2.2.2. Problèmes de statut des unités lexicales de type X AND Y

Le statut des unités lexicales de type X AND Y est un sujet de désaccord dans la littérature spécialisée. Pour certains anglicistes, comme Adams (2001:3), Carstairs-McCarthy (2002:67-68) et Plag (2003:136), ces unités ne sont pas des composés, mais des syntagmes lexicalisés (angl. lexicalized phrases). Ce point de vue est partagé par certains francisants : Corbin (1992, 1997) et Fradin (2003:192-206) considèrent que les unités polylexémiques construites morphologiquement sont des “composés morpho-logiques”, alors que les unités polylexémiques construites syntaxiquement (c’est-à-dire engendrées par des règles syntaxiques et pouvant figurer dans des phrases comme syntagmes) sont, elles, des “construits syntaxiques”. Le mode de construction de l’unité lexicale — qui est indubitablement syntaxique dans le cas des hendiadys — n’est cependant pas toujours considéré comme l’unique critère déterminant l’appartenance ou non à la classe des composés. D’autres linguistes estiment en effet que le mode de construction syntaxique fait simplement des hendiadys un sous-ensemble non proto-typique de la classe des composés. Sears (1972:79) inclut whiskey and soda, ham and eggs et pork and beans parmi les composés-syntagmes (angl. phrase compounds). Bauer (1983a:207) et Bubenik (1999:175-176, 180) soulignent avec prudence l’ambi-guïté du statut des unités lexicales telles que bubble-and-squeak, whisky-and-soda, bread and butter et deaf-and-dumb ; ils les classent parmi les composés (Bauer parle de composés-syntagmes, Bubenik de composés syntaxiques), mais précisent que les hendiadys ressemblent fort peu à des composés et beaucoup à des syntagmes lexicalisés, et qu’il est extrêmement difficile, voire impossible, d’établir une frontière nette entre ces deux ensembles. D’autres anglicistes considèrent la classe des hendiadys comme un sous-type mineur de composition : c’est le cas de Boisson (1980:573, 672) et de Tour-nier (1985:115-116, 1993:73). L’appartenance des “construits syntaxiques” à la classe des composés est parallèlement défendue par certains francisants : on peut citer Giu-rescu (1975:13), qui oppose composés syntaxiques (ex. : chef d’œuvre) et composés asyntaxiques (ex. : chou-fleur), ainsi que Gross (1996:48-49) et Mathieu-Colas (1996).