1.2.4. Typologie sémantique classique des noms composés

La typologie sémantique classique des noms composés a pour origine la grammaire indienne classique. Trois grands types de composés nominaux sont distingués dans l’étude du sanskrit (Renou 1996/1930, Shukla 2001 47 , Filliozat 2002), et cette division ternaire est souvent reprise en morphologie générale :

‘- les composés déterminatifs, ou tatpurusha (ex. : soccer mom, snail mail). Le terme tat.purusha signifie littéralement “ce.serviteur”, c’est-à-dire “le serviteur de cette personne” (Wälchli 2005:91) ; il marque donc métalinguistiquement la rela-tion de subordination établie entre les composants.’ ‘- les composés possessifs, ou bahuvrihi (ex. : sleepyhead, redcoat, bluejacket ; paperback, razorbill ; breakwater, makeweight, skinflint). Le terme bahu.vrihi est un exemple prototypique de la classe des composés possessifs en sanskrit ; il signifie littéralement “beaucoup.riz” et désigne une personne fortunée. Le principe est similaire en anglais : redcoat renvoie métonymiquement à un manteau rouge, lequel est une caractéristique saillante du denotatum, un soldat de l’armée britannique aux dix-huitième et dix-neuvième siècles.’ ‘- les composés copulatifs, ou dvandva 48 (ex. : hunter-gatherer, fighter-bomber). Le terme dvandva est une forme rédupliquée du numéral dva, “deux”, et signifie “paire” (Wälchli 2005:17). Les composants sont sur un pied d’égalité ; la relation sémantique entre les composants est donc coordinative.’

Cette division tripartite issue des études sanskrites est critiquable d’un point de vue taxinomique. Les trois types de composition se situent en effet à des niveaux différents, les composés possessifs formant une sous-catégorie de composés subordinatifs fondée sur un glissement de sens métonymique. L’existence d’un niveau supérieur binaire dans la taxinomie est soulignée par plusieurs auteurs — Sypnicki (1979:41), Fabb (2001:81), Bisetto, Ricca et Voghera (2004:33), Olsen (2004:17), Dressler (2005:33-34) et Grandi (2006:37-38) —, mais il est souvent passé sous silence, probablement par européano-centrisme linguistique, en raison du caractère numériquement marginal des composés coordinatifs dans les langues germaniques et romanes.

Notes
47.

 Shukla (2001:106) distingue quatre types, mais il signale (op. cit.:113) que les composés karmadharaya sont un cas particulier de composition tatpurusha.

48.

 Voir infra, 3.1., pour une discussion sur ce terme équivoque.