Paragraphe 1. L’association des élections locales à l’expression de la souveraineté nationale : l’unicité du pouvoir dans l’État

L’assise territoriale du Sénat, résultat du compromis originel entre républicains et monarchistes au début de la IIIe République 958 , est ambiguë ; elle paraît en effet fonder une représentation des structures territoriales dans un système construit sur la représentation de la population et exprimant la souveraineté de la Nation. Une étude des mécanismes à l’œuvre révèle néanmoins que cette assise territoriale n’est qu’un aménagement de la représentation de la Chambre haute, afin de lui garantir une certaine spécificité. Le Sénat représente en fait la population nationale, et participe bien de ce fait à l’expression de sa souveraineté (A.).

La spécificité du Sénat repose sur le fait que son corps électoral est une émanation directe des organes délibérants locaux. Ce lien entre la Chambre haute et les collectivités territoriales aboutit à ce que celles-ci participent à l’expression de la souveraineté nationale, confirmant leur caractère de cadre de la démocratie politique (B.).

Notes
958.

Le Sénat en tant que chambre territoriale est proposé par PRÉVOST-PARADOL dans son ouvrage La France nouvelle publié en 1868. Celui-ci décrit « un système fondé sur une représentation à caractère territorial : l’élection par les conseils généraux réunis dans le cadre de la région, pour former un conseil régional. L’auteur induit de la composition de ces conseils généraux le caractère conservateur du Sénat à instituer, qui serait renouvelé tous les dix ans ». PRÉVOST-PARADOL complète la composition de cette chambre par des titulaires de fonctions élevées dans la magistrature et l’armée, « mais en nombre réduit par rapport aux sénateurs élus ». L’assise territoriale du Sénat s’affirme à partir de 1871 ; elle permet alors le ralliement des républicains en ce qu’elle leur semble, seule, être compatible avec l’environnement démocratique. Sur ce point (et pour la citation), DUPRAT (J.-P.), « Représentation territoriale et modération politique : le Sénat français », Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 6, n° 1, 1999, pp. 85-90.