, je leur dis mais pourquoi vous buvez ? Alors, on m’envoie promener…

E : pourquoi vous buviez ?

Ben, pour la raison c’est que ma femme est partie avec mes enfants. Et voilà.

E : ça faisait quoi, de boire ?

Et ben j’oubliais.

D’accord. Cela permet d’enchaîner avec la question qui suivait :

10 ème question : en quoi, à votre avis, ces habitudes vous sont-elles utiles ? sont –elles agréables ?

(hésite, silence, marmonne) non, non. C’est pas agréable, mais bon…

E :Est- ce un moment partagé avec les amis ?

Oui, on buvait avec ces personnes.

E : Est- ce un moment où vous isoliez du monde  ?

Oui, je m’isolais, oui.

E : Est- ce que cela vous permettait d’oublier vos problèmes ?

Voilà.

E : En étiez-vous dépendant  ?

Euh, oui, passé un moment, oui.

E : Vous ne savez pas ?

J’allais chercher à boire et pis voilà, je faisais deux, trois sous…

La dernière série de question concerne le lien entre vous et les autres :

11ème question : quel regard portez- vous sur : la société ?

Et ben la société, la société elle est pas belle.

Les amis ?

Non, des amis, j’en ai pas.

E : pas d’amis, pas de regard ?

Voilà, comme ça…je suis tout seul, je suis bien, je me promène tout seul et comme ça, ça se passe très bien. J’ai mon caractère, c’est comme ça, je me suis plongé là-dedans j’ai dit, bon ben, vaut mieux rester tout seul. N’importe comment, ici j’ai pas de conversation, avec personne, je prends mon plateau, je vais me mettre à une table, il y en a qui me parlent, je réponds pas.

E : aucun avec qui partager ?

Non (silence).

E : vous n’avez pas envie ?

Si, j’ai essayé ; passé un moment avec un monsieur, bon ben, ben maintenant il est à l’hôpital ; je sortais avec, je l’ai accompagné, il avait une canne, bon ben je l’accompagnais et puis un jour ou l’autre et ben il a disparu. Et pis hier, bon, ben…

E : les amis, quand il y en a, ils disparaissent ?

Voilà, c’est ça, et j’ai appris qu’il était à l’hôpital, qu’il s’était fait opérer que bon ben la santé ça allait vraiment mal de son côté alors moi, j’ai dit bon, mince mais pourquoi il m’en a pas parlé, pourquoi ci, pourquoi ça…On était bien, c’est pas qu’on était des amis mais on discutait à table voyez, il venait tout le temps vers moi et moi, je, des fois moi je mange pas de yaourt, je mange pas ci, pas là ; ben tiens Jean Paul, tu y veux ?…

E : vous partagiez des choses ?

Voilà, il me donnait des choses.

E : et pourtant il ne vous a pas prévenu qu’il était malade ?

Ben non.

E : vous avez envie d’aller le voir à l’hôpital ?

Euh…ben…(hésite) Justement, cet après-midi je vais voir, on va me donner l’adresse où il est ; d’après ce que j’ai entendu, c’est l’hôpital F. d’A. Je sais pas où c’est que ça se trouve, mais enfin on va me donner l’adresse. Je sais pas où ça se trouve.

E : vous avez envie d’y aller ?

Ben j’ai envie d’aller voir, oui, moi, moi (hésite, bafouille)

E : vous n’êtres pas bien sûr ?

(opine en silence, rit) Non, parce que, pour me lâcher comme ça d’un seul coup, j’ai dit tiens, c’est bizarre ça, il aurait pu me dire, ben je vais me faire opérer d’ici quelques jours, tu viendras me voir.

La famille ?

Il n’y a pas de famille, ma mère est décédée, mon père…Il tenait une blanchisserie. Quand je suis revenu en perm, il m’a dit « viens, on va au cimetière » et c’est là que j’ai compris la mort de ma mère. Je n’avais pas été prévenu. Il a laissé la blanchisserie, il m’a dit « viens on va au restaurant manger des grenouilles ». Après le restaurant, on s’est arrêtés, on a bu un verre et puis bon, on a discuté un petit moment et pis ben « « tu sais pas, moi je m’en vais deux ou trois heures, voilà. » Moi j’ai dit, « tiens il a peut être dans le coin quelqu’un à voir. » « Si dans trois heures je suis pas là, tu rentres à la maison, il m’a dit, tu prends un taxi ; » il sort son portefeuille, je lui dis « attends papa, moi j’en ai des sous » ; il garde ses sous, bon il me dit, « ben on fait comme ça » ? (inaudible) Je dis, « y a pas de problèmes »,  eh oui. Je me suis mis à discuter avec le patron du bar et pis, une heure, deux heures, trois heures, quatre heures, personne, je lui dis « s’il vous plaît vous pouvez m’appeler un taxi et je rentre à Gr. ». Bon, je prends un taxi. (inaudible) Il me dit, « avant de repartir, avant de repartir, tu passes nous voir… »

E : ( en difficulté pour suivre le fil du discours) c’est votre père qui vous dit ça ?

Non, le patron du bar, bon, ben. Moi, j’ai rentré, y’ avait à peu près une heure que j’étais rentré, bon moi je m’étais déshabillé, j’avais pris une douche tout ça, je m’étais mis au lit. Y’ avait bon, trois heures que j’étais au lit, les chiens se sont mis à japper, je dis tiens, qu’est ce que c’est, encore des rôdeurs ; j’étais torse nu, j’étais en pyjama, je me suis levé sur le balcon et je dis aux chiens  « taisez-vous ». A ce moment j’entends : «gendarmerie nationale, ouvrez ». Alors enfin je me dis qu’est ce que c’est encore ce truc là, j’arrive… Je dis « qu’est ce que c’est ce cinéma ? » Ben je dis, « attendez je vais passer quelque chose sur le dos. » (inaudible) « s’il vous plaît allez vous habiller, on vous emmène. » Quoi, je dis, qu’est ce que c’est ? « Ecoutez, on vous dit d’aller vous habiller, un point c’est tout. » Un adjudant-chef. Bon, ben, je vais m’habiller. Il me dit «montez dans le fourgon ». Donc, nous voilà partis, (énonce un itinéraire dans la périphérie ouest de la ville) Gr., d’habitude, la gendarmerie est à Va., on descend vers Cr., tout ça… « Nom de Dieu, où c’est que vous m’emmenez là ? » « Attendez, vous verrez ». Alors on arrive à l’A.. , là, avant d’arriver à la Demie-L., moi je vois une pancarte avec un gyrophare avec accident. Qu’est ce que c’est que ce truc ? ben l’adjudant-chef me dit « descendez », avec deux gars qui étaient à côté de moi (silence). Et pis je monte sur le talus, je regarde…Mais je vois la voiture de mon père en bas, mais en mauvais état…Nom de chien ! Moi je vais pour sauter, les gars ils m’ont attrapé, ils m’ont remis dans la, la (hésite) camionnette. Je dis, mais c’est mon père, il me dit : « ben, vous reconnaissez » ? Ben, je connais la voiture et ils étaient en train de couper avec une machine, là…

E : de le désincarcérer ?

Oui, le désincarcérer. Nom de chien, qu’est ce qui m’arrive encore ? J’ai attendu un moment et après ils m’ont fait sortir. Il me dit « vous reconnaissez » ?Ben je dis oui, c’est mon père. Défiguré, hein !

E : il était mort ?

(voix très basse) oui, il était mort. Alors moi, j’en ai déduit que bon, hein, qu’il m’avait dit pendant trois heures, qu’il voulait se suicider mais il aurait pu me le dire, hein…

E : oui, mais vous l’auriez sans doute empêché ?

Oh ! Oui, parce qu’il était trop gentil.

E : ça, c’était tout de suite après la mort de sa femme ?

Ouais. Enfin…

E : alors, vous vous êtes retrouvé sans plus personne ?

Ouais, ah oui.

E : il n’y avait pas de frères ni sœurs ?

Non, non personne. Et puis, bon ben, après je me suis débrouillé seul, je suis parti, je suis rentré au marché-gare, j’ai travaillé tout ça, et puis je me suis retrouvé dans le camion quoi…ben, j’en ai tellement pris sur la tête que, hein !…

E : ça c’était par rapport à la famille, on peut dire que c’est très lourd…

Oui, oh ! Oui, c’était lourd. C’était vraiment…

Quel regard portez-vous sur vous-même ?

Ben c’est dommage, parce que j’aimais bien…et puis…pour une fois que j’avais trouvé une famille qui était très gentille…(silence)

E : C’était un peu votre famille ?

Oui, c’était ma famille. Et pis, beaucoup, de loin…Ben oui.

E : un peu comme si, les deux parents étaient décédés, vous n’existiez plus ?

Voilà c’était comme si…(silence) ben…

E : comme si vous étiez mort avec eux ?

J’étais mort avec eux, oh ! Oui. (silence).

E : Alors, vous n’avez pas de regard sur vous ?

Eh ! non, pas du tout. (silence) La vie, elle est faite comme ça, hein. (silence)

12 ème question : à votre avis, quel regard portent les autres sur vous ? Amical, affectueux, indifférent, méprisant, autre…

Ben, je sais pas, je vois pas parce que vous savez, je parle pas beaucoup, à part avec, comme vous, vous me posez des questions, mais autrement les autres, moi j’ai pas de conversation avec eux…Et puis, puis, ils m’intéressent pas.

E : ce serait plutôt de l’indifférence, alors ?

De l’indifférence, oui.

E : et eux, par rapport à vous, vous pensez qu’ils vous regardent avec indifférence ?

Oui, ils doivent penser, mais à quoi il pense, à quoi, pourquoi il parle pas, ben moi, j’ai pas à parler avec eux, ils sont tout le temps entre bise et vent…

E : entre bise et vent ?

Oui, c’est à dire (peu audible) saouls. ( rit)

E : je ne pensais pas forcément aux gens d’ici ; ça peut être les gens de la rue…

Ah, les gens de la rue, oui j’ai beaucoup de gens qui me disent « vous êtes gentil, que c’est malheureux ce qui vous est arrivé »..

E : c’est un regard amical, alors ?

Oui, amical. Y’a beaucoup de gens qui m’ont invité et pis j’y vais pas.

E : ils vous ont invité et vous n’avez pas envie d’être invité ?

Voilà. Des samedis, des dimanches, jours de fête, tout ça, y’a beaucoup de gens qui m’ont invité, moi j’y ai pas été J’ai dit excusez moi, j’aime autant rester tout seul et pis j’aime pas voilà, j’aime pas gêner les gens.

E : Vous pensez que vous les gênez ?

Voilà.

E : mais s’ils vous invitent, vous pensez que vous le gêneriez quand même ?

(silence) Peut être, un jour, j’irai peut être les voir, leur dire bonjour en passant, c’est tout, quoi ça va pas plus loin. Non, parce que j’aime pas embêter les gens. Voilà. J’aime être tranquille, j’ai l’habitude de marcher, me promener, j’arrête devant une vitrine, je regarde, je vais au parc de la T d’O, je donne des cacahouètes aux écureuils, voilà.

E : aux grands animaux aussi ?

Non pas aux animaux parce que c’est trop sévère. Si un jour vous y allez, vous allez me trouver là-bas à genoux, et pis j’ai des machins dans la main, et pis ces petits écureuils qui me font piquer parce qu’ils viennent manger dans la main.

E : ils piquent ?

Ils viennent manger mais alors hier j’ai rigolé parce que bon ben, j’avais rien, j’avais pas de sous pour acheter un paquet de gâteaux, alors je me suis mis comme ça et alors y ‘en a un qu’est venu avec ses pattes il m’a attrapé le doigt, et il a vu qu’y avait rien dedans…Alors il m’a mordu, mais pas méchamment hein! il m’a mordu. Et pis une dame qui a passé et m’a fait : « il vous a pas fait mal, j’ai vu qu’il vous a mordu » ? J’ai fait, non madame, bien au contraire, c’est pas comme les humains, ils vous font pas de mal, ces bêtes là. Alors elle m’a dit «on va s’asseoir » et puis elle m’a dit «si vous voulez, on va boire quelque chose » (silence). Je lui dis «écoutez, madame, je suis désolé, je n’accepte rien du tout de personne ». Et c’est là qu’elle m’a dit «mais vous êtes un monsieur, vous êtes méchant ». «Oh! là, je lui dis, je suis encore pire plus que méchant ». Alors elle me dit : « c’est pas grand chose, je vous offre le café. » (silence) Je lui dis, « écoutez madame, vous gardez votre café, c’est très gentil de votre part. » D’abord je lui ai souhaité une bonne année.

(à part ) excusez moi, je ne vous ai pas souhaité la bonne année.

E : moi non plus, je vous souhaite une bonne année.

Et bon, c’est fini comme ça, elle m’a dit «je me suis aperçue que vous êtes méchant, comme gars ». Ben je lui dis, «écoutez…moi »…

E : c’est une dame que vous connaissiez déjà ?

Jusque là non. Elle m’a dit «je vous ai croisé souvent dans le parc de la T d’O, parce que passé un moment je faisais du «shopping » (semble vouloir dire jogging). J’avais un machin (montre un vêtement) que je m’étais acheté; bon, ben pis au marché- gare, ils m’ont tout enlevé, mais je faisais souvent une centaine de tours du parc.

E : vous êtes sportif ?

Oui, j’ai fait de la boxe avec T, si vous connaissez ?

E : C’est un boxeur ?

Oui, c’est un champion d’Europe.

E : vous étiez professionnel ?

Non, non, j’étais amateur, et j’allais passer professionnel. (silence) Moi, j’aime tous les sports. C’est pour ça que j’ai pas d’embrouilles ici, moi je réponds pas. Voilà, autrement il vaut mieux.

E : sinon, vous pourriez être violent, si vous répondiez ?

Oui, parce que vous voyez pas, mais moi je suis toujours sur le qui-vive, tout le temps.

E : vous êtes méfiant ?

Ouh ! la la ! Tout le temps, tout le temps. Quelqu’un qui passe derrière moi, alors je fais semblant de rien, puis je regarde. Quelqu’un qui est derrière moi, ah! ça j’aime pas parce que…

E : un peu comme si vous étiez en guerre, alors ?

Euh oui, j’ai appris ça à la guerre.

E : vous avez appris à vous méfier ?

C’est pour ça que je suis toujours vivant.

E : si vous ne vous méfiiez pas, vous risqueriez d’être mort ?

Oui, parce que avec ces jeunes qu’y a en ce moment, vous savez…(silence) Y me posent beaucoup de questions, moi, ces jeunes, c’est trop violent, trop violent…

E : on continue ?

Ben bien sûr, pas de problème.

13 ème question : ressentez-vous parfois un sentiment de honte ? Envers : la société ?

Oh ! non, non pas du tout, jamais. La société (rit), comme je vous l’ai dit tout à l’heure, la société ça me surprend vraiment. Oh ! d’abord on ne s’occupe pas des gens qui sont dans la rue. Ils pourraient faire quelque chose de plus ; moi, ce que je demande, c’est d’avoir un appartement, maintenant, parce que bon, ben se promener c’est bien beau, se promener dehors…Mais je suis comme les autres, j’arrive à un âge hein ! bon ben, maintenant je me lèverai un peu plus tard tandis que là, on vous met dehors à 7 heures, qu’est ce que vous faites à 7 heures dehors ? Vous avez rien du tout. Bon ben j’ai ma fille à V., elle est mariée, elle a trois enfants…

E : vous n’avez jamais essayé de la revoir ?

Si si, je la vois souvent, ma fille. Mon fils je m’en occupe pas mais elle, je la vois souvent. Elle habite avenue…, moi j’y vais souvent mais maintenant j’y vais moins parce qu’il y a sa mère, bon j’ai mon beau-frère qui est mort, il est mort du cancer et maintenant mon ancienne femme elle y est presque tout le temps.

E : et vous ne voulez pas la revoir ?

Non. Encore, elle « aurait parti » avec un français…Je suis d’accord. Mais pas avec un algérien, alors là ça m’a coupé les jambes.

E : elle est partie pour un autre homme ?

Ouais, elle est partie pour un algérien. .. Alors ça m’a donné encore plus de les « aire »

E : les quoi ? Les haïr ?

Haïr. Haïr ces gens là. Parce que j’ai trop vu ce qu’ils ont fait là-bas en Algérie. C’est pas des humains, c’est vraiment pas des humains.( voix plus basse)

E : vous avez assisté à de la torture ?

Oh ! oui. Oh vous savez on est intervenus dans un, dans une ferme…Ces gens ils avaient incendié les ….tout autour il y avait des…Oh, comment ça s’appelle ? des…Comment on appelle ça ? (sidéré. silence) Voilà, ça me revient : l’avoine, il y avait de l’avoine tout autour de la ferme ; ils y ont mis le feu et les gens ont brûlé. On est intervenus avec les hélicos mais c’était trop tard.

E : les gens ont brûlé dans la ferme ?

Voilà. Y avait une femme qui était à moitié carbonisée, on voyait qu’elle était enceinte. Alors ça, encore là ça m’avait frappé encore.(silence)

E : ça, ça vous fait honte ?

Oh ! oui.

E : c’est la société, ou c’est les Algériens, dans cette situation là ?

Oui, ils veulent montrer que, enfin c’est les jeunes, pas les vieux, ils veulent montrer que…Y veulent peut être faire la même chose que en Algérie ; moi je leur dis de temps en temps, croyez moi je leur dis, hein « si vous êtes pas contents, y a des bateaux, des avions, partez pour votre pays, alors.(silence)

Les amis ?

: Vous disiez y’en n’a pas; il n’y a pas de honte alors ?

Non.

La famille ?

E : par exemple, votre père s’est suicidé, quel sentiment cela vous a fait vivre, est ce que vous avez eu honte, regretté qu’il ne vous ait rien dit ?

Ben voilà, c’est ça qu’il me l’ait pas dit, il aurait pu me le dire, au moins j’aurais pu comprendre, c’est des gens y’ avait pas d’histoires, pas du tout, jamais je les ai entendus se disputer, rien du tout. C’est pour ça qu’après quand j’ai vu qu’il s’était suicidé…

E : vous lui en avez voulu ?

Comment ?

E : vous lui en avez voulu ?

Au début, oui, un peu, oui, qu’il me l’avait pas dit. Qu’on aurait pu avoir un petit dialogue ensemble, et puis que quelque fois peut être j’aurais peut être pu…(silence) Je sais pas, j’aurais des fois peut être pu l’empêcher. Peut être, parce que moi, il m’aimait bien.

E : vous vous en êtes voulu de n’avoir pas pu l’empêcher ?

Oh ! oui, ça c’est vrai.

E : vous avez honte par rapport à ça ?

Honte ? …Oh ! C’est pas une honte…Comment qu’on pourrait l’appeler ?

E : essayez de trouver un mot…

(silence). Je ne sais pas comment interpréter ça… C’est pas de la haine, non c’est vraiment pas de la haine parce que c’était mon père, quoi. (silence) Enfin, je peux pas vous dire, c’est pas la peine que je cherche, je peux pas vous dire.

E : d’accord. Je vous pose la dernière question :

14 ème question : pourriez vous proposer une image qui représenterait ce qu’est la honte pour vous ?

Euh, une image ?(très long silence). Bon, je vois pas, je vois pas ce que je pourrais trouver, non je vois pas.

E : nous en avons terminé en ce qui me concerne. Avez vous des questions à me poser ?

Non, pas du tout, vous faites votre travail et moi ça me fait plaisir que vous me posiez des questions, ça me change un petit peu.

E : ça vous fait du bien de parler un peu de vous ?

Voilà, oui

E : même si c’est des moments difficiles ? La mort de votre mère, de votre père ?

Ah ! là oui, ça m’a… ça m’a secoué un petit peu, enfin, après on a discuté d’autre chose, ça passe un peu.

E : d’accord, il faut qu’on arrête de parler de ça ?

Oh ! de mes parents, oui.

E : après vous êtes mal pour le reste de la journée ?

Oui, et puis moi je suis pas prêt à pleurer, mais ça me, ça me…

E : ça vous touche ?

Oui, ça me touche, parce que c’est la première fois que je voyais des gens qui étaient vraiment très gentils pour moi. J’avais besoin de quoi que ce soit, une mobylette ou machin comme ça et comme ici à L., je faisais des courses cyclistes c’est mon père qui m’avait poussé à faire du cyclisme parce qu’il voyait que j’étais un bon sportif et…

E : c’est le sport qui, à votre avis, vous a gardé en bonne forme physique ?

En faisant beaucoup de sport.

E : donc, on pourrait dire que c’est grâce à votre père que vous êtes en bonne santé ?

Oui, grâce à mon père, ça c’est vrai.

E : nous allons arrêter pour aujourd’hui.