Conclusions

L’action est le concept qui semble assurer, dans une première instance, le lien entre économie et guerre. Hannah Arendt définit le pouvoir comme « rassemblement des hommes égaux décidés à l’action » 132 . La guerre, comme l’économie, nécessitent dans ce contexte une décision, des objectifs, des moyens pour les atteindre, un savoir-faire d’efficacité et la capacité de ressembler des gens. Faire la guerre et produire des biens sont ainsi sources directes de pouvoir, tout comme l’est toute action politique. Cependant, pour H. Arendt la fondation du pouvoir naît notamment dans l’égalité des hommes qui agissent ensemble et qui bénéficient ainsi d’une liberté partagée. La question que l’on peut se poser à partir de cette affirmation est de savoir dans quelle mesure la liberté partagée qui assure l’agir ensemble est obtenue et respectée dans l’économie et dans la guerre et si ce n’est pas ici la différence la plus significative entre l’action politique, l’action économique et l’action militaire. Car les conditions de rassemblement diffèrent : entre l’engagement politique, le contrat économique et la contrainte guerrière, les rapports qui fondent les groupes d’action se trouvent complètement modifiés. « Le pouvoir correspond à la capacité à agir de façon concertée » 133 . Ce qui assure la concertation de l’action est la capacité de l’autorité à mobiliser pour et pendant l’action. Sans entrer dans le détail des types de contrat de travail ou de formes de participation à la vie militaire, nous remarquerons ici simplement l’impact dans l’espace public de ces formes qui stipulent les modalités de rassemblement, qu’il s’agisse des modifications de la législation du travail ou de la professionnalisation de l’armée. Ainsi, ce qui rend similaires les différentes formes de communication politique, de communication d’entreprise ou de communication en temps de guerre est la motivation pour une action commune.

Dans ce contexte d’affrontement, nous pensons que la définition de l’économie comme théâtre d’une « guerre économique » renforce l’affirmation de la rationalité économique dans le domaine du politique, tout comme la décision politique est en temps de guerre dans une large mesure tributaire à la logique militaire 134 .

Ce sont justement ces rapports de pouvoir entre les différents domaines du politique qui fondent, d’après nous, les logiques propres de la guerre économique en la différenciant de la logique et la rationalité économiques de la guerre. La notion de « guerre économique » confère ainsi une dimension sémiotique et politique à l’économie.

Notes
132.

 ARENDT, Hannah - Qu’est-ce que la poltique ?, Seuil, Paris, 2001, p. 36

133.

ARENDT, Hannah - Du mensonge à la violence, Calman-Lévy, Paris, 1972, p. 153

134.

Un exemple intéressant, parmi beaucoup d’autres, est la manière de représenter l’élargissement de l’Union européenne plutôt comme un projet économique ; dans une émission diffusée sur France 5 le 4 octobre 2006 cet élargissement est considéré comme « une expansion économique » nécessaire pour donner à l’Europe les moyens d’intervenir dans une économie mondialisée.