Chapitre 3 : Stanislavski en 1905 : des Revenants au Théâtre-Studio

Les Revenants

La recherche d’un procédé spatial qui puisse concentrer l’espace scénique conduit Stanislavski à prendre pour objet son propre processus de metteur en scène. Il le fait dans les journaux dans lesquels il consigne de façon réflexive les étapes de son travail. Un témoignage essentiel de la pratique réaliste de la maquette, dans l’échange entre Simov et Stanislavski, est fourni par le journal de mise en scène pour Les Revenants d’Ibsen en 1905 341 . Le spectacle est mis en scène par Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko, Simov est le peintre-décorateur. Les notes de Stanislavski sont un journal consacré au décor et au travail scénographique sur Les Revenants entre le 30 janvier et le 4 mars 1905. Il retrace toutes les étapes de la création de la mise en scène, de la première lecture de travail au dessin des mises-en-scène des acteurs et à la fixation du tempo de la pièce. Il allie donc de pures indications de jeu, la prise en compte de la distribution des rôles, la confection de la maquette, la plantation précise pour le jeu et une réflexion personnelle sur les moyens mêmes que le metteur en scène utilise. Ces étapes se doublent de considérations sur le contenu et l’atmosphère de la pièce, mais aussi de remarques théoriques sur le décor et sur le jeu.

Tout d’abord, Stanislavski, Simov et un assistant participent à la lecture à haute voix de la pièce par Nemirovitch-Dantchenko, censée donner une impression générale. Après la lecture, c’est en effet l’imagination qui entre en jeu. Stanislavski imagine la maison où se déroule l’action, comme la propriété d’un Serebriakov norvégien 342 . L’intérieur de la maison est le centre de la pièce d’Ibsen, mais traduit également les conceptions de Stanislavski et de Simov comme décorateurs et aussi comme metteurs en scène pour rechercher le jeu intérieur, la sécurité du confort domestique pour l’acteur qui doit se sentir chez lui, capable d’agir dans des conditions d’intimité et de proximité à soi, rendues possibles par les décors. C’est ce confort intime qui est recherché par le metteur en scène dans l’intérieur de la maison. Mais cet intérieur est doublé d’une vue sur l’extérieur et la nature. Comme pour La Cerisaie, la nature doit rentrer dans la maison avec des traits typiques de la Norvège, les fjords, les montagnes. C’est aussi le cas pour les bruits qui préoccupent très tôt Stanislavski dans son processus de création : le signal du bateau qui arrive, le bruit du tocsin et les gouttes de pluie qui détrempent le sol. L’impression ou la rêverie du metteur en scène est destinée à percevoir l’humeur. Cette atmosphère – nastroenie – vaut non seulement pour le décorateur, par la teinte des murs et par les formes architecturales et décoratives, mais aussi pour l’acteur. L’humeur de pluie engendre la sensation de soi 343 samočuvstvie – correspondante, mais en 1905 ce terme ne semble pas encore tout à fait théorisé. Le décor, le jeu de l’acteur, les bruits, tout est contenu dans l’humeur. La maison est planifiée dans son ensemble. C’est un trait récurrent des mises en scène stanislavskiennes que de voir plusieurs pièces de la même maison ou du même appartement. Il souhaite avant tout que le spectateur puisse voir « une perspective de pièces ». Dans la décoration de la maison, la peinture même joue un rôle, tableau pictural dans le tableau scénique, image dans l’image. Ainsi, dans Ivan le Terrible des fresques décoraient-elles l’appartement du Tsar, dans La Fille des Neiges.Pour le Palais du Roi Berendeï, Stanislavski eut l’idée de décorer le palais de fresques non terminées, en cours d’élaboration, une nacelle étant suspendue avec un peintre à cet effet 344 . Dans Les Trois sœurs, le motif de la photographie du père était dominant, suspendue à la place d’honneur au premier acte et remontée dans la chambre d’Olga à l’acte III. Dans Un Mois à la campagne de Tourguenieven 1909 (ill. 124-126) ou dans Un Cadavre vivant de Tolstoï en 1911, les tableaux peints par le peintre-décorateur jouent un rôle important dans la composition du décor et l’image intérieure du spectacle. Très souvent, les acteurs jouent sous ces tableaux et c’est encore le cas dans les dernières mises en scène, comme dans Les Ames mortes de Gogol (dans une adaptation de Mikhaïl Boulgakov) en 1932. Dans Les Revenants d’Ibsen un rôle important doit être dévolu dans la décoration aux portraits des ancêtres. Ceux-ci doivent être peints pour la circonstance. Stanislavski veut faire photographier Moskvine qui joue Osvald avec son maquillage. D’après cette photographie, on fait faire un tableau de lui et de son père. Le maquillage et le costume de l’acteur Moskvine (Osvald) et de l’actrice Savitskaïa (Mme Alving) devront être adaptés. La peinture ou l’image est ici destinée à montrer le passage du temps : temps de la maison, de la famille. Stanislavski ne cesse de souligner que l’on doit voir l’ancienneté de la maison et, bien sûr, la couleur locale norvégienne. Les traits typiques sont recherchés dans une documentation sur la Norvège, fournie notamment par Shekhtel, l’architecte du Théâtre d’Art, lui-même ancien décorateur de théâtre et illustrateur qui se passionne, comme toute l’époque, pour le Nord russe ou scandinave. Mais Stanislavski reproche à Simov de faire une composition Art nouveau ou au contraire trop russe, trop proche des salles de boïars de la Russie ancienne dans lesquelles Simov s’est depuis longtemps spécialisé.

Stanislavski note des moments forts de la pièce, comme l’incendie de la fin. C’est un moment « d’extériorité artistique » qui doit être visible de partout dans la salle, dans la mesure où c’est le point culminant de la pièce, le moment le plus dramatique avec le lever du soleil final pendant lequel meurt Osvald. L’éclat de ce lever de soleil ressemble à ces « lueurs » qui viennent à l’esprit de Stanislavski. Le feu de l’incendie ou de la cheminée auquel il pense, comme à une agréable surprise, figure les couleurs et l’énergie de l’invention scénique. C’est aussi le cas dans Le Travail de l’acteur sur soi où la perte de l’inspiration dans l’appartement de Maloletkova est tout de suite compensée par l’exercice suggéré à Nazvanov d’allumer un feu de cheminée avec des allumettes imaginaires. L’intensité lumineuse progressive, comme les bruits, est renforcée, du point de vue technique, par la présence aux discussions préliminaires de l’électricien du théâtre et le souci de savoir comment rendre la lueur de l’incendie par une lanterne magique. Cela indique que le travail de composition du spectacle, de la maquette, de la maison est un travail artistique de type pictural, un processus de création personnelle. C’est en s’appuyant sur cette expérience plastique que Stanislavski établira la théorie de la naissance et de la composition du rôle par l’acteur, comme un processus de création. Stanislavski voit d’abord le tableau du final de la pièce d’Ibsen, la mort du fils, le contraste entre la jeune vie qui s’en va et la mère qui reste. L’essentiel pour le metteur en scène et de connaître et de pressentir cette image finale, le but de la création.

La seconde étape du travail se fait avec Nemirovitch-Dantchenko et concerne la distribution des rôles, moment toujours délicat au théâtre. Elle n’est pas complète. Stanislavski ne parle que des deux rôles principaux, confiés à des acteurs expérimentés du théâtre. Le jeu des acteurs est évoqué en fonction de leurs particularités, il faut accentuer le tempérament de l’un (la nervosité pour Moskvine) et rendre l’autre insouciante et joyeuse (Savitskaïa). La question des acteurs pourrait ne pas concerner directement celle des décors, pourtant dès le second jour, les deux acteurs principaux assistent aux discussions dans l’atelier des maquettes. Stanislavski signale également la présence de l’acteur Katchalov, pressenti pour le rôle du pasteur Manders et de Soulerjitski, l’assistant de Stanislavski, qui a une formation de peintre.

Dix points sont fixés comme instruction pour le décorateur. Il semble que beaucoup d’entre eux soient proposés en fonction des habitudes de Simov et comme pour les contrecarrer. Ces tendances ont été définies à propos du réalisme même de Stanislavski : la préférence pour l’intérieur, les salles basses, les couleurs ternes. Le premier de ces points est donc la visibilité des éléments extérieurs à la maison. Stanislavski demande aussi au peintre d’utiliser des couleurs vives. Les couleurs ternes seraient trop attendues dans ce contexte, alors que les couleurs vives, au contraire, peuvent traduire l’habitude du péché de l’ancien propriétaire des lieux. On doit sentir le vice dans toute la maison, comme l’on doit sentir la Norvège. Le second groupe de questions concerne l’humeur qui doit donner la tonalité générale du décor et du jeu. Elle est définie par la pluie, d’où vient l’idée, plus tard, d’utiliser les gouttes d’eau, quand l’équipe de décorateurs décide de faire figurer un balcon dans la même scène :

‘« Le balcon et la porte qui y accède se révélèrent indispensables pour la mise en scène . En parlant du balcon, nous avons trouvé un effet : ouvrir une trappe derrière le balcon, tapisser le balcon d’une bâche teinte et faire tomber de la vraie pluie. L’eau coulera sur la bâche vers le bas dans la trappe, le sol et la balustrade seront brillants d’être mouillés. » 345

Le troisième ensemble d’impératifs à suivre pour le décorateur est de représenter l’ensemble de la maison, en laissant apercevoir une enfilade de pièces, une perspective. Le terme apparaît, sous la plume de Stanislavski, après des efforts et une impasse totale dans l’invention chez Simov et son assistant. Le metteur en scène parvient à s’énerver ; l’énervement, dit-il, agit sur les nerfs et l’aide ainsi à produire un dessin qui donne la plantation générale, sans toutefois donner le ton ou le style de la décoration :

‘« Je me suis énervé. Je suis devenu cassant, grossier. Sans doute, à ce moment, le tempérament a joué sur l’imagination. Mes nerfs se sont aiguisés et j’ai réussi, quoiqu’à grand peine, à faire un dessin de toute la pièce avec la perspective. Je n’ai réussi à rendre que la disposition des fenêtres, des portes et des meubles, mais, bien sûr, je n’ai pas réussi à exprimer dans le dessin le caractère de la décoration [obstanovka]. J’ai ajouté dans mon dessin de nouveaux meubles, dans les recoins vides, des tableaux, une horloge. Petit à petit, la pièce s’est remplie d’objets monstrueusement mal dessinés et a un peu laissé entrevoir l’humeur. »’

Ce passage montre que la création du décor, même dans ses grandes lignes : la construction de la maison, de la pièce, de l’intérieur, est un processus créateur, semblable à la composition du rôle. C’est dans les mêmes termes que Stanislavski en parlera. Presque au même moment, comparant le jeu de deux actrices dans la pièce Ivan Mironytch, il note :

‘« Mouratova jouait à la place de Samarova dans Ivan Mironytch. Aucune image. On ne comprend pas quel personnage elle joue. (…) Quelle différence ! L’une crée son personnage, c’est la mère d’Ivan Mironytch, la création d’un peintre. L’autre rapporte correctement, elle lit son rôle. » 346

Nous avons délibérément forcé la traduction, mais le mot hudožnik signifie bien peintre et artiste, de même que l’image et le personnage correspondent au même mot – obraz. Le geste d’énervement de Stanislavski dans l’atelier des maquettes lui fait produire un dessin maladroit de l’agencement des modules scéniques : meubles, fenêtres, portes et en même temps une « perspective », sans que le contexte permette clairement de dire s’il s’agit de la perspective du paysage dont l’idée plaît tant à Simov qui souhaite montrer ses talents de peintre ou l’enfilade des pièces de la maison.

Le dernier ensemble de points pour le scénographe concerne les possibilités de ce que Stanislavski appelle, dans la langue technique du théâtre, les lieux de la plantation – planirovočnyje mesta. Il ne s’agit pas seulement de la plantation, dessin architectural en plan de la scène, mais des espaces de la plantation qui peuvent favoriser le jeu des acteurs. C’est là que l’on touche le cœur de ce que Stanislavski appelle la « mise en scène » qu’il écrit encore en français avant que le terme ne soit complètement russisé en mizanscena. C’est le but ultime du travail sur le décor, par les dessins, les esquisses, les maquettes. Les espaces de plantation sont des endroits disponibles pour le jeu de l’acteur. Stanislavski les comprend d’abord sous la forme pittoresque du tableau – kartinnost’. Sous sa plume ce terme deviendra rapidement péjoratif pour désigner le jeu formel de l’acteur. C’est pour créer ces endroits de jeu que Stanislavski refait en tous sens les différentes combinaisons de l’escalier, de la cheminée des Revenants et qu’il renonce finalement à ces modules. L’humeur n’est pas le seul but visé par l’élaboration du décor. Il faut construire l’action.

Mais d’abord les décorateurs et Stanislavski proposent des maquettes qui ne satisfont personne. La recherche créatrice continue à travers le dessin que parvient à produire Stanislavski. Celui-ci donne lieu à l’élaboration prolongée d’une esquisse très détaillée par le peintre-décorateur et son assistant. C’est sur la base de cette esquisse qu’une maquette complète, mais sans couleur, est réalisée. Les éléments sont indiqués dans l’espace réel de la scène avec précision, ce qui permet de s’apercevoir de grossières erreurs de proportion ou d’incompatibilité des éléments, du mobilier. Cela contraint à faire pivoter toute la composition et à ajouter un escalier à vis.

Tout le processus de création s’établit ainsi sur plusieurs supports : 1. le livre d’Ibsen d’abord divisé en tableaux, 2. le plan architectural composé mentalement et sur le papier, 3. sa transposition volumétrique dans les maquettes, 4. l’album contenant des notes, des croquis, des matériaux divers, visiblement Stanislavski et Simov ont chacun le leur, 5. le cahier de mise en scène définitif qui existe pour Les Revenants mais qui n’est pas publié. Il ne s’agit toutefois pas de moments clairement distincts et séparés. Les premiers éléments mentaux et graphiques sont d’emblée pensés en fonction des déplacements possibles qui sont écrits dans le cahier de mise en scène. Les maquettes sont construites en même temps que les esquisses, il y a des brouillons, des premiers jets, des essais en grandeur réelle, puis un retour au dessin. Il faut ici souligner l’importance du verbe pisat’ en russe qui correspond exactement au graphein grec. Il signifie à la fois peindre et écrire. Tout dépend du procédé d’écriture.

Dans son journal de mise en scène des Revenants, Stanislavski retrace ses conversations avec Sergueï Mamontov, le fils du fondateur de l’Opéra privé, à propos des procédés d’écriture de Tchekhov. Stanislavski lui-même « écrit » ou « dessine » sa mise en scène. L’ambiguïté est intéressante. On retrouve le geste de l’écriture : le cahier est un livre, un album relié et les notes de Stanislavski témoignent de véritables tourments d’écrivains :

‘« 6-12 février 1905. Durant deux jours, j’ai écrit la mise en scène. J’ai réfléchi longuement sur la première scène et j’ai esquissé les lieux [pour le jeu] dans leurs traits généraux. Il est difficile de commencer à écrire, mais quand je m’assois, je commence, sans le vouloir, en écrivant à vivre et à sentir. Il arrive que je veuille écrire, je me sens plein d’entrain, mais ça ne vient pas (surtout la journée). Une autre fois, je suis fatigué, une cousine est venue déjeuner, elle m’a fatigué encore plus, mais je m’assois pour travailler et je fais tout un acte. » ’

Le verbe pisat’ veut aussi dire peindre et peut être compris comme dessiner. Le metteur en scène dessine les mises en scène, en notant les déplacements sous forme de schémas et de flèches dans la plantation qui sont traduits en mots pour décrire les mouvements, les jeux de scène et parfois les intentions, les attitudes, l’humeur. A la même époque, certaines pages du cahier de mise en scène du Drame de la vie de Knut Hamsun sont littéralement dessinées. Les figures sont représentées en mouvement. Les cahiers de mise en scène de Stanislavski, souvent schématiques, contiennent parfois une figure, comme le dessin de Treplev, assis sur un banc-balançoire au premier acte de La Mouette (ill. 184).

Le but du metteur en scène n’est donc pas seulement le décor au sens constructif, ni le tableau au sens pictural de la toile de scène, même si ces éléments sont présents, il touche surtout aux mouvements de la figure de l’acteur. Durant tout le processus de création des maquettes et des esquisses, le metteur en scène se plaint qu’il n’y ait pas assez de lieux pour le jeu dans la plantation ou au contraire il se réjouit de pressentir des mouvements :

‘« Maintenant, j’ai compris que la verrière est un lieu pour le jeu dans la plantation [planirovočnoe mesto], qu’on peut même jouer sur la terrasse, que le lieu principal pour le jeu dans la plantation est près de l’escalier qui va parallèlement à la rampe. J’ai repéré deux points qui ne demandent qu’à voir Osvald s’y arrêter, plongé dans ses pensées : sur la couchette près de la cheminée (il faut sauter dessus) et près de la colonne (c’est-à-dire sous la colonne, exactement comme s’il était condamné et lié à un pilori). » 347

Il s’agit donc des déplacements, ce qu’il appelle les perehody, les transitions, les passages d’un espace à un autre. Mais ces positions assumées par les figures des acteurs sont inséparables de la signification psychologique des rôles, de l’interprétation de la pièce. L’importance du premier dessin de Stanislavski, avec la perspective, donne la clé de la disposition des éléments du premier acte. Il trahit cette nécessité de voir les acteurs en mouvement, vivre dans l’espace avec leur personnalité, leur histoire, leur destin, celui de leurs ancêtres, du milieu, du pays. La porte, l’escalier, la cheminée, la table, la couchette permettent de disposer les mouvements qui sont aussi des mouvements psychologiques. C’est l’enjeu du texte de Stanislavski qui retrace au jour le jour son propre mouvement de recherche et de création, comme un moyen d’étudier sur soi l’art de la mise en scène. Mais au fond, les positions et les utilisations restent soumises à l’acteur. Les déplacements ne sont pas seulement spatiaux. Les figures prennent du relief, tout comme le dessin doit prendre le volume de la maquette, dans la mesure où elle remplace l’esquisse picturale comme principe régulateur de l’espace scénique.

Le dessin de la mise en scène, dans le livret qui retrace tous les déplacements sous forme de croquis en plan, ne fait pas retour à la deuxième dimension, il traduit la quatrième dimension du temps, prise par les figures dans l’espace pour effectuer ces mouvements dans le volume de la scène, avec nécessairement une durée déterminant l’humeur. A son tour, l’humeur dessine une cinquième dimension, pour reprendre les suggestions de Gilles Deleuze à propos de l’espace, celle de l’esprit 348 . Rien de mystique là dedans, mais ce que vise Stanislavski, c’est le jeu. Tout cela n’est pas pleinement conscient, mais cherche à s’exprimer dans ses notes, sorte de journal de mise en scène, autre support d’écriture métathéâtral qui enregistre le mouvement même de création du metteur en scène pour en faire une théorie, un objet de pensée et de mouvement, un principe d’élaboration. La visée théorique et pédagogique de Stanislavski, dans l’écriture de ce bref journal, n’échappe pas à l’analyse. Stanislavski reconnaît que la fabrication des maquettes suscite des discussions générales fondamentales :

‘« Durant la fabrication des petites maquettes de ce travail, nous parlons de questions fondamentales de l’art et du décor au théâtre. »’

Les Revenants ne donnent pas à Stanislavski de réelle solution de renouvellement de la méthode de travail. Mais le journal est un moyen de noter le processus même d’élaboration du décor. Laissons un moment les péripéties de cette mise en scène qui se résout dans des considérations précises sur le jeu de l’acteur pour ressaisir l’origine même des recherches figuratives de Stanislavski qui s’intensifient étrangement dans cette saison 1904-1905. On peut en chercher l’origine dans un épisode qui s’est déroulé quelques mois auparavant durant la préparation des trois courtes pièces de Maeterlinck.

Notes
341.

Voir la traduction en annexe, texte N°7.

342.

Oncle Vania de Tchekhov a été mis en scène en 1899 par Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko Stanislavski y tenait le rôle d’Astrov. La pièce continuait d’être jouée au Théâtre d’Art, durant toutes ces années.

343.

Cette notion importante du système est construite à partir de l’humeur – nastroenie – mais désigne spécifiquement la sensation interne de l’acteur qui le prédispose à l’action. Tous les éléments du système ne sont que les composantes de cette sensation interne de l’acteur.

344.

Simov in : Sur Stanislavski, op. cit., p. 292.

.

en français dans le texte

345.

Les extraits cités renvoient à la traduction intégrale du texte qui figure dans les annexes, traduite d’après Stanislavski, 1988-1999, V, vol. 2, pp. 239-253.

346.

Vinogradskaïa, I, 1971, p. 495.

347.

Ibidem, p. 250.

348.

Gilles Deleuze, L’Image-mouvement, Paris, éditions de Minuit, 1983, p. 31.