Chapitre I. La population et les élections locales, éléments de la présomption de naturalité du pouvoir local

La population locale est le soubassement ontologique des collectivités territoriales. Ces dernières sont en effet l’incarnation juridique de leur population et canalisent le pouvoir généré par les habitants ainsi organisés. Les populations locales ont très tôt revendiqué le droit de désigner les personnes chargées d’assurer la gestion de leurs affaires propres. Ces deux éléments apparaissent dans la définition du pouvoir municipal dès la Révolution française. Ils s’inscrivent ainsi très tôt comme deux corollaires. Cette complémentarité est confortée au XIXe siècle quand l’élection des organes locaux devient une revendication visant à garantir l’autonomie (entendue dans un sens libéral) des populations locales, puis au XXe siècle. Le législateur étend ainsi progressivement entre 1789 et 1982 l’origine élective à l’ensemble des organes délibérants locaux. Ce faisant, il confirme que la population est l’élément prévalent de la définition de la notion de collectivité territoriale, consacrant de jure l’origine naturelle de ces structures (Section I.).

Parallèlement au travail législatif, plusieurs courants de la doctrine publiciste ont également développé une approche de la décentralisation et des collectivités territoriales construite à partir de la population et de l’élection des organes locaux. Ces travaux se rattachent principalement à deux écoles : d’un côté, le courant corporatif dont les principaux tenants sont Léon MICHOUD et Louis CONSTANS et, de l’autre, le courant institutionnel incarné par Maurice HAURIOU. Ces analyses proposent une systématisation juridique des données sociologiques qu’elles constatent. Leur but est alors identique : démontrer que le caractère naturel de ces corporations/institutions imposent leur existence à l’État. Cette double tentative d’assimilation de l’originarité sociologique à son équivalent juridique n’emporte toutefois pas complètement la conviction. L’originarité d’une structure ne signifie pas ipso facto sa naturalité de jure (Section II.).