Section II. L’intégration explicite des collectivités territoriales à l’expression du pouvoir souverain dans l’État : la consécration de la puissance territoriale

Bien qu’implicitement rattachées à l’expression du pouvoir politique originaire dans l’État à différentes reprises et malgré la présomption de naturalité dont jouissent les communes, les collectivités territoriales sont conçues comme des structures administratives aux XIXe et XXe siècles. La loi du 28 pluviôse An VIII marque en effet leur intégration dans la « Constitution administrative de l’État », sans que l’évolution ultérieure remette ce point en cause 711 . Même si les différents textes constitutionnels mentionnent les structures territoriales, il ne s’agit pas alors de les faire participer à l’expression du pouvoir originaire, mais d’organiser la centralisation de l’État. Ces différents textes ne retiendront donc pas notre attention 712 . La rédaction de la future Constitution de 1946 dans l’immédiat après-guerre modifie, en revanche, la donne en consacrant une partie de ses dispositions à l’expression territoriale du pouvoir. Cette constitutionnalisation est un changement important dans l’agencement de l’expression du pouvoir dans l’État, en ce que, pour la première fois, sa dimension verticale est prise en compte dans la Loi fondamentale.

La Constitution organisant les modalités d’expression du pouvoir dans l’État, il apparaît logique d’étudier l’effet de l’inscription des collectivités territoriales dans la Loi fondamentale sur l’expression de ce pouvoir. Leur constitutionnalisation relève en fait d’une conception holiste du pouvoir, dans laquelle le pouvoir local devient une expression territoriale du pouvoir dans l’État, acquérant à cette occasion un caractère originaire (Paragraphe 1.).

L’organisation verticale du pouvoir réalisée en 1946 est conservée en 1958 lors du passage de la IVe à la Ve République. La Constitution du 4 octobre 1958 reprend en effet l’agencement du pouvoir dans l’État tel qu’il a été conçu par le Constituant de 1946. Cela semble donc induire que les collectivités territoriales participent toujours, sous la Ve République, à l’expression du pouvoir politique originaire dans l’État. Ce point n’a pas été modifié par la constitutionnalisation de la notion de décentralisation en mars 2003. L’économie du pouvoir sous la Ve République s’articule bien entre la puissance d'État et la puissance territoriale (Paragraphe 2.).

Notes
711.

LANZA (A.), L’expression constitutionnelle de l’administration…, op. cit., p. 544.

712.

Pour une analyse de l’attitude du Constituant du XIXe siècle face au fait administratif, v. LANZA (A.), ibid., pp. 534-555.