5.2.5. La contrainte de prototypicalité

La mise en évidence du rôle de la contrainte de prototypicalité à l’intérieur d’un binôme remonte à Mayerthaler (1981:13) 205 , lequel évoque le principe d’accessibilité perceptuelle pour justifier l’ordre des constituants dans un binôme comme day and night. Kelly, Bock et Keil (1986) démontrent expérimentalement qu’à fréquence et à nombre de syllabes égaux, la différence de typicalité entre les éléments d’un binôme formé en discours influe sur leur ordre linéaire : l’élément prototypique précéde géné-ralement l’élément non prototypique (ex. : red tend à apparaître avant gold, carrot avant onion, biology avant geography 206 , football avant sailing, etc.). L’étude montre que lorsqu’une phrase contenant un binôme est mémorisée puis restituée, l’ordre initial “élément non prototypique avant élément prototypique” est inversé dans 27 % des cas, alors que l’ordre “élément prototypique avant élément non prototypique” n’est, lui, inversé que dans 13 % des cas. De plus, dans 62 % des cas, une phrase est jugée plus naturelle si les éléments du binôme apparaissent dans l’ordre “élément prototypique avant élément non prototypique” plutôt que dans l’ordre inverse (ex. : The child’s errand was to buy an apple and lemon. vs The child’s errand was to buy a lemon and apple).

Kelly (1998:583) analyse les effets de la contrainte de prototypicalité sur l’ordre des bases-sources de 37 amalgames coordinatifs 207 , et constate que 26 d’entre eux, soit 70 %, se conforment à la contrainte 208 . Il souligne par ailleurs que les données recueillies indiquent que la contrainte de prototypicalité est indépendante des con-traintes de fréquence et de longueur en syllabes : le nombre moyen de syllabes est le même dans les bases-sources initiales et les bases-sources finales étudiées, et la différence de fréquence entre élément plus typique et élément moins typique n’est pas statistiquement significative.

Notes
205.

 Cité par Edmonson (1985:125).

206.

 La catégorie évoquée ici est science.

207.

 La mise en pratique de ce test est ardue, car il faut que les deux bases-sources appartiennent à la même catégorie sémantique, et idéalement qu’une étude du degré de typicalité des membres de la catégorie ait déjà été effectuée. Kelly (1998) n’exploite ainsi que 37 amalgames sur un corpus de départ de 320 unités.

208.

 Ce pourcentage élevé doit être relativisé, car les effectifs considérés sont faibles. La distri-bution est statistiquement non significative :  (1) = 2,78 ; p ≤ 0,1.