Université Lumière Lyon 2
Ecole doctorale Humanités et sciences humaines
Faculté des lettres, sciences du langage et arts
Équipe de recherche : Lecture et réception du texte contemporain
Interactions esthétiques
Les fondements figuratifs du système de Stanislavski
Thèse de doctorat de Lettres et arts
Dirigée par Christine HAMON-SIRÉJOLS
Présentée et soutenue publiquement le 5 décembre 2006
Devant un jury composé de :
Béatrice PICON-VALLIN, Directrice de recherche au CNRS, rapporteur
Danièle COHN, Professeur agrégé, H.D.R., à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, rapporteur
Bernadette BOST, Professeur des universités d’études théâtrales à l’Université Lumière Lyon 2
Jacqueline LICHTENSTEIN, Professeur des universités de philosophie de l’art à l’Université Paris IV-La Sorbonne
Christine HAMON-SIRÉJOLS, Professeur des universités d’études théâtrales à l’Université Paris III-La Sorbonne Nouvelle, directrice de thèse

A ma grand-mère russe,
Anna Samoïlovna Zlotopolskaïa
qui m’a constamment encouragé à mener à bien ce travail.

Remerciements et préambule

Une thèse est le fruit d’une curiosité intellectuelle et existentielle. Elle croise des impulsions affectives, sensorielles, des problématiques construites et des hasards de lecture ou de rencontre, tout ce qui fait une expérience. L’origine du présent travail est multiple, croisant la biographie personnelle, la pratique artistique du théâtre et une curiosité intellectuelle et sensible pour la théorie et l’histoire de l’art. Mais les concrétions intérieures ne font pas encore un problème esthétique ou artistique. La sensibilité et la formation personnelle doivent pour cela faire des rencontres. Celles-ci eurent lieu pour moi à l’occasion d’un long séjour en Russie, pays dont je pratique la langue et la culture pour des raisons familiales.

C’est là que j’ai découvert, ou redécouvert, le théâtre en m’initiant à l’école russe de l’acteur, d’abord au GITIS, grâce à l’obligeance de son recteur, le regretté Sergueï Isaïev, puis à l’Ecole d’art dramatique, le théâtre fondé et dirigé par Anatoli Vassiliev. C’est grâce à lui que j’ai pu faire mes premiers pas dans l’apprentissage de ce métier. Ma route a alors croisé celle de plusieurs metteurs en scène : Matthias Langhoff à l’Ecole des Maîtres en 1998, Vassili Skorik, grand pédagogue, aujourd’hui disparu et ses deux assistants, brillants acteurs et pédagogues de jeu, Anton Milenin et Vladimir Kireev.

J’ai pu à Moscou et en Italie m’initier au théâtre des structures de jeu (parfois appelé théâtre ludique), à la pratique du théâtre en russe et en Russie, et travailler au sein du laboratoire d’Anatoli Vassiliev à Moscou, observateur de ses travaux sur Pouchkine (Don Juan ou le Convive de pierre et autres poèmes, Matinée Pouchkine) et participant, en tant qu’acteur, à un dialogue de Platon, Le Banquet et à une pièce de Tchekhov, Les Trois sœurs. Depuis 2004, j’ai pu participer à un stage sur la poésie de Baudelaire et de Rimbaud, dirigé par Vassiliev et organisé par l’Arta à la Cartoucherie de Vincennes, et surtout réussir le concours d’entrée au département de formation et de recherche à la mise en scène de l’Ensatt à Lyon. J’y ai suivi le cursus des deux premières années qui a porté sur le dialogue et les structures de jeu (Platon, traités d’art sous forme dialoguée, L’Impromptu de Versailles de Molière), pendant la première année et sur Tchekhov et les structures psychologiques pendant la seconde.

Cette expérience théâtrale, commencée en 1998 et qui se poursuit à l’heure actuelle avec une visée professionnelle et artistique a donné lieu à la publication de deux ouvrages en 2006 aux éditions Actes sud-papiers : Anatoli Vassiliev : l’art de la composition. Le laboratoire d’Anatoli Vassiliev. Ce livre reprend la substance de mon Diplôme d’études approfondies, soutenu en l’an 2000, sous la direction de Madame Béatrice Picon-Vallin, à l’Université Paris III. Il décrit mon expérience au sein du laboratoire d’Anatoli Vassiliev, esquisse une problématique esthétique qui tend à rapprocher une catégorie plastique, comme la composition, de l’usage de ce même terme dans la terminologie de travail du metteur en scène. Cet ouvrage est aussi un premier essai de systématisation du vocabulaire de travail théorique en langue russe. C’est donc un pas vers la démarche que je me propose d’entreprendre dans la présente recherche. Le second livre est une traduction d’un texte fondamental de Maria Knebel, Le Verbe dans l’art de l’acteur, paru en français dans un ouvrage qui comprend également La Méthode de l’analyse par l’action, paru en français sous le titre L’Analyse-Action. Le premier texte, paru à l’origine en 1954, rassemble l’expérience de M. Knebel, comme pédagogue au Studio d’Opéra et de Drame de Stanislavski, sa dernière entreprise pédagogique au moment où il mettait au point l’édition de son système. J’ai précisé la terminologie et l’apparat critique de l’ouvrage en accord avec les autres traducteurs et Anatoli Vassiliev, qui a dirigé cette publication.

Je suis grandement redevable dans mon travail à plusieurs rencontres artistiques et intellectuelles. Mes recherches ont commencé à la Scuola Normale Superiore di Pisa où j’ai pu suivre avec grand profit l’enseignement très vivant d’histoire de l’art dispensé par MM. Salvatore Settis et Massimo Ferretti. Les quelques séminaires de Paola Barocchi auxquels il m’a été donné d’assister m’ont immédiatement fait sentir la profondeur, la fermeté et l’acuité d’un questionnement esthétique qui croise sans cesse les points de vue et les œuvres, les textes et les matériaux figuratifs, avec un constant souci de l’historicité et du sens de cette mise en contexte parallèle, comprise sous un angle philologique et, d’une certaine manière, artistique. Mais c’est surtout les séminaires et les conseils du Professeur Marco Collaretta qui m’ont stimulé et encouragé en donnant un sens à mon travail.

La décision de me consacrer à l’esthétique m’est venue dès ma maîtrise de philosophie de l’art, mais, par la suite, c’est la vie du séminaire de Danièle Cohn à l’Ecole des hautes études en sciences sociales qui m’a montré constamment in concreto la possibilité de mêler rigueur et profondeur de la recherche, pédagogie et questionnement personnel renouvelé, philosophie et esthétique.

A l’Ecole Normale Supérieure où j’ai achevé ma formation, j’ai eu la chance de pouvoir bénéficier d’une ouverture intellectuelle exceptionnelle en France, notamment vers les sciences sociales, en particulier l’anthropologie sociale, et vers les courants les plus représentatifs de la recherche contemporaine dans toutes les disciplines. Ma formation esthétique s’y est prolongée, après l’agrégation de philosophie, par une participation à la Passerelle des Arts de l’Ens, animée par Jean-Loup Bourget. Mon tuteur pédagogique, Madame Claude Imbert, directrice du département de philosophie et elle-même spécialiste de logique et d’esthétique m’a encouragé dans mon long séjour en Russie, d’abord à l’Université d’Etat des sciences humaines de Russie (RGGU), puis dans mes curiosités et recherches sur la pratique théâtrale. Par la suite, j’ai pu, grâce au dynamisme de Madame Ségolène Le Men, directrice des études et historienne d’art, participer à l’école doctorale de printemps franco-allemande en histoire de l’art, consacrée à la notion de style. Elle a toujours été prodigue de ses conseils et de ses encouragements.

C’est ensuite ma propre expérience d’enseignement, au sein du Département des arts de la scène, de l’image et de l’écran à l’Université de Lyon 2, qui m’a permis de préciser des interrogations et des modes de présentation des problématiques esthétiques dans le contexte des arts du spectacle. A l’école doctorale Humanités de l’université de Lyon 2 qui a accueilli cette recherche, j’ai pu, grâce à son directeur M. Jacques Poumet, bénéficier d’un soutien pour participer au colloque annuel de la Fédération international de recherche théâtrale (FIRT) consacré à la mise en scène qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg en 2004 au sein du théâtre Alexandra, là même où Meyerhold représenta Le Bal masqué et d’autres chefs d’œuvres de la mise en scène russe.

Ma directrice de thèse, Madame Christine Hamon a constamment fait preuve de la plus grande bienveillance pour mes recherches et leur caractère parfois disparate, elle a su me faire confiance durant ces cinq années et au-delà de mon engagement récent dans une formation pratique théâtrale active. A Lyon, l’enseignement pratique et théorique du théâtre a vivifié mes premières années de recherche et m’a permis de prendre de l’assurance à l’égard de mes connaissances et de leur mode d’élaboration.

Je remercie vivement Madame Béatrice Picon-Vallin du laboratoire des arts du spectacle du CNRS qui a dirigé mon premier travail universitaire de DEA sur Anatoli Vassiliev et l’art de la composition et qui, la première, a soutenu mon projet de recherche.

Je tiens à remercier également Madame Marie-Christine Autant-Mathieu qui m’a accueilli au sein de son séminaire CNRS-INHA consacré au Système de Stanislavski.

Au cours de ma formation doctorale, j’ai pu participer à différents colloques et séminaires à l’Ens et à l’Ehess en partenariat avec l’Inha, à l’Ecole doctorale de l’Université de Lyon 2, à la conférence annuelle de la Fédération internationale de Recherche Théâtrale à Saint-Pétersbourg en 2004 et au sein du laboratoire ARIAS du CNRS (séminaire Stanislavski).

Enfin, ma gratitude va bien sûr à Anatoli Vassiliev qui m’a accueilli au sein de son théâtre à Moscou et avec qui j’ai la chance de travailler depuis octobre 2004 à Lyon. C’est le fait de l’écouter, lui et d’autres metteurs en scène, acteurs, pédagogues et hommes de théâtre russes et d’avoir pu directement éprouver le sens des mots de la tradition russe et la pratique qui a donné vie à mes interrogations et à cette recherche qui s’est croisée avec mes précédentes curiosités pour l’esthétique, l’anthropologie et la philosophie. Sa présence à Lyon fut un signal éminemment favorable pour l’élaboration définitive de mon projet.

Les conversations ont été plutôt rares dans la préparation de mon sujet. J’ai cependant trouvé un écho stimulant dans un domaine inattendu : la théorie de la programmation, qui est le domaine de recherche de mon ami Mikhaïl Kotelnilov, qu’il soit remercié de sa générosité.

C’est en croisant ainsi les directions dans le monde intellectuel, les personnalités et les lieux – Paris, Moscou, Pise et l’Italie, Lyon – que ce projet a pu germer et être mené à bien. Je remercie donc encore une fois toutes les institutions et personnes qui m’ont accueilli, encouragé ainsi que mon compagnon, Laurent Riberolles et mes proches pour leur aide et leur soutien durant l’achèvement de mon projet. Je remercie chaleureusement Caroline Caugant et Henri Fischer d’avoir bien accepté de relire mon manuscrit.

Je dédie cette recherche à Anna Samoïlovna Zlotopolskaïa, ma grand-mère, première instigatrice de mon goût pour l’art et pour les livres, qui sut me guider dès mon plus jeune âge, à la Galerie Tretiakov admirer le Christ dans le désert, L’Inconnue de Kramskoï ou le Démon de Vroubel. Elle fut aussi, comme d’autres membres de ma famille, une zajadlaja teatralka, une amoureuse forcenée du théâtre. C’est grâce à cette curiosité que j’ai sans doute osé passer, malgré moi et malgré elle, de l’autre côté de la rampe.

Note sur les traductions et les citations russes.

Dans la mesure où la terminologie, la recherche de l’équivalent français font partie intégrante de notre recherche d’esthétique, tous les textes russes cités sont traduits par nous, même dans le cas où une traduction du russe est accessible en français et fait autorité, ce qui est le cas pour l’excellente traduction des Ecrits sur le théâtre de Meyerhold et pour Ma Vie dans l’art de Stanislavski. Ce sont, avec les Ecrits de Vakhtangov, récemment traduits par Hélène Henry, et ceux de Taïrov, traduits par Claudine Amiard-Chevrel, les seules traductions vraiment fiables qui existent en français. Nous indiquons pour ces traductions, dans les notes, les références précises à la traduction française. Les écrits de Mikhaïl Tchekhov ont été traduits en français de l’anglais de même que Le Travail de l’acteur sur soi de Stanislavski qui est traduit de la version américaine sous le titre La Formation de l’acteur (le titre russe est Le Travail de l’acteur sur soi dans le processus créateur de la vie éprouvée ) et La construction du personnage (le titre russe étant Le Travail de l’acteur sur soi dans le processus créateur de l’incarnation ).

De ce fait, la plupart des citations que nous produisons proviennent d’ouvrages russes non traduits. Pour ne pas alourdir l’apparat critique de notre travail, toutes les références d’ouvrage sont données dans les notes en traduction française, avec la mention du lieu russe d’édition (en général Moscou, ou Saint-Pétersbourg/Petrograd/Leningrad). Le titre original russe et les références complètes de l’édition russe figurent dans la bibliographie au nom de l’auteur donné sous une forme francisée (Stanislavski et non Stanislavskij, Vakhtangov et non Vahtangov, Soulerjitski et non Suleržickij), là aussi dans un souci de clarté, conforme à l’usage de notre langue.

Les noms communs russes des notions qui émaillent notre recherche sont traduits et donnés en transcription. Dans les annexes et les citations, certains termes importants sont donnés entre crochets droits pour signaler une particularité ou la manière dont nous traduisons une notion importante. La traduction de la terminologie est une recherche en évolution qu’il n’est pas toujours utile de clore. Nous ne répugnons pas ainsi à traduire de façon différente des notions importantes, car les textes engagent parfois des contextes différents et la pluralité raisonnée des traductions peut, dans certains cas, libérer du sens. Nous indiquons, dans ce cas, la notion russe correspondante entre crochets droits.