6.2. LES COMPOSÉS ASYNDÉTIQUES

L’accentuation des composés coordinatifs asyndétiques est un sujet rarement abordé dans la littérature spécialisée. Quelques tendances générales ou bribes d’information peuvent cependant être recueillies. Ainsi, Boisson (1980:428, 661) indique que les dvandvas nominaux et adjectivaux sont majoritairement droits. Olsen (2000b:61), qui traite des composés binominaux polyvalents, signale que les composés comme geologist-astronomer sont tous droits 220 . Lieber (2005:376) avance, elle, avec prudence : “Root compounds consisting of two adjectives (e.g., icy cold, blue-green) [...] seem to have level stress.” Une étude des schémas accentuels répertoriés dans les quatre dictionnaires consultés montre que l’accentuation des composés asyndétiques se caractérise par une grande variation 221 . Sur les 68 composés dont le schéma accentuel est répertorié dans au moins deux dictionnaires, seuls 40 (soit à peine plus de la moitié) font l’objet d’un consensus. Les 28 autres forment une importante minorité qui complique toute tentative de généralisation (deaf-mute, freeze-dry et push-pull sont trois exemples emblématiques de ces dissonances : en fonction du dictionnaire consulté, l’accent primaire tombe à gauche, à droite, ou sur les deux composants). Il est notoire que la normalisation du schéma accentuel d’un composé est un exercice souvent délicat — Bauer (1983b) montre par exemple que les réponses de divers informateurs-experts, et même celles d’un même informateur-expert interrogé à quelques jours de distance, sont loin d’être toujours identiques —, et le cas des composés asyndétiques semble être particulièrement épineux. Afin d’établir un point de comparaison, j’ai constitué un échantillon aléatoire de 50 composés répertoriés dans l’EPD16 et comparé leur schéma accentuel dans les quatre dictionnaires susmentionnés. Le pourcentage de désaccord sur la place de l’accent primaire n’est alors que de 19 %, soit une dissonance deux fois moins forte que pour les composés asyndétiques.

Ne sont retenus dans la présentation qui suit que les composés qui font l’objet d’un consensus relatif 222 , ce qui réduit le corpus d’étude à 40 unités. La catégorie la plus fournie est celle des composés droits, avec 22 items :

audiovisual manic-depressive scrunch-dry
cook-chill owner-driver Serbo-Croatian
enterocolitis oxyacetylene seriocomic
Finno-Ugric oxyhydrogen spatiotemporal
fluviomarine penny-farthing stop-go
fridge-freezer physicochemical stratocumulus
Indochina polycotton  
lunisolar sadomasochism  

Viennent ensuite les composés gauches, au nombre de dix :

ape-man pantywaist tie-dye
dive-bomb sleepwalk troutperch
jazz-rock sofa bed  
pantyhose strip-search  

Restent sept composés qui ont, eux, un schéma à double accent primaire — bullmastiff, obsessive-compulsive, oxidation-reduction, pass-fail, toxin-antitoxin, tractor-trailer et win-win —, ainsi qu’un composé atypique, bittersweet, qui se distingue en étant répertorié dans trois dictionnaires sous deux variantes, l’une gauche et l’autre droite. Ces différents résultats sont difficilement exploitables ; seule une régularité remarquable est à noter : tous les composés contenant une base liée initiale se retrouvent dans la classe des composés droits.

Notes
220.

 Dans un autre article, Olsen (2001:302) indique que les composés comme nerd-genius et scholar-activist ont un double accent primaire, sans préciser si, pour elle, l’accentuation double est à distinguer de l’accentuation droite, ou si les deux schémas se confondent.

221.

 Un tableau des schémas accentuels répertoriés dans l’EPD16, le LPD2, l’AHD4 et le RHUD est présenté à l’Annexe E.

222.

 J’entends par consensus relatif le fait que tous les dictionnaires qui répertorient le composé s’accordent sur la place du ou des accents primaires, ou, à défaut, qu’un schéma l’emporte à la majorité de 3 contre 1.