Chapitre II. Les canaux constitutionnels d’expression territoriale du pouvoir : l’originarité réflexive du pouvoir des collectivités territoriales

Après avoir vu que la puissance territoriale prenait directement sa source dans la volonté du souverain, il faut à présent déterminer les modalités selon lesquelles elle participe à l’expression du pouvoir dans l’État. Cela devrait alors aboutir à la mise en évidence de l’unification du champ de la démocratie politique à travers le développement des normes de valeur constitutionnelle (Constitution et jurisprudence du Conseil constitutionnel). C’est en effet l’enracinement de la démocratie globale dans ces dernières qui donne toute sa cohérence au mécanisme de reproduction de la démocratie étatique au niveau territorial.

Le pouvoir dans l’État trouve son fondement dans l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui paraît réaliser une synthèse des deux grandes doctrines de la souveraineté. Plus que la traduction juridique concrète de cette disposition (dont l’application tend à gommer les différences et à en faire une clause, essentiellement politique, garantissant le caractère démocratique du régime), ces deux théories apparaissent dans le discours du Constituant, puis dans la jurisprudence du juge constitutionnel, pour justifier le rattachement des collectivités territoriales à l’expression du pouvoir politique dans l’État. Elles ont donc une fonction rhétorique et explicatrice réelle de l’articulation générale des différents échelons d’expression du pouvoir. C’est pourquoi nous les utiliserons comme prismes d’analyse pour envisager les rapports entre les collectivités territoriales et l’État dans l’agencement du pouvoir originaire politique, et ce, malgré les tempéraments qui ont pu être apportés 843 .

La puissance territoriale repose sur l’élection ; le Constituant en 1945-1946, puis en 1958, insiste beaucoup sur l’importance de l’origine élective des organes locaux. Il établit ainsi un lien explicite entre le pouvoir local et l’expression de la volonté du peuple. Celle-ci ne sera désormais complète que si les citoyens peuvent s’exprimer à tous les niveaux territoriaux de la démocratie politique. L’origine élective, source de légitimité du pouvoir démocratique, confère par ailleurs une identique essence à l’ensemble des cadres politiques. La Constitution organise ainsi l’unité du système politique républicain, à travers le rattachement des différents cadres territoriaux à l’expression de la souveraineté populaire (Section I.).

La Constitution prévoit également le rattachement des collectivités territoriales à la souveraineté nationale, puisque le Sénat assure, selon l’article 24 de la Constitution, la représentation de ces structures. Le juge constitutionnel a interprété cette disposition comme liant les collectivités territoriales à la souveraineté nationale, à travers l’unité du processus électif républicain. Elles se trouvent, ce faisant, à nouveau associées à l’expression du pouvoir originaire dans l’État (Section II.).

Notes
843.

Sur ce point, v. supra, Partie I, Titre I, Chapitre II, Section II, Paragraphe 1, A.