Les contraintes portant sur l’attaque des composants équisyllabiques

La contrainte de complexité consonantique initiale prédit que le nombre de consonnes initiales sera plus élevé dans le second composant que dans le premier. Cette contrainte est applicable aux composés équisyllabiques non amalgamés. Le Tableau 17 montre que les distributions obtenues entre gauche et droite sont aléatoires, tant pour les composés asyndétiques ( (1) = 0,7 ; p ≤ 1) que pour les syndétiques ( (1) = 0,14 ; p ≤ 1) :

Tableau 17 : Distribution des composés équisyllabiques en fonction du degré de complexité de l’attaque de la première syllabe de chaque composant
composés équisyllabiques attaque gauche plus complexe attaque droite plus complexe même degré de complexité total
asyndétiques 16 10 34 60
syndétiques 32 27 126 185

Si l’investigation est réduite aux composés dont les constituants ne se différencient que par l’attaque de leur première syllabe, le corpus n’est plus formé que de trois composés asyndétiques et de dix-neuf composés syndétiques :

happy-clappy

teeny-weeny

tie-dye

chalk and talk

chew and spew

cut and shut

high and dry

huff and puff

hustle and bustle

make or break

meet and greet

name and shame

odds and sods

pan and scan

pump and dump

run and gun

shake and bake

surf and turf

thrills and spills

wear and tear

wheel and deal

wine and dine

Le nombre de consonnes initiales est identique dans quinze cas, et dans les sept cas restants — happy-clappy, chew and spew, high and dry, make or break, meet and greet, odds and sods et pan and scan —, la contrainte est unanimement respectée. Le faible effectif concerné — sept composés — ne permet cependant pas d’obtenir de résultat statistiquement significatif ( (1) = 3,82 ; p ≤ 0,1).

Les composés amalgamés prennent le contre-pied complet de l’énoncé de la contrainte de complexité consonantique initiale, mais leur cas doit être traité à part, car des contraintes spécifiques jouent un rôle dans le choix de la place des bases-sources dans l’amalgame : la pression d’interpénétration fait que quand un ou plusieurs segments communs se trouvent en position initiale ou finale dans l’une des deux bases-sources — c’est le cas par exemple dans l’amalgamation de infinitesimal et de planet, de kid et de adult, de nickel et de cadmium —, l’ordre des bases-sources et des fracto-bases est contraint. Les onze amalgames associant une base-source contenant une seule consonne initiale et une base-source contenant deux consonnes initiales, et opérant par troncation des bases-sources au niveau de la césure attaque-rime, conservent l’attaque complexe ; ils mettent donc en première position la base-source contenant le plus grand nombre de consonnes initiales :

blather + dither > blither plutôt que dather
breakfast + lunch > brunch plutôt que leakfast
chromium + nickel > Chromel plutôt que Nickium
fries + rings > frings
plutôt que ries
pliers + wrench > plench plutôt que wriers
skirt + short > skort plutôt que shirt
smoke + haze > smaze plutôt que hoke
smoke + fog > smog plutôt que foke
spoon + fork > Spork plutôt que Foon
squirm + wiggle > squiggle plutôt que wirm
twist + fiddle > twiddle plutôt que fist

La distribution est totalement déséquilibrée et, par conséquent, statistiquement signifi-cative ( (1) = 6,47 ; p ≤ 0,025).

La contrainte de degré d’obstruance de la consonne initiale prédit, elle, que la consonne initiale du premier composant aura un degré d’obstruance moins élevé que celle du second composant. Cette contrainte est applicable à l’ensemble des composés syndétiques et asyndétiques équisyllabiques dont les composants ont une attaque de première syllabe simple, et elle est mesurée à partir des différences de degré d’obstruance entre cinq sous-ensembles, les occlusives, les fricatives, les nasales, les liquides et les glides. Le Tableau 18 montre que la distribution entre gauche et droite des composés asyndétiques est aléatoire ( (1) = 0,11 ; p ≤ 1), et que celle des composés syndétiques n’est pas significative ( (1) = 2,92 ; p ≤ 0,1) :

Tableau 18 : Distribution des composés équisyllabiques dont les composants ont une attaque de première syllabe simple en fonction du degré d’obstruance de cette attaque
composés équisyllabiques attaque gauche plus obstruante attaque droite plus obstruante même degré d’obstruance total
asyndétiques 10 8 15 33
syndétiques 25 46 55 126

Si l’investigation se limite aux composés dont les constituants forment une paire minimale différant seulement au niveau du degré d’obstruance de la consonne initiale, il ne reste que quatorze composés :

chalk and talk

cut and shut

huff and puff

hustle and bustle

name and shame

pump and dump

run and gun

shake and bake

surf and turf

teeny-weeny

tie-dye

wear and tear

wheel and deal

wine and dine

Dix d’entre d’eux se conforment à la contrainte, soit une distribution aléatoire ( (1)
= 1,35 ; p ≤ 1). En excluant les composés régis par la contrainte d’antériorité, l’en-semble est réduit à sept unités : chalk and talk, huff and puff, hustle and bustle, surf and turf, teeny-weeny, wheel and deal et wine and dine. Un seul composé, teeny-weeny, contrevient à la règle, mais le faible effectif empêche toute validation statistique de l’écart constaté ( (1) = 1,4 ; p ≤ 1).