TITRE I. Le pouvoir local dans la loi : un pouvoir non-originaire présumé naturel

Selon MM. BOURDON, PONTIER et RICCI, « quatre conditions doivent être réunies pour que l’on puisse parler de collectivité territoriale : la personnalité juridique, des affaires locales, une véritable autonomie, un pouvoir de décision » 196 . De leur côté, MM. AUBY et NOGUELLOU distinguent trois éléments essentiels de définition : le territoire, l’autonomie locale et la personnalité juridique 197 . Ces deux présentations liminaires renvoient aux éléments caractéristiques des collectivités territoriales : une population organisée sur un territoire et jouissant d’une certaine autonomie de pouvoir. La mention des affaires locales correspond alors à la détermination matérielle du champ d’action de ces structures. L’analyse du champ du pouvoir local n’est toutefois envisageable que dans un second temps car la question de l’origine du pouvoir mis en jeu dans les collectivités territoriales infraétatiques se pose tout d’abord. Aussi, faut-il, afin de proposer une réponse à cette interrogation, s’intéresser aux deux autres éléments de définition des collectivités territoriales.

La personnalité juridique correspond à la consécration juridique de la notion de population locale 198 . Cela signifie qu’en amont du processus de personnalisation, il existe un groupe de personnes, territorialement circonscrites, dont les intérêts communs sont suffisamment réels pour que le droit en tienne compte. La population locale fait ainsi figure de groupement naturel, réel ; la population communale est d’ailleurs historiquement antérieure à l’État. Association originaire, la commune se distingue d’ailleurs légèrement, sur ce point, des deux autres collectivités territoriales ; le primat de la population n’est cependant pas démenti dans le cadre des collectivités intermédiaires, il répond simplement à une dynamique a posteriori. Les populations locales sont ainsi prises en compte par le législateur, qui consacre leur existence. Ce phénomène trouve ses racines dans la reconnaissance de la prévalence du critère démographique sur le critère territorial sous la Révolution française. C’est à cette période également que se développe la pratique élective comme mode de désignation des organes locaux. L’élection apparaît ainsi comme une garantie de l’expression autonome du pouvoir de la population locale. Ces deux éléments servent de fondements à la présomption, acceptée par le législateur et une partie de la doctrine, du caractère naturel du pouvoir local (Chapitre I.).

Cette présomption de naturalité du pouvoir local ne se traduit toutefois pas par la consécration de son caractère originaire. Les populations locales ne définissent pas, en effet, les modalités de désignation de leurs organes ; c’est le législateur qui est seul compétent pour cela. L’élection locale, prise dans le cercle restreint de la collectivité, ne peut dès lors pas être analysée comme participant à l’exercice d’un pouvoir originaire. La population locale n’est de plus jamais reconnue en droit positif comme la titulaire d’un pouvoir dont elle serait l’origine. Seule la population nationale génère un pouvoir originaire dans l’État. Le législateur traduit néanmoins de jure la présomption de naturalité, en ce qu’il reconnaît la possibilité aux populations locales de défendre leur existence, à travers l’organisation de référendums. Les habitants de la collectivité constituent donc un groupement dont on présume le caractère naturel, sans que cela signifie une quelconque originarité du pouvoir qu’ils génèrent (Chapitre II.).

Chapitre I. La population et les élections locales, éléments de la présomption de naturalité du pouvoir local

Chapitre II. La présomption de naturalité ne signifie pas de jure la territorialisation de l’origine du pouvoir local

Notes
196.

BOURDON (J.), PONTIER (J.-M.), RICCI (J.-C.), Droit des collectivités territoriales, Paris, P.U.F., « Thémis Droit public », 1998, 2e éd. (1ère éd. 1987), p. 49.

197.

Ils consacrent à chacun de ces éléments un chapitre de la première partie de leur manuel consacrée au « statut de la collectivité territoriale ». V. AUBY (J.-B.), AUBY (J.-F.), NOGUELLOU (R.), Droit des collectivités locales, Paris, P.U.F., « Thémis Droit public », 2004, 3e éd. (1ère éd. 1990), pp. 37-98.

198.

Constater la personnalité morale consiste, selon Marcel WALINE, à « constater qu’un certain nombre de personnes physiques se sont reconnues des intérêts communs, que ces intérêts d’autre part leur sont propres, les distinguant du reste des hommes. Et c’est constater qu’en ce qui concerne leurs relations juridiques avec les tiers, il est commode de considérer tous les membres comme formant un groupe indivisible », cité in BOURDON (J.), PONTIER (J.-M.), RICCI (J.-C.), Droit des collectivités territoriales, op. cit., p. 50.