Conclusion de la Partie II.

Selon une perspective téléologique, le pouvoir local peut être conçu comme une liberté de gérer les affaires de son intérêt grâce à l’élection, par la population, des organes de la collectivité. Il est ainsi admis, dès l’origine, en faveur des collectivités territoriales une faculté générale de se saisir des affaires d’intérêt local. Bien que concrétisée en droit dans la clause générale de compétence, cette capacité n’est qu’une tolérance du législateur, qu’il aménage comme bon lui semble, sans que les collectivités territoriales puissent s’y opposer. Pour preuve, il peut, concurremment à la clause générale de compétence, développer un ensemble de législations d’attribution, jusqu’à pratiquement la vider de son contenu. La vocation générale, bien que fondement de la liberté d’action des collectivités territoriales, reste ainsi trop fragile pour être source d’une véritable garantie d’autonomie.

La constitutionnalisation du principe de libre administration des collectivités territoriales limite alors la marge de manœuvre du législateur ; il ne peut plus annihiler l’autonomie locale, sous peine de porter atteinte à ce principe et d’être censuré par le juge constitutionnel ; ce qui semble être un gage en faveur des structures locales. Le contenu de la liberté d’administration n’est toutefois défini qu’a minima. Il s’agit davantage d’une liberté (organique) d’être que d’une capacité de faire. De ce point de vue, cette notion est marquée du sceau des conditions de sa naissance. La révision de mars 2003, bien qu’elle densifie la liberté d’administration des collectivités territoriales en en précisant certains éléments, ne modifie d’ailleurs pas l’impression générale : la réserve de puissance reconnue au profit des collectivités territoriales est in fine assez mince. D’autant plus que les collectivités territoriales ne peuvent demander ni l’application, ni le respect des dispositions constitutionnelles contre le législateur, faute de pouvoir saisir le juge constitutionnel. Seul le juge administratif peut être saisi, mais sa jurisprudence, hétérogène, n’est pas très favorable aux collectivités territoriales.

La mise en œuvre de la puissance territoriale laisse ainsi apparaître les lacunes de la constitutionnalisation de l’expression verticale du pouvoir dans l’État unitaire français. Plus tout à fait administrative, la mise en œuvre de la décentralisation constitutionnelle française n’en est pas encore pour autant complètement politique.