Sujet n°7 : Monsieur S : 155/ 177.

Sujet n°8 : Monsieur C : 177/ 192.
24/05/01

Le sujet est d'accord pour l'entretien et la passation du TAT. Il dit aimer rendre service, être très serviable. Il accepte l'enregistrement.

E: dans un premier temps, je vais vous poser des questions d'ordre général, votre état civil, votre âge...

50 ans. Au chômage.

E: êtes vous marié, avez vous des enfants?

Divorcé. Divorcé 4 enfants. (silence)

E: c'est tout pour l'instant?

Ben, oui.

E: je vais donc vous poser un certain nombre de questions, et vous répondrez comme vous le voulez.

1 ère question: dans quel type de lieu vous sentez vous le mieux? (énoncé des propositions)

Oh, ben c'est l'appartement personnel. (inaudible, parle très bas)

E/ appartement ou maison, bien sûr. En tout cas, habitation personnelle?

Oui, oui.

Pour quelles raisons?

Mon indépendance totale. (silence)

E: votre indépendance totale? Vous voulez en dire un peu plus?

Ben, j'ai l'intention de récupérer mes, mes deux petits. (silence)

E: les deux petits?

Ouais, ouais. Mes deux derniers enfants.(silence)

E: qui ont quel âge?

16 et 12 ans.(silence)

E: et donc, pour récupérer ces enfants, il vous faut un appartement personnel?

Voilà. et j'ai du mal à trouver ça, vu que je suis au chômage, ou que j'ai pas de..(hésite) répondant, euh...

E: vous n'avez pas de répondant? Ca veut dire quoi?

Ben, de répondant, de cautionnaire, quoi...

E: d'accord. Vous touchez encore de l'argent du chômage?

Ah oui, oui je suis en entrée de droits, donc...(silence) C'est quand même un bon revenu....(silence) vu la, vu ma position, euh...professionnelle....

E: oui?

Euh, je suis quand même...(attend, semble ménager un effet) mécanicien généraliste, euh...(silence) OQH.

E: vous me parlez de sigles que je ne connais pas. OQH?

Hautement qualifié!

E: d'accord.

(rit, comme satisfait)

E: donc, si vous êtes en début de droits, cela signifie que vous avez travaillé jusque il y a peu de temps?

Oui, j'ai travaillé, j'ai travaillé jusqu'au 22 décembre 00.(silence) Et là, là, bon, ben, je peux pas retrouver de boulot. Je retrouverai pas d'embauche. (soupire) Ca y'a pas de problème!

E: c'est une certitude pour vous?

Oh oui! A partir de 50 ans vous trouvez plus d'embauche. Déjà, à 45 ans on va pas vous embaucher, alors à 50! (rit) C'est d'ailleurs pour ça que je viens de recevoir, euh, j'ai reçu la semaine dernière justement un courrier des ASSEDIC (s'interrompt) me rallongeant de 122 jours euh, mes, mes entrées de droit. (silence)

E: ça veut dire quoi?

Ca veut dire que les ASSEDIC vous, vous donnent au départ, euh, en entrée de droits, 122 jours donc comme premier, euh, premier barème et ensuite ils vous, ils vous baissent euh, vos droits de 5% par trimestre. Alors que là, ils m'ont remis, donc...

E: un peu comme si vous démarriez à nouveau?

Voilà. Entrée de droits, euh, de nouveau. Bon, vu les années de travail derrière moi aussi, j'ai pas eu beaucoup de chômage, je dois avoir euh, un an ½ de chômage en (parle lentement) en30, euh, 4 ans de cotisation.(silence) Ca fait 34 ans de cotisation sécu, c'est pour ça qu'ils ont, bon, ben...

E: c'est pour ça que vous avez des...

Voilà, des...

E: des possibilités supérieures au niveau des ASSEDIC?

Oui. C'est comme des droits supplémentaires. En plus de ça, comme on approche de la pré-retraite, ils savent très bien donc, automatiquement, euh, ce sont des, euh, des clauses internes aux ASSEDIC, quoi, qui...

2 ème question: êtes vous itinérant (c'est à dire sans attache géographique?)

Non, les gosses sont là. Ca fait 40 ans que je suis....(s'interrompt) Non 30 ans, sur L.

E: et auparavant?

Auparavant, j'étais à P. pendant 9 ans. Sinon, je suis Corse, de sang et de cœur. (sourit)

E: vous êtes né en Corse?

Non, je suis né en Algérie, à cause des mutations de mon père.

E: vous êtes revenu au moment de l'indépendance?

Non, je suis venu en France pour finir mes études en 58. Mais j'ai transité par la Corse quand j'avais 7 ans. Mon père est resté 12 ans en Algérie, il était receveur des PTT. Il a passé deux grades pour pouvoir revenir en Corse après.

E: donc vous êtes retourné en Corse?

Oui, de 64 à 65, ensuite j'ai fini mes études à Cl.

E: jusqu'en quelle classe?

En seconde.

E: vous avez fait une formation de mécanique ensuite?

Non, j'ai tout appris sur le tas.

E: vous êtes retourné en Corse?

Je suis rentré 1 an puis je suis resté 9 ans à Paris.

E: vous disiez que vous êtes Corse de sang et de cœur. Votre intention est d'y retourner?

Y' a pas de boulot. (rit) Pour finir mes jours là-bas. (silence)

E: donc vous n'êtes pas itinérant parce que vous avez des attaches géographiques ici, à L. En même temps, on voit bien que le cœur est en Corse?

Ben oui.

E: et aussi que vous avez pas mal bourlingué, depuis que vous êtes petit?

Ah mais oui! J'étais, quand j'étais à P, j'ai fait pas mal de déplacements donc, euh...

E: ah donc, pas seulement quand vous étiez petit, mais même au travail, vous vous déplaciez beaucoup?

Oui, oui. (silence) Quand j'étais à P, j'ai fait, euh, j'ai fait l'Autriche, l'Espagne, la Belgique, euh...

E: d'accord, l'international, on pourrait dire? L'Européen, plus exactement?

L'Européen.(silence)

E: Donc, Espagne...Puis, vous avez dit quoi, Belgique?

Espagne, Belgique, euh, Allemagne, Autriche, euh...

E: c'est pour votre entreprise que vous partiez ainsi à droite et à gauche?

(acquiesce)

E: et c'est dans cette entreprise que vous êtes resté 9 ans?

non, là, c'est où j'étais, je suis resté euh...(réfléchit) 4 ans ½.(silence) Parce que j'ai

plusieurs cordes à mon arc.

E: oui? Toujours dans la mécanique ou autre chose?

Non, j'ai commencé par la cuisine, c'est la première place que j'ai trouvée. (silence)

E: à P?

A P. A Ram. (silence) Je sais pas si vous connaissez Ram?

E: non, je vois où c'est mais non, je ne connais pas.

J'ai laissé tomber. Par rapport aux filles. (rit)

E: (surprise) Par rapport aux filles?

(rit) Eh oui!

E: vous êtes tombé amoureux à ce moment là?

Ah non, non. Je suis un bon coureur, alors...(rit) Je suis un bon coureur de jupon,s. Pis comme dans le, dans le restaurant où je travaillais on n'avait pas d'horaires pour finir le soir, bon, euh, j'en avais marre de poser des lapins, des trucs comme ça....Mais enfin de toutes façons c'était pas trop mon job. Parce que je suis très manuel, donc...

E: et comment passe t on de la cuisine à la mécanique, alors?

Par le goût. ( peu audible)

E( vérifiant) par le ?

par le goût.(insistant sur le mot)

E: par le goût? Alors on passe de la cuisine à la mécanique par le goût?

Oh oui, ben oui, parce que, bon, ben, c'est le, le goût de....la création. (silence) Et la mécanique, c'est de la création. (silence) Créer une pièce en mécanique, c'est...(hésite) C'est un plaisir.

E: et cela, c'est un métier que vous connaissiez déjà quand vous étiez en cuisine?

J'étais, j'étais très bricoleur, mon père était très bricoleur aussi, donc, euh... (silence)

E: c'est à dire, au fond, que c'était un hobby avant de devenir un métier?

Voilà! Voilà!

E: vous avez toujours su faire?

Ah oui, toujours. Toujours bricolé. J'ai commencé, j'ai commencé par la mécanique auto, quoi la mécanique auto si on veut quoi, parce que....(s'interrompt) Bon, ben, combien, combien de fois, combien de fois j'ai dé, j'ai démonté le moteur de la mobylette pour rectifier la culasse....(rit)

E: elle était à vous, la mobylette?

Ah ouais! (silence) Après, j'ai, j'ai préféré après aller dans la mécanique générale parce que c'est une mécanique de, de pré, de plus haute précision. Et là, le plaisir justement de la pré, la précision...(s'interrompt) Tout un art...

E: vous avez déjà créé, à part des pièces, avez vous déjà créé des œuvres d'art, justement, des choses personnelles, des sculptures....? Je ne sais pas si on peut dire sculpture en l'occurrence?

Oh ben non, c'est pas de la sculpture! La mécanique, c'est pas de la sculpture. La mécanique générale, euh, vous avez une pièce, une pièce de, comme par exemple, ah la, la fabrication des, des pièces, des pièces détachées qui ont servi à monter des vérins hydrauliques qui ont remonté les, les pla, les plaques pétrolières de la mer du Nord. Euh. J'ai beaucoup travaillé sur (bégaie ) sur ces, sur ces pièces détachées là. (silence) C'est de la mécanique de précision.

E: oui, c'est ça. Ce que je voulais dire, c'est....

(m'interrompt) Si, sur demande, sur demande, sur demande d'un client, bon, ben, bon, tu fais ça ou, euh, faire des, des pièces, des premières pièces, créer les premières pièces...A la demande du client.

E: c'est ça. C'est à dire que si vous êtes capable de créer les pièces, vous pourriez aussi, on peut imaginer, faire des objets de décoration pure, avec le même matériel?

Ouais, ouais.

E: mais vous ne l'avez jamais fait?

Non.

E: votre plaisir, c'est de créer les premières pièces, pas pour les exposer, pour que ce soit décoratif, mais pour simplement les créer?

Ouais. Créer des pièces qui soient utilitaires, quoi. Parce que pour moi, une sculpture, c'est pas utilitaire.

E: c'est important, l'utilitaire?

voilà.

E: vous êtes capable de créer une pièce qui peut être décorative ou utilitaire, mais vous préférez l'utilitaire?

Je préfère l'utilitaire.

E: pouvez vous me dire depuis quand vous êtes au foyer?

Euh, je suis au foyer depuis....(brouhaha)

E: je n'ai pas entendu, pardon?

depuis le 16 janvier.

E: depuis le 16 janvier.

(silence) C'est à dire que j'ai, j'ai divorcé en 96, bon, ben... (inaudible) Je suis passé à l'hôtel, pension - hôtel...(inaudible) Bon, ben ça a commencé à baisser, je suis venu ici donc en....(hésite) 80...98/99.

E: ici?

Oui, ici. J'y ai passé 5 mois. (silence) J'avais retrouvé un logement. Et puis, bon, ben, bon après je me suis mis avec... (silence) quelqu'un... (silence) Je me suis attaché à quelqu'un et pis bon, ben pour économiser un appartement, j'ai laissé tomber mon appartement. Et pis après à la sortie ça a mal été, ( bafouille) comme, euh, elle avait des gosses... (inaudible) Pour un problème (silence) disons, particulier.... (silence) j'ai eu une réflexion: "tu n'es pas chez toi". J'ai dit, bon, puisque je suis pas chez moi...J'ai pris mes, j'ai pris mes vêtements pis je suis revenu ici En attendant de retrouver un appartement. Pour retrouver un appartement, là c'est définitif.

E: donc, depuis janvier, ça fait 5 mois...(brouhaha) Ca fait 5 mois que vous êtes ici et que c'est difficile de trouver un appartement?

Ben c'est di, difficile de trouver un appartement en étant au chômage, en étant seul, et comme je veux un type 3...

E: vous voulez un type 3? Ah oui, pour reprendre les enfants après?

Pour reprendre les enfants. (silence) C'est pour ça que...Ca provoque la, la difficulté.(silence) En plus de ça, c'est tombé en période d'hiver, donc les appartements ne se libèrent pas facilement, vu qu'il y a l'interdiction d'expulsion...

E: donc là, vous avez...

(m'interrompt) Au mois de mai...

E: vous attendez que ça redémarre?

Théoriquement, bon, ben si j'arrive à avoir un cautionnaire, normalement euh, à la fin du mois...

E: vous êtes sur des pistes?

Oui. (long silence)

E: depuis que vous êtes au foyer, quel est votre périmètre de déplacement? (Maintenant que vous n'avez plus de logement personnel, où vous déplacez vous surtout? (énoncé des propositions)

Oh, un peu, un peu toute la ville Je connais L. par cœur, alors...J'ai aucune difficulté pour me déplacer.

E: comment vous déplacez vous? Avec les transports en commun?

Bus et métro. Les transports en commun.

E: allez vous sur la région? Gr, Va...?

Non. (inaudible)

E: vous restez localisé sur L.?

Ouais. Je reste localisé sur L. (silence) Le seul endroit où je vais c'est, bon, ben de temps en temps, pour aller voir mes gosses ou pour me faire confirmer... (inaudible) C'est juste pour aller voir mes gosses. (silence)

E: vous avez dit Pont de Ch? Ils sont avec leur mère, je suppose?

Ils sont avec leur mère. (silence) Et là, elle peut me dire merci.

E: (perdue) Et?

Elle peut me dire merci.

E: elle peut vous dire merci?

Ouais. Parce que j'aurais pu garder mes enfants. (silence)

E: c'est vous qui avez souhaité qu'ils restent avec leur mère?

Oui, oui. parce que les, parce que les enfants, euh, des, des enfants ont plus besoin d'une mère que d'un père. (silence) J'adore les enfants, mais je n'en, je n'ai...jamais voulu leur couper, les priver de leur mère. (silence) malgré que...(s'interrompt) elle ne travaillait pas.(silence)

E: mais vous pensez que si vous l'aviez souhaité, leur mère aurait été privée des droits de garde? A votre bénéfice?

(opine de la tête)

E: oui?

Oui. Sans problème. (silence) Sans problème. (silence) J'avais suffisamment de...(s'interrompt) de témoignages euh...(inaudible puis silence) ça, si on était, si on était disons, suivis par la Sauvegarde de l'Enfance, euh, pendant 5 ans, (silence) c'est bien pour une raison, c'est qu'elle savait pas s'occuper de ses enfants. (silence)

E: le fait de les laisser à leur mère qui ne savait pas s'en occuper, c'était difficile pour vous?

Hein?

E: choisir de les laisser à leur mère, alors que vous dites qu'elle ne savait pas s'en occuper, était ce une démarche facile?

Ben c'est à dire qu'ils étaient, ils étaient, ils étaient grands (bafouille) quand on a divorcé, donc j'ai voulu (bafouille puis inaudible). Parce que j'ai quand même un gamin de 24 ans, (inaudible) j'en ai un qui va sur des 22 ans...

E: attendez, je n'ai pas compris: un fils de 24 ans, un autre de? 22?

22.

E: trois garçons, c'est ça?

3 garçons.

E: donc, ensuite, il y en a un de 16 ans, c'est ça?

De 16 ans, oui.

E: encore un garçon.

Ouais.

E: et donc la dernière, c'est une fille?

Ah oui, ça, c'est ma chouchoute.

E: et quel âge a t elle, la petite?

12 ans.

E: est ce que tout le monde vit encore dans la maison familiale ou les grands sont ils partis?

Ouais, ouais. Non, non, ils sont... (inspire) Les grands je suis content (s'interrompt) pour eux parce que je leur ai trouvé du boulot et je m'occupe, je m'occupe pas de mes gamins, j'ai trouvé à, j'ai trouvé à les caser dès la sortie de l'école.

E: les deux grands?

Les deux grands, oui.

E: ils font quoi?

Ben y' en a un qui est plieur en...(inaudible)

E: Ils sont, un peu comme vous, dans la mécanique?

Oui, ils sont, ils sont partis dans la mécanique aussi. (rit) Tous les trois d'ailleurs. (silence) Ils sont tous les trois dans la, ils sont tous les trois dans la mécanique. Et le troisième, c'est vraiment la mécanique...(inaudible) C'est la mécanique.

E: comme vous?

C'est la mécanique...(inaudible)

E: on en était à la question sur l'itinérance. On voit bien qu' à la fois, vous n'êtes pas itinérant puisque vos attaches sont depuis longtemps à L., et qu'en même temps...

(m'interrompt) De, depuis euh, bon, je suis arrivé à L., j'ai connu euh, j'ai connu ma femme et puis donc euh, et puis depuis quoi...

E: d'accord. Et en même temps, vous avez eu une jeunesse où vous avez beaucoup bougé...

Oui, j'ai beaucoup bougé. (marmonne)

E: votre périmètre de déplacement est actuellement centré sur la ville...

Sur l'agglomération L.

E: à part les moments où vous allez voir vos enfants qui...

(m'interrompt) Sinon, c'est l'agglomération L.

E: vous allez les voir souvent?

Ben quand j'en ai envie.

E: quand vous voulez?

Quand je veux. J'ai le droit de visite (scande les mots) comme- je- veux. Ca, ça a été une clause qui a été dans le divorce (hésite) le droit de garde et de visite, euh, "à ma bonne humeur"!(rit)

E: et en moyenne, ça fait à quel rythme?

Ben en ce moment, bon, ben comme (souffle) j'ai eu des, des difficultés financières, ben j'y vais une fois par mois.

E: une fois par mois actuellement. Mais ça peut être une fois par semaine?
Mais sinon, sinon ça peut être toutes les semaines, sinon ça peut être une fois tous les quinze jours...

E: au minimum, c'est une fois par mois?

Ouais. C'est le minimum. Et par contre je les prends tous les ans au mois d'août.(silence) C'est vrai que ça, c'est réglé comme du papier à musique.

E: même les grands? Ils ont encore envie d'aller en vacances avec leur père?

Non, non. Les grands, euh, ils préfèrent les copines!(rit)

E: et en ce mois d'août, vous allez arriver à partir en vacances avec eux?

Ah! (souffle) Ben un petit peu ou alors, bon, ben je les prends avec moi, puis bon, ben c'est, euh....(hésite) c'est les îles de Mi. Jo, c'est...

E: vous les prendrez à ce moment là?

Ah, je les prends carrément hein!

E: et si –ce que je ne vous souhaite pas- vous êtes encore là en août, comment allez- vous faire pour les prendre?

Y' a des hôtels.

E: d'accord. Donc, vous irez à l'hôtel pendant...

(m'interrompt) Ah oui, bien sûr, bien sûr. J'ai une carte de fidélité à "Formule 1" c'est pas pour rien. (silence)

3 ème question: êtes vous sédentaire et depuis quand?

Euh, disons que j'ai fait, j'ai fait de l'itinérance par rapport au boulot, sinon je suis plutôt une personne sédentaire.

E: donc, au moins depuis que vous êtes sur L.?

Ah ben depuis que je suis sur L. (silence) La cassette s'est arrêtée?

E: (je vérifie) non, non, ça tourne encore. Normalement elle dure 90mn, j'ai prévu large...Alors, vous êtes sédentaire dans votre espace depuis que vous êtes sur L. Et par rapport à l'espace du foyer, vous sentez vous sédentaire?

Non, pas spécialement. Non, c'est l'agglomération, sédentaire sur l'agglomération.

4 ème question: pourriez-vous mesurer approximativement la durée de vos séjours dans un même lieu? Par exemple, P c'était 9 ans.. Quelle serait la moyenne?

Euh, pour moi spécialement, y 'aurait pas eu le divorce, euh, je serais toujours dans le même, dans le même appartement.(silence) Quoi, dans le même quartier quoi, disons parce que bon, on a été obligé de s'agrandir et, euh, depuis 74, euh...(silence) J'y serais toujours et puis, euh, j'y serais toujours resté jusqu'au moment du départ, de mon départ en Corse.

E: attendez, je suis perdue. Depuis 74 vous y seriez toujours resté?

Ouais.

E: jusqu'au moment de votre départ en Corse?

Ouais. C'est à dire la retraite et le retour au pays.

E: d'accord.

(rit)

E: je croyais avoir raté un départ en Corse!

(rit) la retraite pour le, pour le, pour le retour au pays. (silence)

E: donc si vous aviez eu le choix, vous seriez toujours resté au même endroit?

Ah oui!

E: c'est le divorce qui a fait que vous êtes devenu...(m'interrompant) Que vous avez changé de lieu?

Oui, c'est le divorce, oui. Et encore, là, depuis l'appartement que j'ai eu là pendant un an, euh, je l'ai repris sur V. en V., y' a pas eu de problème. (silence)

E: vous l'avez pris sur le même quartier?

Ouais, sur le même quartier. D'ailleurs je m'étais rapproché justement pour que les enfants puissent euh...(silence) C'est d'ailleurs pour ça que j'ai, que j'ai traîné 5 mois avant d'avoir cet appartement; c'est pour qu'elle puisse, les enfants aient un appartement pas bien loin de celui que je lui avais laissé (silence) avec les enfants, de manière à ce que les enfants puissent faire la, les va-et-vient entre les deux appartements.

E: mais les enfants ne sont pas à P. de Ch.?

Bon, on habitait V. en V.

E: d'accord. Donc, il y a eu le divorce, votre femme et vos enfants ont quand même habité P. de Ch., euh V. en V. un moment, et vous avez pris un appartement à V. en V.

Oui. Et c'est quand j'ai emménagé là-bas qu'elle est, qu'elle s'est tirée à P.de.Ch. Oui, oui.

E: elle ne voulait pas être près de vous?

Non, c'est qu'elle voulait m'éloigner des enfants. Pour essayer d'en faire ce qu'elle veut.

(silence) Parce qu'elle a réussi à monter un petit peu mes deux grands contre moi. Et les deux petits, elle y est pas arrivée.(silence) Les deux petits, c'est plutôt l'inverse. (silence) Voyez, jusqu'à, jusqu'à quel point elle a, elle est (silence) égoïste, quoi, parce qu'on peut pas parler, on peut pas parler autrement. jusqu'à interdire, euh ( prend soudain un léger accent méridional) à mes petits euh, de se servir du téléphone pour m'appeler. ( long silence) Depuis, depuis le mois dernier (silence) elle m'a pas (inaudible puis silence.)

E: ils ont un portable?

L'anniversaire du garçon, je lui ai offert un portable et...(silence) Je lui téléphone; (silence) quand il me dit "j'ai plus d'unités", "bouge pas, j'arrive ce, j'arrive ce week- end". Je lui file une carte. (rit puis silence) Et moi régulièrement tous les deux, tous les deux trois jours maintenant...

E: vous l'appelez?

Ah ouais, je l'appelle, je l'appelle, ou je lui passe un message. Il me répond.

E: sa sœur peut l'utiliser aussi?

Ah ouais, ouais, ouais. (silence) Ouais. Déjà, quand (inaudible) je travaillais encore, j'avais gardé l'appartement et pendant quatre ans (silence) je les prenais régulièrement tous les quinze jours et...(silence) je téléphonais à leur mère pour bien (mal audible) confirmer (?) le vendredi. (prend un ton agressif pour imiter la réponse de sa femme) "t'as pas besoin de"...(inaudible)

E: t'as pas besoin de?

(ton très agressif) "de me le dire; ils ont commencé, ils ont commencé à me, à me faire préparer (bégaie) les vêtements depuis mercredi!"

E: les enfants le savaient avant leur mère?

Ben, ils savaient que je les prenais régulièrement tous les quinze jours. Alors le mercredi: "on y va, maman, hein, vendredi on part chez papa."... (silence)

E: c'était important pour eux?

Ah ouais! (ton grave) Ah mais eux sont prêts à, sont, sont, sont prêts à venir vivre avec moi. (peu audible)

E: à venir? Pardon, j'ai mal entendu..

A venir vivre avec moi. Et seulement, comme j'ai laissé la, la garde, euh, la permanence de garde à leur mère, maintenant pour revenir là-dessus, il faut que j'attende le, le droit qui est (scande ses mots) légal c'est à dire, les 12 ans de ma fille, qui se font le 30 juin pour que (insiste) elle décide (silence) de son plein gré à venir vivre chez moi. (silence) Parce que ça, c'est une, c'est une clause interne, donc les enfants ont le droit de choisir avec lequel des deux parents ils veulent vivre, à partir de l'âge de 12 ans. (silence) Parce que vous savez que le bouquin, le bouquin je l'ai lu, hein, les lois de la famille, y' en a 78 pages sur le divorce. (silence )Je l'ai épluché celui-là. (rit)

E: ce divorce, c'est vous qui l'avez demandé?

Non, c'est elle qui l'a demandé. C'est elle qui l'a demandé. (silence)

E: vous vous êtes senti lésé?

Ben, je me suis trouvé lésé par rapport à sa vacherie, c'est que, ce qu'elle m'a fait, c'est que normalement j'aurais dû, j'aurais dû avoir la, la lettre de convocation du divorce (silence) deux mois avant la présentation en non-conciliation. (silence)

E: de quelle lettre parlez vous? De présentation au divorce, c'est cela?

Ouais.

E: il faut une lettre de présentation?

Ben la demande de divorce, quoi, l'avis, l'avis de demande de divorce qui est, qui est envoyé par le tribunal, donc, euh, en recommandé avec accusé de réception à chacun des deux, des deux personnes. (silence) C'est envoyé normalement deux mois avant la présentation en non-conciliation. Et elle avait récupéré la sienne (silence) et la mienne; elle avait pris la mienne, elle m'a planqué la mienne.

E: vous habitiez encore ensemble?

Oui, oui, on était ensemble. Ben elle a, elle a demandé le divorce au mois de mai, euh, on s'est présenté en divorce le 1er août (silence) normalement j'aurais dû... (s'interrompt) C'est, c'est après qu'elle m'a ressorti le, l'avis de, de, de retrait de, du recommandé; mais une fois les quinze jours de délai passés, donc le, le, le recommandé était reparti.

E: mais alors, vous n'avez pas pu vous rendre à la présentation?

Oh si, si, si justement.

E: elle vous en avait informé quand même?

Ah oui. Le 14 juillet. Elle m'a balancé, elle m'a balancé sa, sa lettre à elle, de présen-, de convocation. (silence) Mais jusqu'au 14 juillet, (scande ses mots) comme –si –de –rien -n'était! (silence)

E: qu'est ce que ça changeait qu'elle vous la donne si tard?

Ca a changé, c'est que, euh, elle croyait que je pouvais pas me défendre. (silence)

E: elle avait demandé le divorce pour faute?

Non. Non.

E: à l'amiable?

Ben, un divorce soit disant à l'amiable. Soit disant à l'amiable.

E: dans ce cas, vous n'aviez pas à vous défendre, si?

Bon, ben, il fallait que je me défende...Bon, ben pour les, parce qu'elle croyait que j'allais, euh, j'allais, j'allais essayer de lui enlever les gosses, j'allais...(s'interrompt) Alors que non, je lui ai tout laissé. (silence) Je lui ai tout laissé. Par contre, y' a qu'une chose que je lui ai pas donnée dans ce qu'elle a, dans ce qu'elle demandait, c'était une pension à vie de 800F... par mois! Ca j'ai dit: "ah non! (bruitage oral) marqué interdit!" (silence)

E: vous préfériez les donner aux enfants?

Ah, elle voulait 800F par enfant, eh non! Elle veut sa liberté, elle se sent capable d'élever ses enfants toute seule, (silence) ben qu'elle le fasse! Et puis moi, personnellement, je donne 500F par enfant.

E: le juge était d'accord là-dessus? Sur vos prix, pourrait on dire?

Ah ben, il était obligé, hein! parce que léga, légalement j'aurais pu redescendre jusqu'à 320F par enfant. (silence) J'ai donné plus parce que je sais très bien que 320F par enfant, c'est, c'est que dalle, ça, ça sert à rien. (silence) Tandis qu'avec 500F euh, on peut très bien se, se débrouiller.

E: vous parlez de 320F par mois?

Par mois, oui.

E: en 96?

En 96. Tarif légal.

E: vous m'avez dit que si vous aviez pu, vous seriez toujours resté au même endroit...Depuis ce divorce, la durée approximative de vos séjours, ça a été combien de temps? Dans l'appartement, au foyer....La première fois que vous êtes venu au foyer, c'était quand?

C'était en 98/99.

E: et vous y êtes resté 5 mois?

oui, j'y suis resté 5 mois.

E: actuellement, ça fait 5 mois aussi?

Ouais.

E: est ce qu'on pourrait dire que c'est une moyenne: 5 ou 6 mois dans un lieu?

Ben, euh, disons que ça, ça peut se prolonger si je retrouve pas d'appartement, quoi. Et si, si le coût de l'appartement (inaudible) ça peut se prolonger encore d'un, d'un mois ou deux.

E: dans votre parcours, au moment où par exemple, vous aviez pris un appartement pour vous, puis avec votre amie, ça a été dans ces délais, autour de 6 mois? Ou plus? Ou moins?

Non, c'est à dire que, bon, ben, disons que quand je me suis mis avec mon amie, bon, ben, c'est la (silence) c'est la mère à ma filleule quoi, ça on s'est mis ensemble euh, bêtement comme ça....Pis de là, bon, ben...Sinon je, sinon j'aurais toujours mon appartement, mon autre appartement.

E: combien de temps l'avez vous eu cet autre appartement?

Ben je l'ai eu, euh, environ 14 mois.

E: vous êtes resté combien de temps chez votre amie, la mère de votre filleule?

Oh, ben ça, ça a pas traîné bien longtemps.

E: c'est à dire? Un mois, deux mois?

Quatre, quatre/ cinq mois.

E: en fait, quand vous avez le choix, vous restez longtemps, puisque vous avez gardé l'appartement 14 mois. Et puis, à un moment, quelque chose vient interférer et vous abandonnez l'appartement.

C'était, bon, ben, c'était pour dire, bon, ben, euh, comme elle, elle est, elle est une mère, bon, ben... de, de, de ma filleule. Et pis, bon, ben, elle est divorcée alors...(inaudible) avec ses autres enfants; alors c'était comme elle a un grand appartement, bon, c'était histoire de, euh, d'économiser un appartement, quoi.

E: vous aviez une relation amoureuse, affective?

Oui, oui, oui, quand même, oui, oui.

E: donc, après ces 4/5 mois où vous avez vécu avec cette dame, vous êtes revenu au foyer?

Oui.

E: c'était en décembre, c'est cela?

Au mois de janvier.

E: 5 ème question: est ce que vous savez ce qui détermine votre départ d'un lieu donné? ( énoncé des propositions)

Oh moi, c'était (bafouille) c'était disons, bon, ben, euh, c'était mon divorce, sur le, sur le coup, pis bon, ben, euh, après avec la copine, bon, ben c'était une, euh, une réaction normale bon, ben...(silence) Une question de raison personnelle. (silence)

E: sans entrer dans le détail, ce serait plutôt des raisons personnelles...Diriez vous plutôt une impossibilité matérielle de rester, ou un sentiment de ne plus être à votre place?

(réfléchit) Euh, les deux. les deux mélangés.

E: et pour votre divorce aussi?

Non c'est plutôt le...(souffle) Oh, bon, ben faut même pas chercher à comprendre, le divorce, euh... (silence) Parce que bon, ben, disons que(silence) bon, elle, elle a été poussée euh, poussée par ses copines, à demander le divorce, vu que toutes ses copines c'était des divorcées (silence) Quelque chose comme ça...."Tu vas gagner ci, tu vas gagner ça, tu vas gagner ça"....Bon, ben elle a fait une bêtise, bon, ben... (inspire) Le divorce, on sait jamais, moi, j'ai voulu rester en bons termes avec elle, je suis quand même resté pendant, pendant sept mois à lui, euh, souper chez elle tous les samedis soirs et dimanches soirs.(silence) Je passais les samedis après-midi chez elle et je soupais le soir chez elle. Bon, je payais mon repas.(silence) Elle me l'a jamais demandé mais c'est moi qui laissais le billet de 100 balles sur la table.

E: pourquoi cela? Pourquoi aviez vous envie de rester en bons termes avec elle? Et manger chez elle chaque semaine, ce n'est pas seulement rester en bons termes...

Euh, j'avais, j'avais envie de, donc euh, de lui permettre euh, de, de réfléchir. Correctement. (silence)

E: dans la perspective, peut être, de changer d'avis tous les deux? De revivre ensemble?

Dans la perspective de, de, de ne pas aller jusqu'au divorce complet, donc en conciliation; après il fallait vraiment la demande de divorce derrière.. Donc, la faire, euh, revenir sur ses, sur sa demande.

E: vous teniez à elle?

Oui, j'étais, j'étais encore amoureux. (silence) La preuve en est. (sort son téléphone portable) Je vais vous montrer quelque chose. (silence; pianote sur les touches du téléphone, en reniflant. Pleure en silence) Texto. Vous allez (me tend le téléphone) faire "suite".

E: (gênée) vous êtes sûr qu'il faut que je lise?

Oui, oui, allez- y. Vous appuyez sur le bas...

E: (lisant à haute voix) "après réflexion, je pense que tu ne m'as jamais aimé. Pour ma part, tu ne, tu n'as été que la seule de ma vie. Je t'aime. Yves." Vous lui avez envoyé ce message?

(pleure)

E: récemment?

Hein?

E: récemment?

Ben, sur celui que je me suis fait piquer, il était déjà là.(silence) Y' avait (inaudible), je, je (bafouille) je lui envoie des p'tits messages comme ça, (silence) régulièrement. Et celui-là qu'il y a, je l'ai relu et pis après je l'ai envoyé.

E: elle vous répond?

Non, jamais.

E: jamais?

Jamais. (silence)

E: vous disiez tout à l'heure en commençant l'entretien que vous étiez un "coureur de jupons", c'est ça?

Oui.

E: et depuis votre épouse, ça n'a plus été le cas?

Ah, ça a été fini.

E: elle a accaparé votre cœur?

Ouais. Ouais. (silence)

E: vous lui en voulez?

(soupire) Je lui en veux, j'en veux plutôt à ses copines qui l'ont montée contre moi. (silence)

E: ça vous émeut encore beaucoup de parler d'elle?

Ouais. (silence, sort des photos)

E: vous avez des photos?

Ouais. (me les montre)

E: (regardant) vos enfants? Les deux petits?

Et je me suis bagarré pour avoir ça. (silence) Une photo d'elle il y a 20 ans en arrière... (me la montre)

E: votre femme? Vous vous êtes bagarré, c'est à dire? Vous la lui avez arrachée?

Pour avoir la photo. Pour avoir la photo.

E: elle ne voulait pas vous la donner?

(silence)

E: (regardant la photo) elle était très jeune à l'époque?

Ben y' a 20 ans en arrière!

E: mais alors, quel âge a-t-elle, Une quarantaine d'année, un peu plus?

Ben, euh, elle est de 52; elle doit, euh, elle doit faire ses 49 ans euh, le 19 novembre. (silence) Et ça, c'est mon cœur! (me montre)

E: votre fille?. Elle sourit, votre fille, elle rit, même!

Et ça, c'est le garçon!

E: ils se ressemblent tous les deux, non?

(silence) Les quatre se ressemblent. (silence) Les quatre ses ressemblent. (silence) Les, les photos de, des, des garçons, euh, ayant le même âge, vous regardez les photos, vous pouvez pas dire quel môme c'est.

E: les deux premiers, ou les trois?

Les trois. Les trois. C'est à dire les trois, par exemple à 7 ans, les photos des trois à 7 ans, vous les regardez vous ne savez pas lequel est ce des trois. C'est toute, c'est toute ma vie, ça. (silence) C'est toute ma vie. (pleure) Et je suis malheureux. (soupire, pleure) Et je suis malheureux.

E: à cause du divorce?

(renifle) Oui. (silence) Y' a trois, y' a trois semaines, j'étais insupportable.

E: vous étiez?

Insupportable.

E: insupportable? Parce que vous aviez trop de chagrin?

J'étais agressif. J'étais...(s'interrompt)

E: et vous êtes passé de l'agressivité au chagrin?

(inaudible) Un peu de chagrin, mais du chagrin, on passe à l'agressivité quand il commence à monter un peu trop.

E: donc, il ne faut pas laisser trop monter le chagrin?

Voilà.

E: voulez vous qu'on passe à autre chose?

C'est à dire que mes, mes gosses me manquent, surtout mes gosses. J'adore les enfants.(pleure) J'ai élevé mes six neveux et nièces, alors...Et puis, j'ai eu quatre enfants...

Vos six neveux et nièces vivaient avec vous?

Ben quand j'étais à P.et qu'y avait ma sœur qui était à côté, (inaudible) J'étais (soupire) dès que j'avais un moment.

E: vous n'habitiez pas avec eux?

Non, non, non. Alors, quand je suis arrivé à L., de P, avant d'avoir l'appartement, j'étais, euh, j'étais chez ma sœur et y' avait mes neveux et mes nièces avec moi.

E: vous avez deux sœurs?

Deux sœurs.

E: qui ont chacune trois enfants, c'est cela?

(opine en silence)

E: 6 ème question: on continue avec une dernière question sur l'errance... peut on dire comme ça?

Non, non, non, je ne suis pas un errant.

E: vous diriez quoi?

(silence) Je suis pas, je suis pas errant.

E: donc, vous ne diriez pas que vous êtes errant?

Oh, moi, c'est mon p'tit, c'est mon p'tit chez moi, c'est euh...(silence) C'est moi, chez moi, c'est mon quartier, c'est(bégaie) tout, tout, toutes mes amitiés, c'est...(s'interrompt)

E: alors, comment nommeriez vous la situation dans laquelle vous vous trouvez, depuis 5 mois?

Ben, je suis mal.

E: vous êtes mal.

Ah oui, je suis mal.

E: mais ce n'est pas de l'errance?

Non.

E: je parle d'errance subie, bien sur, non d'errance choisie.

Non, non, non. Ce n'est pas de l'errance non plus, c'est, pour moi c'est un...(silence Disons euh, (silence) une p'tite stabilité disons que, que j'ai en attendant de retrouver un appartement, quoi, c'est...

E: une petite? Stabilité?

Une stabilité, oui. (silence)

E: alors je suis embêtée parce que ma question était: "avec quel(s) événement(s) associez vous votre entrée dans l'errance? Comment pourrait-on dire? Avec votre entrée dans le mal-être?

Dans le mal- être. Ben, c'est par rapport à la séparation avec ma copine.

E: (étonnée) avec votre copine?

Avec ma copine. (silence) Et la, la, la dernière fois, là, et bon, ben, pour c'te fois ci et la fois d'avant, bon, ben c'est par rapport au divorce. C'est la séparation, quoi.

E: c'est la séparation au sens large?

Ouais.

E: vous pouvez continuer? Si vous êtes fatigué, dites le moi.

Non, c'est bon.

7 ème question: considérez vous avoir des problèmes de santé? Lesquels? Je vous propose une liste, que vous pourrez compléter.

Souffrez vous de lombalgies?

Alors, pour aller vite...(s'interrompt)

E: pour aller vite?

Je ne sais pas ce que c'est d'être malade depuis 1971. (rit)

E: depuis 1971? Pourquoi depuis 1971?

Euh, parce que j'ai, j'ai fait une bonne maladie en 1971 et depuis, euh, plus rien.

E: donc, vous avez su ce qu'était être malade à une période?

Ben, c'est la seule maladie que je connais, à part les maladies infantiles.(rit)

E: souhaitez vous qu'on parle de cette maladie ou non?

Ben je, j'ai eu tout simplement ben, une inflammation générale des glandes, que j'ai eue jusqu'à, jusqu'à un tel point que je ne pouvais même plus avaler un verre d'eau.

E: qu'est ce que c'était que cette maladie?

(silence) Mononucléose. (soupire, puis silence) Ben, ce qu'on (bafouille) ce qu'appellent les médecins en même temps: "la maladie de l'amour".

E: ah bon? Pourquoi est ce qu'ils l'appellent ainsi?

Parce que c'est, c'est provoqué par des, par des contacts sexuels.

E: aujourd'hui, dirait on que c'est une MST?

(ne semble pas comprendre)

E: une maladie sexuellement transmissible?

Euh, non. C'est un, un trop dans l'amour.

E: un trop dans l'amour? Il faudrait que je consulte un livre de médecine, car je ne sais pas ce que cela signifie.

(rit) Oh ben c'est, c'est tout simplement, bon, ben euh...(bafouille) quand j'ai chopé ça, euh (silence) je fré, je fréquentais 6 filles à la fois! (éclate de rire) Alors à un moment donné, ben ça m'a, ça m'a donné un épuisement, ça m'a donné une irritation des glandes qui d'ailleurs, par chance, d'après les médecins, (bafouille) n'est pas arrivée jusqu'à, jusqu'aux parties, jusqu'aux parties, quoi. (rit) Et j'avais la gorge tellement prise que... (inaudible) Y' avait des ganglions sous les bras, euh...

E: des ganglions?

Des ganglions, oui.

E: et depuis cette maladie importante, qui a duré combien de temps avant que vous ne soyez rétabli...?

J'ai été arrêté au niveau boulot, disons j'ai été arrêté pendant deux mois ½.

E: donc, après cette maladie qui s'est bien terminée...?

Ouais.

E: vous n'avez jamais eu de maladie?

Non. A part rhume...

E: sans parler de maladie précise et identifiée, avez vous parfois mal au dos?

Ben oui, ça, avec l'âge, c'est, c'est normal. Et puis l'âge, et mon métier, donc on fait toujours des efforts, donc ça se ressent toujours avec l'âge.

E: avez vous parfois des problèmes de peau?

Non.

E: ici, avez vous eu des parasitoses, des poux, de la gale, ce genre de chose qui se transmettent?

Euh...(soupire, puis silence) Si, il y a trois ans là, quand je suis passé, là, bon, ben j'avais pris ces espèces de, de poux de peau, qui démangent énormément. Mais enfin, ça a été soigné en, ça a été soigné en trois jours.

E: des problèmes cardio-vasculaires? Vous disiez que votre cœur est souvent las, affectivement?

Ouais.

E: mais vous n'avez pas de problème physique de ce côté là?

Non.
E: des problèmes pulmonaires?

Non.

E: dentaires?

Ah ben ça, euh.. Mes dents, euh...(silence) J'en ai plus dehors que dedans...(rit)

E: plus "dehors" que "de dents"?

(rit)

E: plus dehors que dedans...C'est compliqué, dites moi!

Ben, c'est à dire, il m'en reste, il m'en reste moins de la moitié. (rit)

E: il en reste moins de la moitié? A cause de quoi, à votre avis?

Oh, je sais pas. C'est à dire que j'ai, j'ai, j'ai toujours mangé énormément de sucreries étant gamin. (silence) En plus de ça, bon, ben j'ai eu un petit accident de travail...(silence) qui m'a coûté quand même, euh... quatre dents!

E: quand même!

Eh oui! En mécanique générale, ben on arrive à se couper la langue!

E: couper la langue? On fait comment, pour se couper la langue en mécanique générale?

Et ben on se la mord!

E: et pourquoi on se la mord?

(rit) C'est un accident bête. Un accident totalement bête.(inaudible) avec des...(inaudible) de huit centimètres de diamètre à mettre sur le, sur le, sur la scie automatique pour les débiter en petits morceaux. Puis y' avait un intérim avec moi pour la prendre à l'autre bout, pis en me retournant, je me suis coincé le pied sous une palette.(silence) Et je suis parti en(s'interrompt) en déséquilibre et pour pas, pour pas lâcher la, la longueur de suite, je l'ai accompagnée jusqu'au sol pour pas qu'elle lui remonte à la, la figure pour...(inaudible) Et quand je suis arrivé assez près du sol, j'ai tout lâché et je me suis, je me suis retourné, en même temps que je lui criais "lâche tout!", pour pas qu'elle me remonte, j'ai poussé pour pas qu'elle me remonte à moi et il y avait, il y avait une chute de métal qu'était à côté. J'ai tapé le menton dessus. Et je me suis mordu la langue.

E: vous avez perdu des dents en même temps?

Ben oui. (inaudible)

E: vous êtes tombé sur la chute de métal?

Ouais. Le menton sur la chute de métal.

E: donc vous avez perdu vos dents dans la chute sur le menton?

Ca m'a coupé la langue...18 points de suture!

E: 18?

(rit)

E: vous avez été hospitalisé pour ça?

Non.

E: vous avez perdu connaissance?

Non. C'est mon, c'est mon chef d'atelier qui a perdu connaissance!

E: j'imagine que vous deviez saigner beaucoup?

Ben, je suis allé me rincer la bouche et j'ai mis... (inaudible)

E: vous avez mis quoi?

La barre en débit.

E: c'est à dire que vous avez continué à travailler?

Ouais. J'ai mis, j'ai mis la scie en route, je suis parti au lavabo. Je me rendais pas compte que j'étais coupé à ce point là. J'ai été le voir, et puis bon... "Faut que j'aille à l'hôpital parce que...- le mouchoir devant moi- je me suis coupé la langue et..." "Ben c'est pas vrai!...(inaudible) Et ça, c'est quoi?" Je lui fais voir...(imite le bruit d'une chute) Couché derrière le bureau! (rit) C'est lui qui est tombé dans les pommes!(rit) Quel con!

E: c'est pas vous qui l'avez soigné quand même?

Ah ben, c'est moi qui l'ai relevé, en plus!(rit)

E: votre gentillesse peut aller jusque là?

Ouais. Là dès que je peux, dès que je peux rendre service, je rends service...

E: même si vous, vous avez très mal?

Ouais. Là y' a une, euh, une personne très âgée qui est là, bon euh, elle peut pas se déplacer, ben je l'emmène euh, au restaurant à midi, aux restaurants municipaux à midi, je la ramène à n'importe quel moment de la journée. Le coup de téléphone, là ( fait référence à un appel sur son téléphone portable) c'est un jeune qui cherche un appartement et donc je sais qu'il y en a un juste à côté de l'appartement que je vais prendre, je lui ai proposé. Il m'appelait pour ça. Parce que quand je peux rendre service par exemple, euh quand il y a des Italiens qui arrivent ici, donc, ils parlent pas le Français, je, je fais le traducteur. (silence)

E: encore que le Corse et l'Italien, ce n'est pas tout à fait pareil, non?

Ben non, non seulement ça mais c'est qu'en plus de ça, je l'ai appris à l'école donc je le parle. (inaudible) Donc pas de problème. Mais quand je peux rendre service en donnant des renseignements sur L. sur où il faut aller pour avoir ci, pour avoir ça, euh, je le fais.

E: en revanche, vos problèmes de santé par exemple, ils passent après... Quand vous avez la langue coupée en deux, vous vous occupez d'abord de réveiller votre chef qui est tombé dans les pommes?
Oh oui, oui.

E: alors, justement, comment traitez vous ces problèmes de santé? (énoncé des propositions) Par exemple, pour cet accident, vous êtes allé à l'hôpital?

Oh ben oui, bien sûr. Oui, oui, c'était un truc que je pouvais pas faire tout seul. (silence)

E: quand vous avez un rhume, une grippe, comment les traitez vous?

Ah ben ça, je me débrouille.

E: tout seul? Vous allez vous acheter des médicaments?

Ben euh, euh, disons c'est vite vu, hein. (silence)Une grippe, moi, euh, je la prends, euh, quand je commence à sentir, bon, euh, c'est vite vu, hein, je me charge en vitamine C et pis c'est bon. Ca passe tout seul.

E: c'est tout?

Oui, mais c'est à dire, j'ai une chose, c'est que j'ai, j'ai énormément d'anticorps.(silence) Ce qui fait que, bon, ben euh, que si je bouge pas euh, si, parce que j'arrive à manquer un peu de vitamine un truc comme ça, donc euh, si on prend la vitamine C automatiquement, ça, ça redémarre tout.

E: et si vous avez une douleur, qui n'a rien à voir avec votre réserve d'anticorps...Que faites vous? Vous prenez un médicament, vous allez voir un médecin?

Non. Non, mais y' a suffisamment de médicaments qu'on peut prendre comme ça sans aller voir un médecin. Je suis pas médecin, hein!

E: vous n'êtes pas médecin? Qu'est ce que ça veut dire?

Ca veut dire que moi, les médecins, moins je les vois et mieux je me porte. (rit)

E: moins vous voyez les médecins et mieux vous vous portez...

(rit)

E: pourquoi? Qu'est ce qu'ils vous ont fait, ces gens là?

Je les aime pas.

E: oui. Vous pourriez dire pourquoi?

Ben parce que quand on commence à aller les voir, on s'y habitue. (silence) Au contraire, au lieu de vous soigner, ils vous droguent alors, et comme j'aime pas les drogues...

E: donc, vous préférez avoir mal que d'aller voir un médecin?

Ah oui!

E: ça vous arrive parfois, d'avoir mal? Par exemple, vos dents, est ce qu'elle vous font souffrir?

Ben je vais vous dire une chose, euh: sur toutes les dents qui me manquent, euh, j'ai dû voir deux fois un dentiste. Les autres, je me les suis, je mes, je les ai arrachées tout seul.

E: (sidérée) vous vous êtes arraché les dents tout seul? Ca ne fait pas mal de s'arracher les dents tout seul?

C'est un petit moment à passer!

E: comment faites vous? Vous prenez une pince et vous tirez?

Ben je, j'ai...( puis inaudible) Et pis bon, ben, c'est, bon, bon...Avec un couteau, on fait levier sur la dent d'à côté, et tac!

E: (effarée) eh bien dites moi, c'est pire qu'au Far West!

(rit)

E: et pourquoi pas aller voir un dentiste?

Oh c'est pas ça, parce que si j'y vais, les, les dents sont abîmées, y va commencer: "et vous revenez, vous revenez, vous revenez"...Et puis, les unes après les autres elles vont partir. Je préfère les garder.

E: vous pensez qu'aller voir un dentiste va précipiter la perte de vos dents?

Ouais.

E: on pourrait à l'inverse imaginer que le dentiste tente de les préserver le plus longtemps possible?

Ben là, j'en ai déjà quatre qui me rendent encore service, que si je vais voir un dentiste, il me les arrache, ça y' a pas de problème!

E: donc, pas de dentiste, pas de médecin. "Je me débrouille tout seul"?

Voilà.

E: et en cas d'urgence, l'hôpital parce que vous n'avez pas le choix?

Ouais.

E: si vous n'aviez eu besoin que deux points de suture au lieu de 18, vous seriez allé à l'hôpital?

P'être pas. Parce que comme la langue, c'est une partie du corps qui, euh, qui, qui se renouvelle, quoi, qui, qui se guérit d'elle-même...(silence) Assez rapidement...(sonnerie du portable. Il répond longuement)

E: donc, puisque la langue se guérit d'elle-même...?

Oui, elle se guérit toute seule parce qu'elle est, elle est très chargée en vaisseaux sanguins donc...(s'interrompt)

E: donc vous pensez que les points de suture n'étaient peut être pas indispensables?

Euh, si, quand même, parce que...(bafouille) C'était, euh, c'était, euh...(semble préparer son effet) Ca pendait vraiment bien. Donc c'était pour avoir une meilleure, une meilleure "souture". D'ailleurs ça s'est fait en, en trois semaines, c'était guéri, c'était guéri.

E: ça devait être difficile pour les repas?

Ben il fallait manger que de la soupe, de la soupe froide.(silence)

8 ème question: avez vous l'habitude de fumer? (tabac ou autre)

Oui.

E: je peux vous demander combien?

Oh, un paquet par jour.

E: un paquet. De tabac?

Non. De cigarettes.

E: ce sont des cigarettes de tabac? Vous ne fumez pas de haschich?

Non, non, non, non. Non mais... (silence) C'est le motif de la séparation avec ma copine.

E: elle fumait, elle?

(sèchement) Non. Son fils. (inspire, puis ton grave, voix basse) Il fumait effectivement beaucoup, non seulement il fumait, mais en plus de ça...(silence)

E: il s'injectait des produits?

Non, non, non, non, non, non, non. Il fumait, mais il faisait de la revente. (silence) Et il avait, il avait les copains qui défilaient jusqu'à deux heures du matin Je lui ai dit: "t'es un salaud...(inaudible)" Il m'a dit: "t'es pas chez toi"..." Je suis pas chez moi"? Sa mère l'a soutenu. J'ai pas envie d'aller en taule si y' a une descente de flics, euh, aussi bien, aussi bien la mère que moi on partait avec lui. Voilà!

E: donc, pas de haschich!

Ah non! Jamais de produits!

E: quand vous fumez de cigarettes, vous les fumez seul ou vous les partagez en groupe?

Oh ben, si...(silence) Il m'arrive de...(silence) Mais sinon seul, le paquet me fait une journée et demie.

E: et moins quand vous êtes en groupe?

Ouais.

E: avez vous repéré si vous fumiez plus souvent seul ou avec d'autres?

Ben, ça dépend...Tout seul, tout seul, ça dépend des circonstances, euh, dans lesquelles on est; des, de l'état d'esprit dans lequel on est, euh, on fume plus, on fume moins, selon ce qu'on fait...

E: justement, fumez vous plus ou moins lorsque vous êtes seul? A quel moment ou plutôt dans quel état d'esprit êtes vous quand vous fumez d'avantage?

(réfléchit) Euh...Oh, quand je pense à mes gosses. Ouais.

E: lorsque vous êtes tendu, anxieux, quelque chose comme ça?

Ouais.

E: mais lorsque vous êtes tranquille et en groupe, vous fumez comment, plus ou moins?

Ben, un petit peu plus parce que bon, ben, les autres euh fument à côté de moi, alors on se laisse prendre, c'est une sorte d'entraînement.

9 ème question: buvez vous régulièrement de l'alcool?

(brutalement) Non. Je bois, je bois, si, si, si je bois, euh, raisonnablement, quoi.

E: pour vous, c'est quoi, raisonnablement?

Ben, euh...(souffle) Disons...Quand je travaillais, déjà, d'une, (débit très rapide) mon métier ne me permettait pas de boire de l'alcool.

E: attendez, vous parlez très vite: quand vous travailliez, votre métier...?

Ne me permettait pas de boire de l'alcool.

E: d'accord. Et depuis la fin de votre activité?

Ben depuis euh, disons quand euh...(silence) Quand je suis seul, j'en bois pas trop. Y' a des moments où...(silence) j'ai toujours l'anxiété, la pensée, tout ça, bon, ben on exagère un petit peu, quoi...

E: vous avez toujours de l'anxiété?

Ouais, mais tout en, tout en sachant (bégaie) tout en sachant garder, euh...(silence)

E: en sachant garder la mesure?

La mesure, quand même, oui.

E: vous n'êtes jamais ivre, par exemple?

Non. Ca, c'est une question vous pouvez le demander ici, euh, jamais on m'a vu euh, ivre, on m'a vu chaud, comme on dit...(silence) Mais jamais ivre.

E: chaud, c'est comment?

Ben chaud, c'est à la limite. De l'ivresse. (rit) Et bon, il faut pas, il faut pas mettre la goutte qui fait déborder le vase comme on dit, quoi.

E: vous savez vous arrêter juste avant?

Oui, voilà.

E: juste avant la goutte de trop...

(opine)

9 ème question bis: prenez vous régulièrement d'autres produits? (médicaments ou autres) Mais vous avez déjà un peu répondu...

Non.

E: des mélanges de produits?

Non.

E: vous ne prenez jamais rien?

Non, non.

E: ni médicaments, ni produits qu'on peut trouver ici ou là?

Si, euh, deux, trois fois là, j'ai demandé à l'infirmière, parce que là, j'étais vraiment trop...(silence) trop en l'absence de mes enfants...Bon, ben j'arrivais même plus à dormir alors, j'ai, j'ai demandé des, des somnifères pour...passer un peu, quoi.

E: et ça, vous le demandez ici?

Ouais, ouais. (silence)

E: ça a été efficace, pour vous?

Ben oui, parce que, disons que ce que, les, les, les cachets qu'elle m'a donnés les deux ou trois fois, euh...(silence) ça, c'est plus un assommoir qu'autre chose, donc, euh...Pour passer une bonne nuit, y' a pas de, y 'a pas de, de, de, de rêves qui sont là, de, on se lève pas le matin en disant tiens, j'ai rêvé à ça et à ça...

E: ce qui est le cas quand vous n'en prenez pas?

Ca me, ça me donne une liberté d'esprit qui repose.

E: quand vous ne prenez pas de médicaments et que vous êtes anxieux, vous faites des rêves? Des rêves qui vous embêtent...

(m'interrompt) Oui, qui me reviennent sur mes enfants, mon ex femme, tout ça...

E: Et qui sont très déplaisants?

Oui. Que je supporte mal. (silence)

E: ce ne sont jamais des rêves agréables?

Non.

E: donc, quand vous prenez ces médicaments, c'est tout seul? Vous ne les partagez pas avec d'autres?

Non, non. Tout seul.

E: j'imagine qu'ici, il y a des médicaments qui circulent?

Ouais, ouais, mais...

E: vous, vous allez les chercher auprès de l'infirmière?

Oui. L'infirmière. Ou, bon, ben si j'ai les moyens, euh, la pharmacie...

E: mais la pharmacie, elle n'en donne pas sans ordonnance?

Voilà.(inaudible, brouhaha extérieur)

E: alors, vous les demandez ici?

Et comme ça, au moins, je suis, je suis limité parce qu'elle m'en donne juste pour le jour...

E: oui? Parce que vous auriez peur de quoi si vous en preniez autant que vous voulez?

Euh...(gêné) Y' a des moments, je, je serais, je serais capable d'avaler la boîte. (silence)

E: pour? Pour mourir?

Ouais. (silence) C'est quelque chose qui m'arrive. (silence) D'y penser. (silence) Et disons que si je rentre le soir que...(hésite) j'ai bu un petit peu...(silence) Ca arrive que...(s'interrompt)

E: c'est à dire que boire, ça ne vous suffit pas pour oublier? (c'est une question que je devais amener ensuite.)

(opine en silence)

E: est ce que je peux vous demander si vous avez déjà essayé?

Oui. (silence) C'est ce que j'allais vous dire. (rit) En rentrant de la (inaudible)

E: en rentrant de?

En rentrant de la non-conciliation. Le 1er août96. Manque de pot je me suis arrêté parce que ça allait...Ca, ça, ça fait...(bafouille) Et je marchais au Mogadon à l'époque, qui est un somnifère que je prenais, euh, (renifle) quand j'étais vraiment, vraiment bien fatigué, parce que, pour, pour me reposer, pour me lever en pleine forme le matin. Et puis, euh, comme mon ex, euh, marchait au Tranxène, euh, Seresta, Temesta...Ben j'ai, j'ai quand même, euh, avalé le mélange de, de trois boîtes. (silence)...(inaudible) parce que, elle est arrivée dans, dans la chambre, elle a vu les boîtes sur le lit, elle a appelé les pompiers tout de suite, les pompiers m'ont amené à G.B (hôpital)

E: et on vous a fait quoi, là-bas, un lavage d'estomac?

Rien du tout. On m'a mis sur un brancard, on m'a mis dans une salle en attendant de me prendre, certainement pour me faire un lavage d'estomac.(silence) Pis manque de pot, ben je me suis réveillé, pis comme j'avais (silence), leur montrer que j'avais entendu les pompiers dire: "ben ses lunettes sont dans les chaussures sur le brancard", j'ai repris, j'ai repris mes chaussures, j'étais en pyjama, j'ai pris (inaudible) j'ai renfilé mes chaussures pendant un temps mort à GB et je me suis tiré, et je suis rentré à pieds. De GB. jusqu'à V en V. en pyjama (rit) à deux heures du matin.

E: personne ne vous a interpellé?

(rit) Non.

E: et vous êtes rentré chez vous?

Et je suis rentré chez moi.

E: vous n'avez eu aucune séquelle de cette prise massive de médicaments?

Non, non, non ça...Ils se sont, ils se sont neutralisés.

E: vous aviez bu avec?

Euh non pas trop, pas trop.

E: mais un peu? Un peu quand même?

Euh, disons que, euh, j'avais bu deux...(silence) Disons euh, en gros, quoi, j'avais bu un litre, un litre ½. Pas plus.

E: un litre de vin? Donc, médicaments et un litre de vin. Vous l'aviez bu pour accompagner les médicaments?

Non. Non, non, non, non. Donc euh, j'avais bu deux carafes en rentrant de...(s'interrompt) en rentrant de, du tribunal. Et puis, après je suis arrivé à la maison, euh...(silence) Il restait, euh, à peu près euh, la moitié d'une bouteille de vin. Bon, ben je l'ai bue comme ça et puis après j'ai été me coucher sans... J'ai ouvert les, j'ai ouvert les tiroirs des tables de nuit, j'ai... (s'interrompt)

E: d'accord. La question suivante concerne justement ces habitudes de vie, tabac, alcool, médicaments..

10 ème question: en quoi, à votre avis, ces habitudes vous sont elles utiles?

( énoncé des propositions jusqu'à "oublier mes problèmes")

(m'interrompt) Non, la cigarette disons, c'est une routine. (silence) C'est une routine. Elle me manque pas trop, hein, je peux rester une journée sans fumer, ça me gêne pas.

E: et en même temps vous disiez que lorsque...

(m'interrompt) disons, ça me donne une occupation, quoi.

E: mais vous disiez que lorsque vous pensiez à vos enfants, vous fumiez davantage?

Ouais.

E: alors, elle sert à quoi, cette routine là?

Parce que, euh, (silence) ça m'occupe un peu, ça me fait dévier un petit peu de mes pensées.

E: est ce que vous pourriez dire que ça vous permet d'oublier vos problèmes?

Non. Non, non. Disons que ça me: "tiens, ben je vais fumer une cigarette", pour euh...Le temps de sortir là, parce que là maintenant je, je roule mes cigarettes...Le temps de rouler la cigarette, enfin le tabac, tout ça ben, j'y pense plus. Voilà. C'est pour faire une coupure dans la pensée, plus qu'autre chose. (silence)

E: et l'alcool et les somnifères alors, ce serait pour quoi?

(m'interrompt Ben l'alcool, l'alcool, c'est pour... (s'interrompt)

E: et les somnifères?

Non, les somnifères je peux pas en parler ici, je peux pas en parler parce que j'en n'ai pris que deux fois, c'était pour...

E: mais au moment où vous les preniez, même rarement, c'était pour?

Oh, c'était pour, c'était pour me...Pour me décontracter. Voilà. Pour me décontracter.

E: d'accord. Et l'alcool?

Et l'alcool, bon, ben...(souffle) Un passe-temps quand on s'embête...(inaudible)

E: pourriez vous dire que vous êtes dépendant de ces médicaments; alcool ou tabac?

Non.

E: d'aucun?

Je ne suis pas dépendant.

E: on va passer à la troisième série de questions...Mais d'abord, j'ai oublié de vous demander, pardon de revenir en arrière. Vous avez mentionné vos lunettes et vous en avez apparemment besoin pour vous déplacer?

Oui.

E: cela veut il dire que vous avez un problème de vue important?

C'est, oh ben c’est de naissance, c'est un genre de cataracte. Stabilisée.

E: de cataracte stabilisée?

Oui. Et non opérable.

E: non opérable. Qui n'évolue pas?

Non, c'est stabilisé.

E: ça vous gêne?

Non ça me gêne pas. Je m'y suis fait.

E: vous avez simplement besoin de vos lunettes?

Ouais.

E: d'accord, c'était le dernier point concernant la santé.

11 ème question: quel regard portez vous sur... (énoncé des propositions)

(silence) Euh, déjà d'un, c'est que la famille c'est sacré.(silence) Sur moi-même, bon, ben je suis comme je suis et je me fous éperdument de ce que peuvent penser les autres de moi.

E: et qu'est ce que vous, vous en pensez, de vous-même?

Euh, moi? Je veux pas me jeter des fleurs, mais je pense être une personne, euh...(silence) qui aime la vie et qui aime euh que mon entourage...(silence) soit bien dans leur peau aussi.

E: vous aimez que votre entourage soit bien dans sa peau.

Soit bien dans sa peau, quoi. (silence)

E: donc, la famille, c'est sacré, on n'y touche pas?

Oui.

E: mais que peut on penser d'une famille sacrée?

(soupire puis silence) Ma mère, il faut pas qu'il lui arrive quoi que ce soit, malgré que...(s'interrompt) Comme mes deux sœurs. (silence) Mon frère, il est assez grand pour se démerder tout seul. (silence) Mais mes sœurs et ma mère, faut pas y toucher, hein. (silence)

E: elles sont trop petites, vos sœurs, pour se débrouiller routes seules?

ben non, je suis le dernier de la famille, en plus.

E: alors, pourquoi le frère est il assez grand et pas les sœurs?

(silence) Un homme est capable de se défendre tout seul. (très long silence) Mon ex, mon ex femme aussi bien que mes gosses, faut pas y toucher. Même mon ex femme. Si un jour quelqu'un lui fait du mal, il aura du mouron à se faire. (silence)

E: quel regard portez vous sur les amis, les proches?

Ben, euh...(souffle) Personnellement, j'aime les voir, euh, dans leur peau. (silence)

E: vous avez beaucoup d'amis?

Pas beaucoup.

E: pas beaucoup. Vous en avez moins maintenant qu'autrefois?

J'ai beaucoup de copains mais pas beaucoup d'amis. (silence)

E: et ça a toujours été ainsi?

Oui, j'ai toujours...(inaudible)

E: vous avez toujours?

J'ai toujours fait mon tri.

E: d'accord. Avez vous un regard particulier sur la société?

(silence) Dans le cas de la société, on est, on est bien obligé de la, de la subir.

E: de la subir?

Voilà.

E: est ce qu'on y participe?

Ben, euh....(silence) Très peu, en ce moment. (silence)

E: c'est une question de...

(m'interrompt) C'est, euh, une question de manque de volonté euh, de la société qui a....(inaudible)

E: pardon, c'est une question de manque de volonté de la société qui?

Qui se laisse aller au lieu d'essayer de lutter. (inaudible)

E: qui se laisse aller au lieu d'essayer de lutter ou?

Voilà. Et ça, ça devient sur, disons si je m'exprime là-dessus, euh, correctement, on arriverait automatiquement à la politique et comme j'ai horreur de parler de la politique comme de la religion...

E: donc, on n'en parle pas?

Voilà. Chacun ses opinions là-dessus et c'est strictement personnel.

E: d'accord. La question suivante, vous disiez que vous vous en fout..., mais tant pis:

12 ème question: à votre avis quel regard portent les autres sur vous? (énoncé des propositions)

Euh...(silence) Ca, c'est pas à moi d'y répondre. C'est à eux de le dire et pas à moi.

E: oui, mais c'est votre avis qui m'intéresse.

Ben moi je pense que...(hésite) il est plutôt euh, (souffle) indifférent.

E: plutôt indifférent? Quand vous évoquez ce type de regard, vous pensez à quels autres en particulier?

Des gens de la rue, des la famille, des amis...?

Des gens de la rue. Même de, la, de la famille aussi, elle s'en fout un peu de moi. (long silence, puis se lève)

E: c'est dur, ça, non?

(silence) C'est comme ça. (se mouche) C'est la vie.

13 ème question: ressentez vous parfois un sentiment de honte? Envers qui? (énoncé des propositions)

Non, absolument pas. (silence) Je suis fier de ce que j'ai fait. (silence) Et je me fous totalement de l'opinion des autres.(silence)

E: de votre côté, pourriez vous ressentir de la honte face au comportement d'autrui? Pas par rapport à ce que vous faites ou avez fait vous-même, mais par rapport à d'autres? A votre ex femme, au fils de votre amie, à vos enfants, vos parents, la société...

Non, parce que (inaudible) face à moi-même, j'ai pas honte de moi.(silence) J'ai pas honte de ce que je fais. (silence) Bon, euh...(silence) Les autres, bon, ben, euh... (silence) Avoir honte pour moi?

E: non, vous, avoir honte pour eux?

Moi, avoir honte pour eux? Ouais, euh (soupire) oui, dans certains comportements, oui.

(silence)

E: vous pourriez dire lesquels?

Euh, (souffle puis silence) Disons surtout, surtout ici, quoi. Le comportement de certaines personnes ici qui, bon, ben euh, sont dans une ruine totale. (silence) Ils se pissent dessus, ils se ch... dessus. (silence) J'ai honte pour eux. (silence) Mais ça n'empêche pas que (silence) si y'en est, si y'en a un qui a besoin d'un coup de main ou de, ou de...(inaudible) comme par exemple euh, permettre de relever quelqu'un qui est couché par terre pour le rentrer, ben il sait très bien que...

E: vous relevez quelqu'un qui est tombé? C'est ça?

Ben euh, qui est, qui est ivre, bon, sur un trottoir euh, lui prendre carrément le bras pour pas qu'il traîne dans la rue. (long silence)

E: est ce qu'il vous est arrivé d'avoir honte de la famille?

(silence) Euh, dans un sens, oui, par rapport au comportement qu'ils ont eu...(inaudible)

E: par rapport au comportement, pardon?

Qu'ils ont eu avec moi. J'ai honte pour eux. (silence)

E: voulez vous développer, m'expliquer un petit peu?

( long silence) Repousser quelqu'un (j'entends ) « de son propre sang ».

E: repousser quelqu'un de?

De son, de son propre sang. (silence)

E: c'est ce que vous ressentez de leur part? Qu'ils vous repoussent?

(opine en silence)

E: eux, c'est qui? Vos parents? Vos sœurs, votre frère?

(inspire profondément) Ouais. (pleure)

E: c'est encore douloureux, ce sentiment?

Oui. Et par contre, ma mère...(pleure) y' a quatre mois, a été hospitalisée d'urgence...(silence) J'étais à l'hôpital avant elle, c'est moi qui ai, qui ai rempli tous ses papiers d'admission, qui ai branché, qui ai branché le téléphone pour qu'elle soit bien. (silence) C'est pas une chose qui a arrangé…

E: c'est pas une chose qui?

C'est pas une chose qui a arrangé...la situation. Non...(inaudible)

E: elle vous en a voulu d'avoir fait ça?

Non. (silence) Non, mais disons que (long silence) c'est pas, c'est pas ça qui, qui a fait qu'elle s'est rapprochée de moi.

E: c'est une maman un peu froide, un peu distante par rapport à vous?

Euh...(silence) Non, pas ça, c'est...(silence) C'est la honte qu'elle porte...

E: la honte qu'elle porte?

Ouais. De sa, de me savoir ici. (silence) qui fait qu'elle me repousse. De toutes façons, elle m'a, elle m'a toujours pour ainsi dire, repoussé. Ben, depuis que je me suis marié, quoi...Parce qu'elle était pas d'accord sur ce mariage. (se mouche) De toutes façons, elle aurait rien pu y faire. (sonnerie de son téléphone portable)

E: donc, votre mère n'a jamais été d'accord pour ce mariage...Et auparavant, avant le mariage, elle vous repoussait aussi?

Euh...(souffle) Plus ou moins non...

E: plus ou moins non?

J'étais, j'étais pour ainsi dire le, l'indésirable. A la naissance. (silence)

E: à la naissance?..

(silence)

E : Vous préférez qu'on suspende cette discussion?

Ben j'étais pour ainsi dire, euh, disons le, (silence) l'erreur de parcours, quoi. A la naissance, j'ai été l'erreur de parcours. Normalement j'aurais pas dû être sur terre. (silence)

E: vous n'étiez pas attendu?

Voilà.

E: ça, on vous l'a dit? Vous l'avez toujours su?

Je l'ai toujours ressenti. La preuve c'est que (silence) mes parents étaient en Corse... (silence) J'ai été le seul à être envoyé en pension (silence) pour m'éloigner de la famille.

E: en pension en Corse?

Non, la Corse, c'est justement là que...(s'interrompt) J'ai, j'ai fini mes études euh, à Cl. Ils m'ont, ils m'ont envoyé à Cl. (silence) En pension complète.

E: quand rentriez vous à la maison? Une fois par mois? Une fois tous les deux mois?

(silence) Une fois par an...

E: une fois par an...

Ouais. En vacances. (silence)

14 ème question: pourriez vous proposer une image qui représenterait ce qu'est la honte pour vous?

La honte, elle est en soi. (silence) Euh, (long silence) c'est à celui qui essaie de ne pas la développer...(silence) Quand on arrive à lutter, quand on est...(inaudible)

E: comment fait on pour lutter contre la honte?

Euh...(silence) En n'ayant pas peur de, d'agir franchement. (silence, puis inaudible, puis silence) et avec indifférence de la vue des autres.

E: il vaut mieux être?

Indifférent.

E: indifférent aux autres?

A ce que pensent les autres.

E: c'est une façon de sortir de la honte?

Sinon, elle est en soi. Sinon, elle est en soi. Et puis chacun a, chacun a une honte en soi, euh, et chacun la vit comme, euh, comme il peut, avec les moyens, comme il veut...Euh, des fois ce n'est pas dans le bon sens du terme qu'il essaie de lutter contre, donc, ce qui fait qu'elle ressort. C'est pour ça que moi, moi je peux dire que (silence) comme j'ai une indifférence totale de ce qu'on peut penser de moi, de ce qu'on peut voir (accentue le mot "voir") de moi, ma honte je l'ai, je l'ai, j'ai lutté contre...

E: vous vous en êtes débarrassé?

Je m'en suis débarrassé. (silence)

E: elle n'est plus revenue?

Non, elle est, elle est en moi. Mais je ne la laisse pas ressortir. Par l'indifférence vis à vis des autres. Parce que la honte, la honte finalement, c'est une chose, la honte, c'est… ( prend l'accent corse) La crainte… (silence) La honte, c'est la crainte (fort accent) de la pensée des autres (silence) envers nous. Donc, si on ignore ces pensées, en ignorant ces pensées, on se dégage de la, de notre honte. (silence)

E: vous semblez avoir beaucoup réfléchi sur ces questions? Vous avez une théorie à vous de la honte...

Ben, je suis un petit peu ignorant, je suis un petit peu, un peu, un petit peu psychologue aussi...(rit)

E: mais c'est quelque chose à quoi vous avez réfléchi?

Oui, énormément.

E: comme une idée qui vous préoccuperait…Avez vous envie de dire autre chose sur la honte? Nous avons fini les questions, souhaitez vous rajouter quelque chose avant qu'on n'arrête?

Euh...L'état d'esprit des gens d'ici. Spécialement. Là, je parle un peu pour les autres, hein. Bon, euh, chacun de, doit (bégaie) la pensée...de lui-même...

E: chacun doit penser?

Penser à ne pas se laisser aller. Parce que justement c'est là où ils deviennent euh...ridicules. Ils essaient pas de lutter euh, contre eux mêmes...

E: vous dites que chacun doit penser à ne pas se laisser aller, pour lutter contre ce qui fait mal en soi même? On peut dire comme ça?

Voilà. Voilà.

E: et chacun le fait?

Non, justement. Ils essaient pas à lutter contre, contre leur mal. Et c'est ce qui fait ce laisser-aller...Qui a dans le...

E: voulez vous dire que le mal est en soi?

Voilà. Ils ont le mal en soi, quoi, en eux mêmes et, quoi, du mal euh, n'arrivent pas à s'assumer tout seuls. Pas spécialement du mal, pas de mal envers les autres. Du mal à s'assumer.

E: plutôt une souffrance qu'un mal?

Euh oui. Oui c'est une souffrance et c'est à dire qu'ils se laissent aller, au lieu d'essayer de lutter contre eux mêmes. Ils essaient pas de lutter contre ce laisser aller. (silence) Au contraire euh, y' en a beaucoup qui essaient de l'entretenir...

E: vous voulez dire que ce serait comme un entretien de la souffrance?

Voilà. Ce qui fait que ça s'aggrave de jour en jour. (silence) Et ils deviennent jusqu'à ce…(silence) devenir vraiment, vraiment la cloche. Des, des…moi j'appelle ça une épave.

E: est ce que vous avez peur d'entretenir vous aussi votre souffrance, de l'aggraver, et de devenir comme ça un jour?

(silence) Oh je necrois pas que j'arriverais là.

E: d'accord; ce n'est donc pas une inquiétude pour vous…

Pour une raison, c'est que le jour où je me verrai, euh, partir dans ce sens là, je préfère…(inaudible, j'entends "démonter")

E: l'idée du suicide est toujours en arrière-plan chez vous?

Toujours. (silence) Je, je, je n'admettrai (accentue le mot) jamais une chose: c'est (silence) moi, je me suis toujours dém… tout seul dans la vie et le jour où j'aurais…(silence) je me verrais tomber (silence) comme on dit, à être représenté comme on dit en arabe, bon, la dernière race a, après le crapaud…

E: la dernière race après le crapaud?

Ouais. C'est à dire un moins que rien. Je me laisserais jamais descendre. Je préfère démonter la…(inaudible puis silence) Vous allez dire après tout ça, je suis méchant, mais bon…

E: je ne le dis pas…

Mais vous le pensez…

E: et vous, vous le pensez?

Hein?

E: et vous, vous le pensez?

(silence) Non. (énergique) Moi, je pense que je suis logique. Parce que je ne veux pas être une charge (accent corse) pour la société.
E: d'accord. Voulez vous ajouter autre chose? Je vais arrêter le magnétophone et nous allons prendre rendez-vous.