Section II. La participation de la population locale à la libre administration des collectivités territoriales : l’érection de la « Puissance populaire » renforce l’originarité de la puissance territoriale

L’expression de la puissance territoriale a longtemps été conçue de façon exclusivement représentative. Les élus locaux, bien aidés en cela par l’État, veillaient à ce que la population n’interviennent que s’ils la sollicitaient et jamais par la voie élective 1462 . Cette conception restrictive de la démocratie s’est avérée insuffisante pour garantir à la fois l’intérêt et la participation de la population locale et constituer une réponse à la désaffection du corps électoral pour ses représentants parlementaires. Un ensemble de techniques consultatives a donc progressivement été mis en œuvre, visant à promouvoir la participation de la population 1463 . Elles passent alors progressivement de modalités informelles de consultation à la forme élective, ce qui rend compte du processus d’institutionnalisation de ce pan de la démocratie territoriale et de son développement sur le modèle de la démocratie globale. Conformément au niveau étatique, la « Puissance populaire » 1464 s’affirme progressivement comme un véritable organe, potentiel décideur, ce qui n’est pas sans soulever la question d’une possible territorialisation de la souveraineté 1465 .

L’organisation de la participation populaire par les organes locaux se divise en deux périodes : dans un premier temps, le pouvoir central interdit aux collectivités territoriales de recourir à la voie élective, mais autorise les consultations informelles, affirmant le caractère exclusivement représentatif du « Pouvoir » local (Paragraphe 1.).

La législation récente se montre plus ouverte et reconnaît progressivement la possibilité à la collectivité de faire intervenir le citoyen, à travers la consultation et/ou le référendum : la population passe du statut de consultant à celui de décideur, confirmant l’identité des canaux d’expression du pouvoir démocratique à ses différentes échelons territoriaux (Paragraphe 2.).

Notes
1462.

La population est ainsi la grande absente des dix premières années de mise en œuvre d’une décentralisation, qui consiste, selon les mots de Gaston DEFFERRE, à « donner le pouvoir aux élus ». V. OHNET (J.-M.), Histoire de la décentralisation française, Paris, Le livre de poche, « Références », 1996, chap. 8, p. 228 pour la citation. Dans le même sens, Pierre SADRAN constate que « la décentralisation a d’abord été, c’est l’évidence même […], une réforme "pour les élites" (Yves MÉNY), c’est-à-dire pour les élus », in « Démocratie locale et décentralisation », Études offertes à Jean-Marie AUBY, Paris, Dalloz, 1992, p. 290. Nous soulignons.

1463.

CARRÉ DE MALBERG insistait déjà en 1931 sur l’apport de la prise de décision directement par la population, comme complément de l’idée de représentation : « seul, le référendum apparaît comme un complément suffisant de l’idée de représentation, parce que seul il donne satisfaction au concept sur lequel repose le régime représentatif, à savoir que, par les élus, c’est le sentiment du corps populaire qui se manifeste : ce concept appelle, en effet, comme conséquence forcée, la reconnaissance du droit pour les citoyens de manifester un sentiment contraire à celui qui, sur un point déterminé, a été manifesté en leur nom par les représentants », CARRÉ DE MALBERG (R.), « Considérations théoriques sur la question… », op. cit., pp. 233-234.

1464.

Selon l’expression forgée par Raymond CARRÉ DE MALBERG, ibid., p. 239.

1465.

Conformément à l’intuition formulée par Maurice HAURIOU (Principes de droit public…, 2e éd., op. cit., pp. 192-ss), à laquelle elle propose une nouvelle version.