Chapitre I. La vocation générale des collectivités territoriales, composante libérale du pouvoir local

La décentralisation repose sur le principe selon lequel les populations locales gèrent les affaires de leur intérêt. Selon cette conception, les affaires locales reposent donc sur la notion d’intérêt local. Les Révolutionnaires partirent d’ailleurs de ce constat pour bâtir la théorie du pouvoir municipal et le couple affaires propres/affaires déléguées 1032 . Cette distinction connaît une postérité incontestable, car, si l’on excepte la parenthèse napoléonienne, elle ne sera jamais remise en cause. Tant le législateur que la doctrine acceptent ainsi l’idée d’un ensemble de compétences propres aux collectivités territoriales, construit à partir de prémices naturelles de type sociologique ; ils leur reconnaissent également le droit de les définir et gérer librement. Il faut cependant constater que toutes les tentatives, aussi bien législatives que doctrinales, cherchant à trouver un moyen sûr de définir a priori ces affaires échouèrent. Aussi, fortes de cette impossibilité l’intérêt local étant par nature une notion téléologique 1033 , les collectivités territoriales bénéficient-elles d’une vocation générale. Celle-ci consiste donc dans la capacité qui leur est reconnue de déterminer les affaires de leur intérêt et repose sur des éléments sociologiques et réels. Leur vocation générale est ainsi l’origine naturelle de leur capacité d’agir (Section I.).

Si le législateur a toujours admis l’existence de compétences naturelles des collectivités territoriales, son intervention est nécessaire pour leur reconnaître cette faculté ainsi que pour l’organiser. Admettre une « aptitude de chaque collectivité à gérer ses propres affaires n’implique [en effet] aucun choix quant au contenu de ces affaires et quant au mode de détermination de ces affaires » 1034 . Deux modalités de répartition des compétences sont principalement utilisées en France : l’attribution légale et la clause générale. Si le choix d’un mode plutôt qu’un autre répond à une certaine conception de la décentralisation et de la liberté locale, la compétence du législateur pour déterminer, seul, les modalités de cette répartition témoignent du caractère dérivé du pouvoir local. L’importance (et la prévalence) accordée à la clause de compétence générale par le législateur français renvoie à une conception libérale du pouvoir local, en ce que ce procédé permet aux collectivités de déterminer, puis de gérer librement leurs affaires (Section II.).

Notes
1032.

Ainsi que le relève Albert LANZA, in L’expression constitutionnelle de l’administration…, op. cit., p. 471.

1033.

Ce point ressort nettement de la deuxième partie de la thèse de Marie-Christine ROUAULT, consacrée à « l’intérêt communal, critère de compétences ». V. ROUAULT (M.-C.), L’intérêt communal, op. cit., principalement pp. 257 et suivantes et pp. 331 et suivantes.

1034.

BOURDON (J.), PONTIER (J.-M.), RICCI (J.-C.), Droit des collectivités territoriales, op. cit., p. 53.