1.3.2. Le vainqueur et le vaincu

Les rapports identitaires ami/ennemi se transforment, dans l’après-guerre, dans l’articulation vainqueur/vaincu : d’un côté les détenteurs de la victoire, de l’autre, ceux de la défaite. La victoire reste cependant une catégorie qui doit sa signification à la rhétorique du discours politique.

Plus qu’elle ne se gagne sur le terrain pendant la guerre, la victoire se déclare dans les traités de paix ou dans les déclarations des présidents. La victoire et la défaite ont une forte dimension symbolique et c’est ainsi que nombreux pays fêtent des défaites célèbres. Même si la province de Kosovo représente le lieu de la défaite des Serbes face aux Ottomans 62 , elle est inscrite dans la mémoire collective comme le « berceau de la civilisation serbe ». Etre vaincu prouve en même temps l’existence même de la bataille et la participation active à celle-ci, ce qui nourrit la fierté nationale d’avoir affronté une des plus grandes puissances de l’époque.

Avec le couple vainqueur / vaincu, la fin de la logique de l’affrontement ne correspond pas au moment de la fin de la guerre. Malgré la défaite de l’ex-Union soviétique et la chute des régimes communistes, la logique de la Guerre froide persiste encore dans les rapports entre l’Ouest et l’Est de l’Europe.

Au contraire, ce nouveau type de rapport peut nourrir dans le temps de l’après-guerre des nouvelles tendances guerrières des pays vaincus. Les défaites d’aujourd’hui peuvent préparer les victoires de demain.

Notes
62.

La bataille de Kosovo Polje (1389) marque la fin de l’indépendance des Serbes qui resteront près des cinq siècles sous domination ottomane