Le découpage d’un amalgame en fracto-bases s’avère délicat quand un ou plusieurs segments ne peuvent pas être indiscutablement attribués à une seule base-source. C’est le cas par exemple pour motel, un amalgame qui contient deux segments potentiellement communs aux deux bases-sources, o et t. Six schémas d’amalgamation sont théoriquement envisageables :
‘(a). motor + hotel > m + otel > motelJe postule que seul le schéma (f) représente adéquatement le processus morpho-phonologique d’amalgamation. L’haplologie est un phénomène attesté lors de l’assem-blage de formants entiers 158 , et il semble justifié de l’étendre à l’assemblage de fracto-bases, car la présence d’au moins un segment commun aux deux bases-sources est précisément un des traits de typicalité de l’amalgamation. Je considère donc que tout segment commun à l’amalgame et à ses bases-sources appartient aux deux fracto-bases. À la suite de Piñeros (1999, 2004), je parlerai dans ce cas de segment ambimorphé-mique et d’interpénétration des signifiants (angl. overlapping) 159 .
Le caractère ambimorphémique d’un segment peut n’être que partiel, quand l’identité segmentale est uniquement graphémique, ou uniquement phonémique. L’amalgame Ebonics (< ebony + phonics) illustre les trois cas de figure possibles : o est un segment ambimorphémique au seul niveau graphémique (le graphème <o> corres-pond au phonème /ɒ/ dans phonics et Ebonics et au schwa, /ǝ/dans ebony) ; n est un segment pleinement ambimorphémique ; i est un segment ambimorphémique unique-ment au niveau phonémique (le phonème/ɪ/ correspond au graphème <i> dans phonics et Ebonics et au graphème <y> dans ebony). Par ailleurs, la séquence ambimorphé-mique n’est pas toujours située en position médiane : elle est finale dans Chunnel
(< Channel + tunnel), droodle (< doodle + riddle), gymnatorium (< gymnasium + auditorium), osmiridium (< osmium + iridium) et stagflation (< stagnation + in-flation). Elle peut de plus être discontinue, comme dans les cas suivants
160
:
Voir infra, 4.5.5.
Grésillon (1984:15) utilise le terme segment homophone ; Fèvre-Pernet et Roché (2005) dé-signent le segment par le terme pivot et le processus par le terme superposition.
Les majuscules indiquent un graphème commun à l’amalgame et à ses bases-sources.