Comme le souligne Arnaud (2003:9), un composé coordinatif associe deux co-hyponymes. Cet angle d’attaque met en lumière une caractéristique essentielle de l’opération de coordination : d’un point de vue cognitif, une association égalitaire entre deux concepts implique nécessairement l’existence d’un dénominateur commun (angl. common integrator) permettant de subsumer ces concepts. On parle alors de principe de congruence (Thiele 1987:74), ou d’homogénéisation (Hoarau 1997:20 58 ) des compo-sants 59 . Winieski (1996) et Wilkenfeld et Ward (2001) montrent expérimentalement que le pourcentage d’interprétations hybrides proposées spontanément pour une combinai-son de concepts inconnue varie en fonction du degré de proximité sémantique des con-cepts associés. Quand la combinaison lie des concepts proches (ex. : apartment hotel, shark piranha, magazine newspaper), les interprétations hybrides représentent 20 à 25 % des propositions, alors que lorsque des concepts très éloignés sont unis (ex. : apartment piano, shark coconut, magazine shirt), le pourcentage est proche de zéro. Dans le cas de shark piranha, les concepts SHARK et PIRANHA partagent les traits conceptuels [FISH], [CARNIVOROUS] et [VORACIOUS], à partir desquels se construit le dénominateur commun voracious carnivorous fish ; par contre, dans le cas de magazine shirt, on ne peut aller au-delà du trait générique [ARTEFACT] pour rapprocher les deux concepts. La probabilité d’une lecture coordinative pour tout composé dont le référent est inconnu est donc corrélée au nombre et au degré de spécificité des traits conceptuels communs.
Une relation de co-hyponymie proche est avérée si des lexèmes partagent plusieurs traits conceptuels spécifiques. Cette notion est relative, car elle n’est exploitable qu’en terme de degré, par rapport à un item tiers : A et B ne sont dans une relation de co-hyponymie proche que par rapport à C. Partant de l’ensemble 1 {banana, hammer, jumbo jet, fighter}, il est possible de mettre en évidence une relation de co-hyponymie simple entre les quatre éléments (mais celle-ci est très lâche, car thing est le seul hyperonyme envisageable) et une relation de co-hyponymie proche entre jumbo jet et fighter (aircraft est leur hyperonyme). Un ensemble 2 {jumbo jet, fighter, bomber} donnera, lui, des résultats différents : fighter est plus proche de bomber que de jumbo jet (fighter et bomber ont pour hyperonyme military jet aircraft, alors que pour fighter et jumbo jet, c’est jet aircraft, lui-même hyperonyme de military jet aircraft). La présence d’un hyperonyme proche ne garantit cependant pas que les co-hyponymes forment un composé coordinatif, comme le montrent les relations de co-hyponymie proche ci-dessous :
‘ fighter — bomber (military aircraft)Si les sept premières paires de co-hyponymes proches ont donné naissance à des composés coordinatifs, ce n’est pas le cas des quatre suivantes : cherry tomato et shrew mole sont des composés analogiques, et boat train et wolf dog 60 des composés relation-nels. Le rapport de co-hyponymie proche entre composants est donc une condition nécessaire mais non suffisante d’appartenance à la catégorie des composés coordinatifs.
Hoarau s’appuie sur les travaux de Lang (1977, 1984).
Dans un autre cadre théorique, Scalise, Bisetto et Guevara (2005:139) parlent de corres-pondance parfaite entre les squelettes syntaxico-conceptuels (angl. complete matching of the [syntactic-conceptual] skeletons)
Wolf dog est ici à prendre dans le sens “A dog trained to hunt wolves.” (AHD4).