Chapitre 3 :
LES COMPOSÉS ASYNDÉTIQUES

3.1. TERMINOLOGIE

Dans la littérature contemporaine, les deux termes les plus courants pour désigner les composés coordinatifs construits par juxtaposition sont dvandva et composé copulatif (angl. copulative compound). De nombreux linguistes considèrent que les deux termes sont synonymes, et ils les employent indistinctement pour désigner l’ensemble des composés coordinatifs asyndétiques : c’est le cas de Marchand (1969:41), de ten Hacken (1994:122), d’Olsen (2001:passim) et de Plag (2003:146) 102 . Le terme dvandva est polysémique, car d’autres auteurs ne l’utilisent que pour désigner les composés asyndétiques non co-référentiels 103 (Arnaud 2002:4, Bauer & Huddleston 2002:1648, Bauer 2004:41) 104 . Ils sont en cela fidèles à l’acception première du terme, car celui-ci est emprunté à la grammaire sanskrite, dans laquelle il désigne des composés coordinatifs associant des composants non co-référentiels (Whitney 1889:485-488, Olsen 2001:281-284). Cette polysémie est dommageable, car elle entraîne des confusions, comme cette remarque de Plag (2003:147) :

dvandva

Par dvandva, Bauer entend “composé coordinatif asyndétique non co-référentiel”, alors qu’Olsen ne mentionne pas explicitement l’existence en anglais de composés coordinatifs asyndétiques non co-référentiels (tous les composés coordinatifs de son corpus d’étude sont co-référentiels). Le terme dvandva engloble aussi parfois des composés coordinatifs qui ne sont pas formés par juxtaposition. Bauer (1983a:207) l’utilise aussi pour désigner les composés coordinatifs syndétiques (ex. : bubble-and-squeak, milk-and-water), soulignant que ces derniers se différencient néanmoins des véritables dvandvas (angl. true dvandva compounds) par la présence du coordonnant and. Boisson (1980:427-428, 573, 661) inclut lui aussi les hendiadys lexicaux sous ce terme, et il fait le lien avec les amalgames coordinatifs en intégrant Oxbridge (< Oxford + Cambridge) dans sa liste des dvandvas nominaux de l’anglais. L’extension du concept varie donc en fonction de la prise en compte ou non d’un critère formel et d’un critère référentiel en plus du critère sémantique de coordination. Pour éviter toute ambiguïté référentielle, je privilégie dans cette étude les dénominations descriptives — qui ont l’inconvénient d’être plus longues, mais l’avantage d’être transparentes — et je parlerai donc à chaque fois que cela sera nécessaire de composés coordinatifs asyndétiques co-référentiels et non co-référentiels.

Notes
102.

 Tournier (1991:60) et Baker et Bobaljik (2002:60-62) utilisent uniquement le terme dvandva ; Fabb (2001:67) emploie aussi les termes co-ordinate compounding et co-compounding.

103.

 Les termes composé co-référentiel et composé non co-référentiel sont utilisés ici par abus de langage pour désigner un composé associant des composants dont les denotata ont (ou non) le même référent en discours.

104.

 C’est la même chose chez les francisants : Sablayrolles (2000:221) utilise le terme dvandva pour l’ensemble des composés asyndétiques, Picone (1996:128) pour les seuls composés asyndétiques non co-référentiels,.