Certains linguistes — Soudek (1978:464), Bauer (1983a:232), Štekauer (1997:28), Olsen (2000a:901), Bauer et Huddleston (2002:1637) 149 , Fradin (2003:208) et Plag (2003:121, 123) — considèrent que l’amalgamation n’est pas une forme de composition. Le fait qu’au moins un des “composants” ait été tronqué d’une manière qui n’est pas prévisible à partir des règles de la morphologie traditionnelle 150 et ne corresponde pas à une unité lexicale de la langue est rédhibitoire. Il peut cependant être contre-argumenté que, d’un point de vue cognitif, l’amalgame est, comme tout composé, le produit de l’association de plusieurs concepts, et d’un point de vue lexicologique, qu’il est le résultat de l’association de plusieurs unités lexicales. Ces arguments conduisent d’autres linguistes à considérer que l’amalgamation est bien un cas, certes particulier, de composition. C’est le cas d’Adams (1973:148), de Quirk, Greenbaum, Leech et Svartvik (1985:1583), de Tournier (1985:130), de Clas (1987:351), de Pharies (1987:279), de Paillard (2000:48) et de Carstairs-McCarthy (2002:65), et je souscris à ce second point de vue.
La position de Bauer et Huddleston (2002) est en fait plus fine, car ils considèrent qu’en cas de troncation d’une seule base-source (ex. : Breathalyzer < breath + analyzer, newscast < news + broadcast), l’amalgame est un composé, alors qu’en cas de troncation des deux bases-sources (ex. : stagflation < stagnation + inflation), le statut morphologique de l’amalgame est indétermi-né.
La morphologie traditionnelle, fondée sur la concaténation, est à opposer ici à la morpho-logie dite “extragrammaticale” (Dressler 2000), ou “prosodique” (Plag 2003:116-126).