Section II. Les population et élection locales, insuffisantes bases doctrinales pour défendre le caractère naturel du pouvoir local face à l’État

L’analyse historique de l’émergence et de la pérennisation des structures territoriales a mis en avant le critère démographique ; la reconnaissance du pouvoir local se fonde ainsi sur l’acceptation (plus ou moins marquée) par le pouvoir central étatique des particularités territoriales et sur l’admission d’un pouvoir de définition et de gestion de ces spécificités locales par les populations territoriales. S’appuyant sur ces prémices, deux courants doctrinaux ont développé et théorisé des approches, se basant sur le substratum sociologique local pour démontrer le caractère naturel des structures territoriales et du pouvoir qu’elles mettent en œuvre. Bien que sociologisantes, elles permettent de mettre en lumière les implications juridiques pratiques de l’admission d’un pouvoir naturel des collectivités territoriales. Élaborées au début du XXe siècle, leurs conclusions n’en sont pas moins éclairantes et conservent une acuité étonnante.

Les tenants de l’approche corporative insistent sur la place de la population dans la structure locale. Selon qu’elle est origine et fin de l’action de la structure ou simplement fin, l’organisation sera considérée comme corporative ou comme un établissement de type fondatif. Dans les deux hypothèses, il s’agit de données naturelles que le droit vient consacrer. Ces auteurs s’attachent ainsi, particulièrement, à révéler le caractère naturel des structures locales, duquel ils tirent quelques conséquences sur la nature du pouvoir qu’elles mettent en jeu, notamment concernant le pouvoir normatif et fiscal ; les prérogatives de ces corporations paraissent alors s’imposer à l’État. Fondée sur la réalité sociale de la population, ce courant développe ainsi une conception immanente du pouvoir local (Paragraphe 1.).

L’analyse institutionnelle repose sur un postulat identique à celui du courant précédent : elle considère les communautés locales comme des groupements naturels, antérieurs au droit et à l’État. Plutôt que de centrer son analyse principalement sur la population, elle la replace toutefois dans le temps et dans l’espace. Ce faisant, elle insiste davantage sur le pouvoir mis en jeu ; celui-ci apparaît alors comme une donnée naturelle générée par l’institution et que l’État doit prendre en considération. Développant une définition reposant sur les buts poursuivis par l’institution territoriale, ce courant adopte ainsi une conception transcendante du pouvoir local, dépassant la réalité sociologique constatée (Paragraphe 2.).