Conclusions

Nous avons vu comment, entre 1990 et 2004 les différents emplois de l’expression « guerre économique » dans le discours médiaté français définissent un nouveau paradigme, une transposition du paradigme de la guerre dans le domaine économique.

Dans le cas des livres signés par P. d’Arcole et Bernard Esambert, cette construction se fait dans le cadre d’un discours idéologique, inscrit dans une logique argumentative.

Le journal Les Echos reprend en partie cette définition – dans la période 1991 – 2004 – mais met en scène un débat autour des significations de la notion de « guerre économique » en donnant la parole à différents intervenants extérieurs. Malgré cela, la polyphonie organisée par le quotidien économique reste tributaire de l’engagement de ces intervenants, généralement des protagonistes de la guerre économique : chefs d’entreprise, consultants, responsables politiques d’orientation libérale. Malgré l’apparence d’un débat ouvert, la multitude de voix mise en scène ne couvre donc qu’une partie de positions possibles, pouvant être définie comme une forme symbolique de discours dominant.

Il est intéressant de souligner que dans le discours des Echos, l’expression « guerre économique » relie l’histoire longue des conflits entre Etats et des nouvelles formes d’expressions de ceux-ci.

Dans un même temps, elle apporte des aspects nouveaux de conflictualité, comme il est le cas des rapports entre l’entreprise multinationale et souveraineté de l’Etat. Selon le modèle de la guerre militaire, la guerre économique inscrit le domaine économique dans une logique de perception du risque et de la menace, comme générateur de sens et gestionnaire de l’action.

Cependant, ce qui caractérise le paradigme de la guerre économique est la reformulation de la figure de la violence, qui supporte un processus de métaphorisation. La violence symbolique de la guerre économique est représentée principalement par l’image des chômeurs. Mais, l’utilisation de l’expression « guerre économique » place la responsabilité de cette violence du côté de la « main invisible ». Le discours de la guerre économique dans notre corpus ne présente pas des acteurs responsables de la violence économique. Comme dans le cas de la guerre militaire moderne, les victimes font désormais partie des « dommages collatéraux ». Comme nous l’avons vu, en pensant l’économie en termes de guerre, le paradigme de la guerre économique fonde et légitime le pouvoir politique des acteurs économiques. Il s’agit cependant d’un pouvoir qui, trop focalisé sur la victoire, n’implique pas la responsabilité de ses actes.