Conclusion du chapitre I.

Établir un lien entre les collectivités territoriales et l’expression du pouvoir dans l’État n’est pas le propre du XXe siècle. La législation révolutionnaire fournit en effet un terreau propice à cette assimilation, même si l’on se rend compte qu’il s’agit d’un abus. L’identité des cadres politiques et administratifs, bien que déjà réelle, n’emporte cependant aucune conséquence de jure. L’érection, au XIXe siècle, des conseils généraux en palliatif d’une Assemblée nationale défaillante finit de marquer ce rapprochement : les collectivités territoriales apparaissent implicitement comme des cadres politiques. De son côté, la doctrine publiciste, par la voix avisée de Maurice HAURIOU, va dans ce sens en postulant le lien entre souveraineté et décentralisation ; cette dernière exprime alors la liberté politique de la Nation contre l’État. Les initiatives, tant du législateur que de la doctrine, restent cependant incomplètes, en ce qu’elles n’envisagent pas suffisamment la traduction normative concrète de la nouvelle organisation verticale qu’elles impliquent.

Ce n’est ainsi qu’avec l’inscription constitutionnelle expresse des collectivités territoriales que la question prend toute son ampleur. Conçues comme des cadres démocratiques, intégrées au « corps politique de l’État », les collectivités territoriales sont insérées dans l’expression du pouvoir dans l’État. Plusieurs éléments permettent d’aller en ce sens : la conception holiste adoptée par le Constituant de 1945-1946 (et reprise en 1958) laisse voir les collectivités territoriales comme un tout, qui est constitutionnalisé comme tel. Il s’agit donc d’organiser l’expression territoriale du pouvoir souverain, afin de compléter l’agencement traditionnel du pouvoir. Le pouvoir local devient ainsi une modalité constitutionnelle d’expression du pouvoir dans l’État ; il acquiert de ce fait un caractère originaire. L’agencement ainsi mis en évidence dans le texte de 1946 n’est pas infirmé dans la Constitution du 4 octobre 1958. Au contraire, sous ce régime, le pouvoir dans l’État s’exprime également de manière duale, au niveau étatique et au niveau territorial. La constitutionnalisation du caractère décentralisé de l’organisation de la République n’infirme en rien ce point.

Organisé directement par le souverain, la puissance territoriale est donc bien un pouvoir originaire de type politique ; les collectivités territoriales, « Quatrième organe » politique constituent quant à elles les cadres territoriaux de la démocratie globale.