Paragraphe 2. La protection autonome de la puissance territoriale par les juridictions constitutionnelle et administrative : entre incomplétude et déséquilibres de l’État constitutionnel

Dans le cadre constitué, la puissance d’État s’exprime à travers deux types de normes : la loi et le règlement, chacune étant justiciable devant un ordre de juridiction particulier. Aussi, la protection de la puissance territoriale passe-t-elle par le recours aux juges constitutionnel et administratif 1727 . Bien qu’articulées différemment par rapport à la puissance territoriale, les jurisprudences administrative et constitutionnelle présentent de nombreuses similarités : elles entendent toutes les deux la libre administration des collectivités territoriales de façon restrictive. Il existe toutefois des différences assez substantielles : le juge constitutionnel ne peut ainsi pas être saisi directement par les collectivités territoriales. Aussi, même s’il encadre le travail du législateur et protège la libre administration des collectivités territoriales, celles-ci ne peuvent-elles pas l’actionner unilatéralement. La constitutionnalisation de la puissance territoriale présente donc une faiblesse importante, qui limite sensiblement la protection assurée par le juge constitutionnel (A.).

De son côté, le juge administratif peut être directement saisi par les collectivités territoriales, lorsqu’elles entendent défendre leur liberté d’administration. Bien que les nouveaux outils développés dans le cadre du contentieux administratif, tels que les procédures de référé, constituent de éléments favorables à la protection de la puissance territoriale, la jurisprudence administrative s’avère inégalement protectrice de la liberté locale. Le juge du Palais-Royal privilégie bien souvent le point de vue de l’État, adoptant une conception fonctionnelle des collectivités territoriales. Sa position est cependant plus nuancée quand il s’agit d’un conflit opposant deux structures territoriales : la Haute juridiction administrative sait alors tirer toutes les conséquences de la valeur constitutionnelle du principe de libre administration. La protection des collectivités territoriales par la Haute juridiction administrative, marquée par un fort tropisme administratif, est donc plutôt inégale et compense mal les déséquilibres de l’organisation verticale du pouvoir (B.).

Notes
1727.

Sur ce point, v. FAURE (B.), « Le rôle du juge constitutionnel dans l’élaboration... », op. cit., pp. 117-118.