TITRE II. L’inscription constitutionnelle du pouvoir local : l’intégration des collectivités territoriales à l’expression du pouvoir originaire dans l’État

« Tout conspire à ce que la souveraineté nationale se localise »

HAURIOU (M.), Précis de droit constitutionnel, 2e éd., op. cit., p. 192.

La Constitution du 27 octobre 1946 marque une rupture dans l’histoire française, en procédant à l’inscription constitutionnelle des dispositions relatives aux collectivités territoriales. Soucieux de promouvoir la démocratie globale, le Constituant entend renforcer et protéger le pouvoir local ; il en adopte alors une conception libérale, qui sera reprise en 1958, pérennisant ainsi la notion constitutionnelle de libre administration des collectivités territoriales. Les fondements du pouvoir local passent alors de la loi à la Constitution, répondant, ce faisant, à un souci politique, dont il convient d’apprécier la véritable portée juridique.

La Constitution est un texte d’essence politique par lequel le souverain transmet son pouvoir et l’organise. Il faut donc envisager la place nouvelle qu’acquièrent les collectivités territoriales, grâce à leur mention constitutionnelle. De ce point de vue, le Constituant n’a de cesse de répéter que les collectivités territoriales constituent des cadres politiques, au sens de cadres d’expression du pouvoir démocratique. La démocratie globale reposerait, de ce fait, sur deux dimensions complémentaires : la démocratie étatique, organisée horizontalement selon les principes (classiques) de la séparation des pouvoirs et la démocratie territoriale ou terrorialisée, reposant sur l’admission d’un libre pouvoir local. La constitutionnalisation des collectivités territoriales signifierait ainsi leur intégration à l’expression du pouvoir dans l’État. Si cette idée n’est pas nouvelle (on en trouve plusieurs variantes au cours du XIXe siècle), le niveau normatif à laquelle elle est traduite oblige à repenser l’agencement du pouvoir dans l’État. Le pouvoir originaire paraît ici se dédoubler, dotant la puissance territoriale d’une originarité immédiate (Chapitre I.).

Ce caractère est conforté par l’économie générale d’expression du pouvoir dans l’État. Il est en effet possible d’établir un lien entre la puissance territoriale et les souverainetés nationale et populaire 594 . La mise en œuvre de la liberté d’administration des collectivités territoriales repose ainsi sur l’élection des organes locaux par les populations concernées. L’agencement du système électif républicain invite à rapprocher ces scrutins des élections nationales ; la logique unitaire à l’œuvre fait ainsi des élections locales des scrutins politiques, conférant à la démocratie son caractère plein. La souveraineté populaire repose alors tant sur l’expression du peuple au niveau étatique qu’au niveau territorial. Ce constat est renforcé par le lien exprès qu’établit la Constitution entre collectivités territoriales et Sénat, garantissant, ce faisant, la liaison entre puissance territoriale et souveraineté nationale. Le pouvoir local constitutionnalisé est ainsi lié aux deux modalités d’expression du pouvoir politique originaire dans l’État, confirmant, de façon réflexive, l’originarité de la puissance territoriale (Chapitre II.).

Chapitre I. L’intégration des collectivités territoriales à l’expression du pouvoir dans l’État : l’originarité immédiate du pouvoir territorial

Chapitre II. Les modalités constitutionnelles d’expression territoriale du pouvoir : l’originarité réflexive du pouvoir des collectivités territoriales

Notes
594.

Bien que les origines de cette distinction, ainsi que son effectivité pratique, puissent être remises en cause, elle conserve un intérêt heuristique certain en ce qu’elle permet de distinguer la dimension démocratique, fondée directement sur le citoyen, de la dimension représentative, qui met en avant le fonctionnement du système politique.