2.3.3. La représentation de l’espace de la guerre économique

Toujours dans l’identification des changements que la présence d’un paradigme de la guerre économique peut induire dans le discours des médias, nous nous arrêtons ici sur la représentation de l’espace. Pour cela, nous allons tout d’abord délimiter les spécificités dans la représentation de l’espace dans un discours sur la guerre militaire, nous nous interrogerons sur l’articulation entre espace et économie, pour pouvoir ensuite parler de l’espace de la guerre économique et identifier dans notre corpus les éléments particuliers de cette représentation.

Le territoire représente un lieu symbolique d'affirmation nationale . Il a une forte signification culturelle, inscrite dans le contexte de la dimension identitaire des guerres. Cette signification fait apparaître, parmi les instances majeures de la sémiotique guerrière, la confusion entre appartenance et territorialité. Ce que la guerre inscrit dans la rationalité politique, et en cela elle rejoint toutes les guerres qui ont pu se produire jusqu'à maintenant dans l'histoire, c'est la détermination commune de la terre et de la sociabilité. Faire la guerre, c'est assigner à la terre où elle se déroule la signification d'un enjeu identitaire et d'un espace d'inscription géographique des appartenances politiques.

La guerre, dans ce contexte, exprime une féodalisation de l'espace : elle transforme l'espace géographique - ce que l'on appellera, d'ailleurs, le « théâtre des opérations » - en un espace identitaire dans lequel s'inscrivent des identités d'acteurs et des appartenances politiques.

Sur le plan politique, deux notions fondent la signification de l’espace – l’intégrité territoriale des Etats et l’autodétermination des peuples – qui peuvent connaître en temps de guerre un rapport d’affrontement défini par X. Bougarel comme un "paradoxe constitutif de l'ordre national-étatique" 259 . L'éclatement de la Yougoslavie, au sein de laquelle les frontières républicaines et aires de peuplement ne coïncidaient pas, cette opposition ne pouvait que ressurgir. Une des erreurs majeures des dirigeants et diplomates occidentaux est - selon Bougarel - de n'avoir pas su dépasser

‘« cette contradiction et de la gérer au cas par cas, de manière aléatoire et arbitraire, avec comme résultat final la constitution dans la majeure partie de l'espace yougoslave d'entités territoriales ethniquement homogènes, Etats-nations accomplis ou en gestation lente, au prix de centaines de milliers de morts et de millions de personnes déplacées » 260 . ’

En termes de droit international, on parle du principe d'inamovibilité des frontières. M. Foucher définit les frontières comme des "structures spatiales élémentaires, de forme linéaire, à fonction de discontinuité géopolitique et de marquage ou de repère" 261 . Nous pensons que l’identification des frontières corresponde à trois registres : réel, symbolique et imaginaire. La rupture se joue entre des souverainetés, c'est-à-dire entre des pouvoirs qui ont la réalité du contrôle sur un espace borné. Le registre symbolique renvoie à l'identité du groupe national situé à l'intérieur d'un périmètre frontalier donné ou le plus souvent construit. Quant à l'imaginaire associé à la frontière, il connote le rapport à l'autre, voisin ou ennemi historique, mais aussi à soi-même et aux mythes fondateurs d'une nation particulière.

La période d'après la guerre froide remet en question ce principe, l'intangibilité des frontières n'est plus un dogme absolu. En connaissance de cause, le président Vaclav Havel déclare dans une interview accordée au quotidien Le Monde :

‘Question : « La communauté internationale estime les frontières dans les Balkans intangibles. Peut-on imposer par une forte présence militaire internationale une société civile et multiculturelle aux peuples de Bosnie, du Kosovo … ? »’ ‘V.H. : « Je ne pense pas qu'en intervenant militairement on puisse imposer une société civile. Mais on peut, au moins, tenir en respect les dictateurs, les chauvinistes, les gouvernements autoritaires. On peut obtenir un cessez-le-feu pour qu'au moins les armes soient rangées au placard. Ainsi, on permet aux gens d'écrire et de discuter librement, d'élire démocratiquement des représentants pour former, éventuellement, les structures d'une société civile. Il y a des valeurs plus élevées que les frontières d'un Etat. Si dans la paix et la tranquillité, une partie d'un pays souhaite acquérir l'autonomie, indépendance ou vivre dans un autre Etat, il faut en tenir compte. C'est la moindre des choses." 262

Beaucoup de frontières sont d'abord des fronts, c'est-à-dire des lignes de confrontation militaire entre des forces antagonistes, nations, ethnies, empires, qui cherchent à contrôler peuples et territoires. La reconnaissance internationale des républiques ex-yougoslaves implique la transformation de limites administratives en frontières d'Etat, changement rejeté par les minorités les plus radicales dans chaque nouvelle république. La stratégie militaire des parties en conflit est tributaire de l'objectif politique de reformulation de frontières selon des critères

L’espace de la guerre est un espace de non-communication , un "brouillard", comme le nomme Clausewitz. D. Bougnoux oppose à la communication la violence ou le bruit. Le bruit, le brouillard sont en égale mesure des obstacles sur le chemin de la raison. La raison existe donc entre nous, dans la stimulation incessante du dialogue. Une première source d'opacité est donc cette perte de la raison et le fait que la guerre est équivalente à une perte de sens, dans la mesure où elle est un événement qui se fonde sur la reconnaissance de l'autre comme adversaire et a comme but sa disparition.

Le 4 janvier 1999, Jean-Dominique Merchet, envoyé de Libération à Kumanovo (Macédoine), signe un article intitulé "Au Kosovo, l'armée française dans le flou de sa mission". La première phrase de cet article a attiré notre attention : "De Komanovo, on pourrait apercevoir le Kosovo si le brouillard ne tombait pas avec la nuit. La frontière entre la Macédoine et la Serbie est à dix kilomètres." : l'image esthétisante d'un espace situé "de l'autre côté", attirant, qu'on peut deviner mais qu'on ne peut pas discerner : la guerre. Le même journaliste, toujours en Macédoine, écrira le 5 mars : "Entre la paix et la guerre se dresse une montagne couverte de neige".

L’espace de la guerre est également un espace de démarcation  entre deux parties : la séparation opérée entre les catégories « ami » et « ennemi » correspond à une rupture de la continuité symbolique de l’espace. La frontière devient une interdiction – de passage et, donc, de communication – entre les deux parties en guerre.

L’occupation militaire de l’espace donne la mesure du risque et de la menace. La proximité des troupes signifie la réduction du temps d’action fait qui, selon la logique militaire, augmente le risque d’une confrontation. Quand les forces de l’OTAN reçoivent l’ordre d’approcher le Kosovo (22 et 23 janvier 1999), ce déploiement est considéré comme un signe de la détermination politique de la coalition internationale d’intervenir en Yougoslavie, et également de l’état de combat des militaires. Un repositionnement des troupes constitue toujours une menace pour la partie adverse, car la tactique est également une forme d’intelligibilité de l’espace : la rue, le village, la forêt, les hauteurs devinent successivement des endroits sûrs ou à risque, des emplacements d’observation, de combat ou de secours. De même, le déplacement dans l’espace change de statut : il n’est pas un simple déplacement, il est une prise de position. Au lieu d’entrer dans un village, les soldats « pénètrent ». Ils « se déploient » dans l’espace et se « retirent » le moment venu. Tout mouvement dans l’espace est également soumis aux lois de la tactique militaire.

Dans ses représentations médiatiques, la violence guerrière a une consistance spatiale  : le 7 janvier 1999 Le Monde annonce que les violences « ont atteint la capitale Pristina ». A partir de ce moment, la ville est devenue le théâtre des opérations et le calme est signalé comme état d’exception. De même, la présence des troupes transforme l’espace en territoire de guerre. Si « les Serbes déploient au Kosovo de nouvelles troupes régulières » (7 janvier 1991) cela signifie que la violence et la guerre s’installent dans la zone respective.

La violence est également représentée par ses empreintes dans l’espace de guerre. Les opérations sont le plus souvent entendues car le théâtre des opérations est caché pour les journalistes ou les autres témoins. La ligne de front qui, en termes d’opérations est équivalente à la ligne de confrontation militaire entre les deux parties en guerre, est généralement invisible aux observateurs. Un espace de sécurité sépare les combats des témoins extérieurs ce qui fait que les représentations des combats soient dans leur grande majorité de représentations des indices des confrontations : sons, lumières, blessés, morts. Malgré l’impression générale concernant les récits journalistiques de guerre, il est très rare que les témoins soient présents directement aux combats et qu’ils les relatent en direct.

  • Guerre et contrôle de l’espace

L’enjeu de la guerre reste le pouvoir sur un espace. Le déploiement des forces militaires  représente une forme de puissance par le contrôle de l’espace. On enregistre aussi le cas des « infiltrations » - pénétration des soldats dans l’espace ennemi pour des missions de renseignement – qui représentent des formes de contestation de contrôle territorial, et donc de puissance, de la partie adverse.

Egalement, les différentes formes decontrôle du territoire représentent des formes d’expression de la souveraineté nationale, notamment par la décision d’expulsion. Les autorités yougoslaves décident en 1999 d’interdire l’accès sur leur territoire à plusieurs représentants politiques – comme par exemple William Walker, le chef des observateurs de l’OSCE au Kosovo – ou à une série de journalistes occidentaux. Actions symboliques plus que toute autre chose, ces décisions des autorités yougoslaves mettent en scène le pouvoir de contrôle sur l’espace national. Dans ces moments où les frontières nationales sont mises en question, des gestes d’expulsion des personnes ont un rôle de mobilisation des troupes et des civils autour de la personnalité politique forte du moment, Slobodan Milosevic. Dans un tout autre registre, le nettoyage ethnique est une prise de contrôle violente de l’espace accompagné d’une forme de confusion entre identité et territoire.

Beaucoup de frontières sont d'abord des fronts, c'est-à-dire des lignes de confrontation militaire entre des forces antagonistes, nations, ethnies, empires, qui cherchent à contrôler peuples et territoires. La reconnaissance internationale des républiques ex-yougoslaves implique la transformation des limites administratives en frontières d'Etat, changement rejeté par les minorités les plus radicales dans chaque nouvelle république. La stratégie militaire des parties est tributaire de l'objectif politique de reformulation des frontières selon des critères d'identité ethnique.

  • Espace et économie

De point de vue économique, l’espace peut être pensé sur deux dimensions : d’un côté le territoire national comme espace de politique économique et, de l’autre côté, le marché comme lieu de déroulement de la concurrence.

Si, dans le cas de la guerre militaire, l’espace est souvent pensé dans la confusion entre territoire et identité nationale, l’espace de la politique économique efface ce rapport.

La géographie économique définit l’espace national principalement en fonction de ressources naturelles – eau, terres arables, matières premières ou ressources touristiques. L’identité de la population économique n’est pas une identité nationale, mais elle se base sur des notions comme la main d’œuvre, les consommateurs ou la localisation du savoir.

Pour l’économie, l’espace est un espace utile et fonctionnel qui va prendre également en compte les voies de transport dont la finalité est la rentabilité des implantations des entreprises.

Ainsi, nous parlons souvent, et surtout dans une économie mondialisée, de l’organisation spatiale, de la dynamique spatiale économique et des processus d’interaction économique. Pour la géographie économique, la question centrale des rapports entre économie et l’espace est l’identification des facteurs physiques et humains qui influencent la distribution de production, de répartition et de consommation.

Pour délimiter un espace économique national, la frontière prend la forme de la douane qui assure des missions à vocation fiscale et économique. Du point de vue économique, la Douane française « veille au respect de pratiques commerciales loyales pour la défense des entreprises » 263 , en assurant le respect des accords commerciaux conclus dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ou de l’Union européenne. De même, la Douane française « met en œuvre des clauses de sauvegarde en cas de crise grave dans un secteur » 264 .

Le concept de frontière économique constitue également le point de départ pour la définition du commerce international . L’échange de biens et de services entre nations est le franchissement d’une frontière lors du déplacement d’un bien. Comme nous l’avons déjà vu, dans la compétition économique entre états, la théorie classique du commerce international 265 met en évidence les sources de « victoire » : la spécialisation des pays et l’échange sont à l’origine d’un gain net.

Les économistes pensent également le progrès en termes d’espace économique : il est généralement mesuré par l’accroissement des ressources disponibles par habitant. Dans les années 40, l’économiste britannique Colin Clark 266 développe la théorie en montrant que le progrès économique implique une modification dans la structure d’emploi de la population active.

Dans un même temps, la signification de l’espace économique s’articule autour de la notion de marché . A l’origine le marché a une consistance spatiale, c’est le lieu de rencontre entre des producteurs ou commerçants et des consommateurs. L’Agora est à la fois lieu politique, religieux et économique. L’existence de ce point vital de la polis représente pour Aristote la démarcation entre le monde civilisé et les barbares – qui ne possèdent pas d’Agora. Le marché est le lieu de la rencontre, mais également de la concurrence. Le marché place l’économie dans l’espace public, en dehors donc de l’espace privé.

Pour les économistes, le marché est un lieu symbolique de confrontation entre une offre et une demande, confrontation qui aboutira à la détermination d’un prix. Il est également l’ensemble des règles qui permettent la réalisation d’opérations économiques. Si l’échange est un rapport contractuel basé en première instance sur des règles naturelles – concurrence, confiance –, cette relation contractuelle va être cependant soumise à la surveillance et la garantie d’un tiers : une société de Bourse, un arbitre, un Etat. Le problème que pose, donc l’existence du marché économique est la question de la réglementation et de l’autorité chargée d’assurer le contrôle.

  • La représentation médiatée de l’espace dans le cas de la guerre économique

Le paradigme de la guerre économique va déterminer une nouvelle représentation de l’espace, par le croisement des significations que celui-ci comporte dans le domaine économique et dans le domaine guerrier. Ainsi, penser l’économie en termes de conflictualité guerrière constitue une forme symbolique particulière d’affirmation nationale à partir d’une reconnaissance nouvelle de l’espace économique. Egalement, le paradigme de la guerre économique articule la notion de contrôle de l’espace et l’idée de flux et de circulation selon une logique de l’efficacité dans une compétition interétatique, ainsi que selon les règles de la stratégie économique qui constituent des formes spécifiques d’intelligibilité de l’espace. Finalement, la guerre économique introduit dans l’espace – définit comme le marché, lieu de la confrontation concurrentielle – des formes de violence économique.

  • L’espace national de la guerre économique

A la différence de la violence économique, la représentation des faits économiques dans le discours des médias comme des scènes de guerre économique implique la définition des camps selon des critères de nationalité. Comme nous l’avons déjà vu (cf. supra p. 237) les entreprises, en tant qu’acteurs de la guerre économique sont qualifiées en termes d’appartenance nationale. Dès le premier jour de couverture médiatique du « combat » entre Mittal Steel et Arcelor, les journalistes accordent un soin particulier à cette question : Arcelor est « le groupe franco-hispano-luxembourgeois » tandis que Mittal est « le groupe indien ». Nous avons également vu que cette approche est cependant tributaire de la difficulté actuelle d’établir la nationalité d’une entreprise agissant sur le marché mondial, ainsi que du problème de l’entreprise européenne. D’ailleurs, Arcelor est généralement nommé dans notre corpus « le groupe européen ». Quant à la « nationalité » de Mittal, les choix est encore plus compliqué compte tenu du fait que le patron est britannique d’origine indienne et son groupe possède plusieurs sièges dans le monde. Malgré tout cela, Jean-Luc Racine 267 affirme dans une interview publiée le 21 février 2006 que « Mittal est emblématique de l’offensive que mènent les entreprises indiennes ». Le paradigme de la guerre transfère dans le domaine économique le besoin de définition nationale des acteurs.

Ce sont finalement les actions des états, dans une logique de politique économique qui prévoit la « défense » des entreprises nationales, qui vont apporter dans leur discours médiaté plus de précisions sur les appartenances des entreprises. Si « Bruxelles n’est pas hostile a priori à l’OPA de Mittal Steel » (1er février 2006), « La France et le Luxembourg tentent de contrer l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor », écrit Le Monde (3 février 2006). Comme nous l’avons vu précédemment, en parlant de patriotisme économique, il s’agit d’organiser des mesures de « défense économique » dans un contexte défini comme étant le théâtre d’une guerre économique. Ainsi, en définissant les actions à mener, le discours politique définit en même temps un espace en termes d’économie. Car, en fin de compte, il s’agit de défendre « par tous les moyens » le territoire économique national.

L’obligation de loyauté existant pendant la guerre entre une nation et son armée est reproduite dans le cas de la représentation des événements économiques selon le modèle de la guerre. Sur cette base, l’interprétation des faits construit la nature conflictuelle de représentation commune de l’espace - géoéconomie - dans laquelle les actions économiques des entreprises contribuent à la définition des relations politiques internationales.

Un groupe allemand déclare son soutien pour Mittal et Le Monde croit savoir que « pour Arcelor, il n’y a pas de doute, ThyssenKrupp a trahi » en s’empressant de conclure que « le soutien de ThyssenKrupp au groupe indien illustre les difficultés du couple franco-allemand » (4 février 2006).

De la même façon, le journal relate avec intérêt les agissements du président russe après le refus de la part d’Arcelor de la proposition de fusion du groupe Severstal, qui aurait « sauvé » Arcelor de l’attaque de Mittal. Ainsi, Le Monde reprend une déclaration de Vladimir Poutine – « tout le monde ne s’attendait pas à voir la Russie se refaire une nouvelle santé économique et rétablir aussi vite sa situation dans l’arène internationale » (29 juin 2006) – et annonce que le président même tenterait d’orchestrer une riposte : « Il aurait contacté le milliardaire russe Romain Abramovich pour qu’il apporte son concours financier » (29 juin 2006). Et l’affaire est en suite reliée à un niveau supérieur : « L’affaire survient dans un contexte de vives tensions avec l’Union européenne sur les questions énergétiques et à deux semaines du sommet du G8 de Saint-Pétersbourg ».

  • Le marché comme espace de violence économique

La violence de l’action du groupe Mittal est représentée dans un espace symbolique bien délimité : le marché mondial de la sidérurgie. « Le marché de l’acier est en pleine expansion » nous explique Le Monde dès le début du récit (28 janvier 2006). A l’intérieur de cet espace nous pouvons ainsi identifier des acteurs qui vont agir en fonction des caractéristiques de ce même espace. Il y a un leader, Mittal, qui fait tout pour conforter sa position. Il y avait également « le français Usinor », « le luxembourgeois Arbed » et « l’espagnol Aceralia » qui sont devenus en 2002, par fusion, le groupe Arcelor. Et il y aura, à la fin, un nouveau leader, encore plus important sur le marché, Arcelor-Mittal. « Cette fusion donnera naissance au géant mondial de l’acier, qui comptera avant restructurations 320 000 salariés et produira 116 millions de tonnes annuels, trois fois plus que n’importe lequel de ses concurrents ». (25 juin 2006).

La souveraineté, finalité territoriale de la guerre militaire, se transforme dans la guerre économique en une finalité d’hégémonie (leadership) sur un marché.

Le marché est également, sur le plan international, l’espace de la compétition dans lequel les acteurs économiques ont l’« obligation » de trouver une des meilleures places. Dans le contexte de bagarre entre Mittal et Arcelor, Le Monde commente une réunion Conseil européen et critique ce que le journal appelle un « sommet sans vraie ambition dans une Union en panne de compétitivité économique » (24 mars 2006). Quelques jours plutôt le journal parle également d’une « Europe sans stratégie » économique.

La définition de l’espace économique comme marché est également une mise en scène de la conflictualité entre le libre-échange et les actions de l’Etat. « OPA : que peut faire l’Etat face au marché ? » se demande Le Monde (8 février 2006).

De plus, la symbolique de la Bourse – comme lieu de régulation du marché – est accompagnée aujourd’hui par un rapport de dépendance établi entre les fluctuations des actions et succès des hommes politiques. Une action politique fait monter ou baisser le prix des actions boursières et la représentation médiatique de ce rapport peut être spectaculaire.

Notes
259.

Bougarel, Xavier – "Faillite occidentale dans les Balkans", Manières de voir, n° 49, janvier-février 2000, p. 24L

260.

Idem

261.

FOUCHER, Michel - Fronts et frontières, un tour du monde géopolitique, Paris, 1988, p. 24

262.

Interview accordée par Vaclav Havel, président de la république tchèque au quotidien Le Monde, le 2 mars 1999

263.

Selon le site Internet : www.douane.gouv.fr

264.

Idem

265.

Le commerce international devient objet d’études scientifiques à partir du XVIIIe siècle, en s’opposant à la doctrine mercantiliste alors en vigueur, qui voyait là un jeu à somme nulle. Amorcée par Adam Smith, cette nouvelle analyse du commerce international sera approfondie par David Ricardo, puis, au XXe siècle, par Eli Heckscher, Bertil Ohlin et Paul Samuelson

266.

Dans son ouvrage The Conditions of Economic progress (Les conditions du progrès économique), 1947.

267.

Jean-Luc Racine est directeur de recherche au CNRS et dirige le Centre d’Etudes de l’Inde et de l’Asie du Sud de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales