Conclusion du Titre II.

La libre administration des collectivités territoriales correspond à la constitutionnalisation d’une liberté locale, conformément à la logique libérale sous-jacente à l’idée décentralisatrice. Elle s’inscrit en cela dans la lignée de la conception légale, adoptée à partir de la Révolution française. Une différence apparaît toutefois : la libre administration des collectivités territoriales, liberté constitutionnalisée, est alors protégée face à la puissance d’État. Ceci constitue alors une garantie pour les collectivités territoriales, puisqu’elle leur assure une réserve de puissance qui ne peut être annihilée. La rupture est donc nette par rapport à la définition légale.

Cette protection se résume toutefois davantage à une conception défensive qu’à une logique positive (qui reviendrait à affirmer le contenu de la liberté contre les autres pouvoirs). L’équilibre interne de la notion de libre administration des collectivités territoriales renvoie ainsi plus à une liberté politique qu’à une capacité de faire. Le fondement originaire du pouvoir local n’a donc pas de conséquence concrète. La dualité d’expression du pouvoir dans l’État n’implique pas en effet l’acceptation de manières de faire véritablement différenciées, ainsi que le confirment les jurisprudences constitutionnelle et administrative. La puissance territoriale reconnue ne se transforme ainsi guère en actes, conformément à la conception organique de l’autonomie locale prédominante dans la doctrine française depuis le XIXe siècle. La révision constitutionnelle de mars 2003 marque cependant un premier pas en direction d’une définition constitutionnelle expresse des éléments composant la liberté locale, mais tout cela demeure à l’état embryonnaire.

La protection juridictionnelle de la puissance territoriale est, quant à elle, également défaillante. Les collectivités territoriales ne peuvent pas saisir le Conseil constitutionnel, laissant leurs prérogatives sans défense contre le législateur. De son côté, le Conseil d’État est très compréhensif à l’égard des impératifs de l’État, cantonnant la libre administration des collectivités territoriales à un rôle second, même contre des règles de valeur inférieure. Tout ceci confirme le caractère second de la puissance territoriale dans la mise en œuvre de l’action publique. La protection de la puissance territoriale reste ainsi essentiellement formelle et doit progresser afin de renforcer son effectivité.