1.2.1. Fonctions lexicales

Dans un premier temps nous nous proposons de mettre en évidence les utilisations de l’expression guerre économique dans le quotidien économique Les Echos par une analyse des fonctions lexicales que l’expression remplie au niveau de la phrase.

Ainsi, nous avons constaté que le terme est utilisé notamment comme déterminant d’une performance ou de performateurs de la guerre économique.

  • 1. La guerre économique comme actant du récit  

Il s’agit ici d’une mise en scène la présence de la guerre économique comme entité qui va définir le contexte économique actuel par ses actions. La guerre comme performateur d’une action explique ainsi l’articulation entre l’imaginaire d’une menace et le réel des pratiques des acteurs qui sont obligés d’agir en tenant compte de cette présence.

Exemples  :

- « la guerre économique fait rage » (05 février 1992)

- « la guerre économique se déclencherait s’il n’y avait pas d’accord au GATT » (3 décembre 1993)

- « la guerre économique lamine un bon nombre d’industriels et de distributeurs » (19 septembre 1995)

  • 2. La guerre économique comme déterminant d’une performance

Dans cette qualité, le terme soit précise la nature d’une action, soit représente la figure d’une situation. Dans ce cas, c’est la nature même de l’action qui définit l’identité des acteurs. En précisant le caractère particulier de la performance, faire la guerre économique ou être en guerre économique impliquent un rôle spécifique que les actants assument dans celle-ci.

Exemples :

- « une nouvelle guerre, économique et commerciale » - 4 mars 1991 (déclancher la guerre)

- « guerre économique avec l’Allemagne » - 23 mai 1991 (être en guerre)

- « guerre économique contre le Japon » - 28 mai 1991 (être en guerre)

- les Français n’entendent pas « mener une guerre économique » contre le Japon – 30mai 1991 (mener une guerre)

- « il parle de ‘guerre économique ‘ » - 17 décembre 1991

- la guerre économique des grandes puissances industrielles – 6 mars 1992 (se livrer à la guerre)

- « éviter la guerre économique » - 17 avril 1992

- « la guerre économique que se livrent vieilles et nouvelles nations industrielles » - 18 août 1992 (se livrer, réciproquement, la guerre)

- « engagées sans états d’âme dans la guerre économique que se livrent les nations » - 8 septembre 1992 (s’engager dans la guerre ; se livrer la guerre)

- « Nous sommes en guerre économique » - 18 décembre 1992 (être en guerre)

- « Les américains font la guerre économique » - 12 mars 1993 (faire la guerre)

- « elle [la compétition entre états] peut provoquer la guerre économique » - 17 mai 1994 (provoquer la guerre)

- « Les PME-PMI de l’Essonne s’initient à la guerre économique » - 11 décembre 1995

- « nous sommes en guerre économique allant crescendo » - 6 juin 1996 (être en guerre)

- « la formidable guerre économique que se livrent les compagnies mondiales » - 28 août 1996

  • 3. Déterminant d’un élément du paradigme

Utilisé comme complément de nom – par le type particulier de relation qu’elle établit avec l’actant, l’objet ou la situation désignés par le nom - l’expression « guerre économique » restreints le cadre de référents potentiels du nom ou change les valeurs de celui-ci.

Exemples  :

- un « général de la guerre économique » - 17 octobre 1991

- les « mécanismes de la guerre économique » - 17 octobre 1991

- « les besoins de la guerre économique » - 23 mai 1991

- « les généraux de cette guerre » - 18 décembre 1992

- « situation de guerre économique » - 6 septembre 1993

- « art de la guerre économique » - 10 février 1994

- « les règles de la guerre économique » - 28 octobre 1994

- « les enjeux et les tactiques de la guerre économique » - 13 décembre 1994

- « la situation de guerre économique » - 17 mars 1995

- « La France va devenir le théâtre d’une guerre économique » - 27 avril 1995

- « Nos entreprises sont au premier rang de la guerre économique » interview avec Jacques Delors (président du Comité de soutien de Lionel Jospin) – 28 avril 1995

- « une coopération visant à desserrer l’étau des marchés financiers et de la guerre économique » - 19 octobre 1995

- « les entreprises se trouvent, en fait, les otages d’une guerre économique » - 16 novembre 1995

- « soldats de la guerre économique » - 4 avril 1996 (reprise de l’expression lancée par B. Esambert)

- « le chômage est le fruit de la guerre économique » - 11 avril 1996

- « le sentier de la guerre économique » - 17 mai 1996

- « les porteurs de la guerre économique » - 20 septembre 2006

Dans un même temps, nous constatons l’utilisation fréquente dans le corpus de synonymes de la guerre économique et de la guerre et, plus généralement, l’usage d’un lexique spécifique à la guerre qui contribuent à la représentation contextuelle de l’économie comme un théâtre de combat.

Exemples :

- « rester en première division dans la guerre économique » - 17 octobre 1991 (ne pas - perdre la guerre)

- « la capacité de résister aux Japonais » - 6 mars 1992

- «le patriotisme économique, valeur en hausse » - 6 mars 1992

- « Washington est engagé dans une véritable bras de fer avec Bruxelles » - 17 avril 1992

- une « guerre commerciale » entre Les Etats-Unis et ses importateurs – 17 avril 1992

- « contrer l’offensive des pays d’Asie du Sud-Est » - 18 août 1992

- « les entreprises sont les fantassins de l’Europe » - 8 septembre 1992

- « cette compétition nouvelle » - 8 septembre 1992

- l’accord de Maastricht peut être « une arme de dissuasion majeure » - 8 septembre 1992

- les entreprises sont « les troupes livrées sans défense aux prédateurs du monde entier » - 8 septembre 1992

- entreprises « disposées en ordre de bataille » attendent « les ultimes moyens de leur victoire » - 8 septembre 1992

- « combat depuis près de quarante ans » - 8 septembre 1992

- « nouveaux enjeux de compétitivité de la concurrence mondiale » - 9 octobre 1992

- « gagner la bataille des exportations » - 9 octobre 1992

- « désarmement économique unilatéral » - 9 octobre 1992

- « logique de l’affrontement concurrentiel » - 9 octobre 1992

- « pacifisme économique (désarmement unilatéral) et du protectionnisme défensif (nationalisme) » - 9 octobre 1992

- « facteur de paix économique » - 9 octobre 1992

- Les Etats-Unis sont « passés à l’offensive » sur le terrain de productions agricoles - 18 décembre 1992

- « Le commerce extérieur, c’est l’arme de ce combat-là » - 18 décembre 1992

- « la fuite en avant dans la guerre économique » - 18 juin 1993

- « des batailles qui opposent les grands groups industriels et financiers » - 13 août 1993

- « l’Europe est condamnée aux alliances » - 7 septembre 1994

- « un renouveau du nationalisme économique » - 2 décembre 1994

- « il faut bâtir des forteresses pour se défendre contre les géants étrangers » - 20 janvier 1995

- « dans la jungle des marchés » - 17 mars 1995

- « Donner des nouvelle armes au PME-PMI dans la guerre du renseignement économique et les aider à préparer leur riposte » - 11 décembre 1995

- Après une période de « tensions bilatérales », Pékin et Washington « se menacent mutuellement de sanctions » et Bill Clinton « a tiré la première salve » en publiant une série de produits chinois qui pourraient être soumises à des droits de douane prohibitifs. – 17 mai 1996

- « le transfert de technologie deviendra la nouvelle arme stratégique des entreprises » - 06 juin 1996

- « le monde guerrier du travail » - 18 septembre 1996

- Le 7 septembre 1994 l’expression « Guerre économique » est le sous-titre de l’article « Aéronautique-défense : l’Europe condamnée aux alliances » ; elle est ici synonyme de : « période de crise » ; « combat économique » ; « guerre commerciale » ; « guerre tarifaire » et « conjoncture qui exacerbe la concurrence »

Dans cette première étape de notre analyse, nous avons constaté qu’au niveau de la phrase, dans les relations qu’elle comporte avec les autres unités lexicales, l’expression « guerre économique » représente une grille de lecture et d’interprétation. Une des dimensions de la construction du paradigme de la « guerre économique » et la définition de ses éléments commence, selon nous, à ce niveau.