La typologie sémantique classique des noms composés a pour origine la grammaire indienne classique. Trois grands types de composés nominaux sont distingués dans l’étude du sanskrit (Renou 1996/1930, Shukla 2001 47 , Filliozat 2002), et cette division ternaire est souvent reprise en morphologie générale :
‘- les composés déterminatifs, ou tatpurusha (ex. : soccer mom, snail mail). Le terme tat.purusha signifie littéralement “ce.serviteur”, c’est-à-dire “le serviteur de cette personne” (Wälchli 2005:91) ; il marque donc métalinguistiquement la rela-tion de subordination établie entre les composants.’ ‘- les composés possessifs, ou bahuvrihi (ex. : sleepyhead, redcoat, bluejacket ; paperback, razorbill ; breakwater, makeweight, skinflint). Le terme bahu.vrihi est un exemple prototypique de la classe des composés possessifs en sanskrit ; il signifie littéralement “beaucoup.riz” et désigne une personne fortunée. Le principe est similaire en anglais : redcoat renvoie métonymiquement à un manteau rouge, lequel est une caractéristique saillante du denotatum, un soldat de l’armée britannique aux dix-huitième et dix-neuvième siècles.’ ‘- les composés copulatifs, ou dvandva 48 (ex. : hunter-gatherer, fighter-bomber). Le terme dvandva est une forme rédupliquée du numéral dva, “deux”, et signifie “paire” (Wälchli 2005:17). Les composants sont sur un pied d’égalité ; la relation sémantique entre les composants est donc coordinative.’Cette division tripartite issue des études sanskrites est critiquable d’un point de vue taxinomique. Les trois types de composition se situent en effet à des niveaux différents, les composés possessifs formant une sous-catégorie de composés subordinatifs fondée sur un glissement de sens métonymique. L’existence d’un niveau supérieur binaire dans la taxinomie est soulignée par plusieurs auteurs — Sypnicki (1979:41), Fabb (2001:81), Bisetto, Ricca et Voghera (2004:33), Olsen (2004:17), Dressler (2005:33-34) et Grandi (2006:37-38) —, mais il est souvent passé sous silence, probablement par européano-centrisme linguistique, en raison du caractère numériquement marginal des composés coordinatifs dans les langues germaniques et romanes.
Shukla (2001:106) distingue quatre types, mais il signale (op. cit.:113) que les composés karmadharaya sont un cas particulier de composition tatpurusha.
Voir infra, 3.1., pour une discussion sur ce terme équivoque.