L’accentuation des amalgames est un sujet lui aussi peu abordé dans la littérature spécialisée. Quirket al. (1985:1583) signalent qu’en anglais, le schéma accentuel de l’amalgame tend à imiter celui de la deuxième base-source. Bat-El (1996:321) note qu’en hébreu, l’accent tombe quasi-systématiquement sur la syllabe accentuée la plus à droite dans l’amalgame et elle ajoute qu’au cours du processus d’amalgamation, le noyau portant l’accent de mot dans au moins une des deux bases-sourcesdoit être impérativement conservé 223 . L’accentuation des amalgames est un domaine qui est aussi mal couvert par les lexicographes : seuls 93 des 142 amalgames binaires du corpus sont répertoriés dans au moins un des quatre dictionnaires consultés, soit un taux de non-couverture de 34,5 %.
La prédiction de l’accentuation des composés bi-apocopés est aisée et ceux-ci doivent être isolés du reste de la classe des composés amalgamés du fait de leur fonctionnement particulier. Sur les 30 amalgames coordinatifs bi-apocopés du corpus, vingt ont un schéma accentuel répertorié, et dix-huit portent un seul accent primaire, lequel est situé sur la première syllabe de la première fracto-base :
agitprop | cockapoo | Nichrome | sima |
ammonal | fen-phen | peekapoo | soca |
balun | modem | redox | zedonk |
cermet | napalm | ro-ro | |
Charbray | nicad | sial |
Deux amalgames ne se conforment pas à la règle : pro-am et Tex-Mex ont un schéma accentuel /11/ dans l’AHD4 et le RHUD, et /21/ dans l’EPD16 et le LPD2.
Pour les amalgames formés par apocope de la première base-source et/ou aphérèse de la deuxième base-source 224 , deux approches donnent des résultats tendan-ciellement significatifs. La première se fonde sur la présence dans l’amalgame du ou des noyaux portant l’accent primaire dans les bases-sources. Si les deux noyaux accentués sont présents dans l’amalgame, c’est le noyau le plus à droite qui porte l’accent dans le composé ; si un seul des noyaux est présent, il devient noyau accentué de l’amalgame.
‘- exemple 1 : fanTAStic + FABulous > fanTABulous 225Cette règle, que j’appelle règle de conservation des noyaux accentués, permet de prédire correctement la place de l’accent pour 58 amalgames sur 69 226 . La seconde approche consiste à prendre en compte la longueur en syllabes des bases-sources et de l’amalgame et à considérer que l’amalgame reproduit le schéma accentuel de la base-source qui a le même nombre de syllabes que lui :
‘- exemple 1 : ALcohol + POP > ALcopopCette règle, que j’appelle règle de mimétisme schématique, permet de prédire cor-rectement la place de l’accent dans 51 cas sur 69. Ce taux de prédiction est moins élevé que le précédent, car la règle de mimétisme schématique n’est pas applicable aux amalgames qui n’ont pas la même longueur en syllabes que leurs bases-sources (ex. : alphanumeric, Amerasian, fantabulous, Quechumaran, Senegambia). Cette règle n’est cependant pas à délaisser, car elle permet dans certains cas des prédictions correctes alors que la règle de conservation des noyaux accentués est dans l’erreur. C’est notamment le cas des quatre exemples ci-dessus, et plus généralement des amalgames construits à partir d’une deuxième base-source plus courte (en nombre de syllabes) que la première. En conséquence, c’est une règle dite “mixte” (car elle combine les deux règles pré-citées) qui permet d’obtenir un taux de prédiction maximal :
‘ Règle d’accentuation mixte : Pour déterminer le schéma accentuel d’un amal-game, il convient d’appliquer — si cela est possible — la règle de mimétisme schématique, sinon d’appliquer la règle de conservation des noyaux accentués.’Cette règle mixte permet de prédire correctement l’accentuation de 65 amalgames sur 69, une performance supérieure à celle de la règle de conservation des noyaux accen-tués. Les quatre irréductibles exceptions sont adenosine, coydog, docusoap et doohickey.
En anglais, est attesté au moins un cas de troncation des deux noyaux portant l’accent de mot : ballute est constitué de fracto-bases correspondant à des syllabes inaccentuées dans les deux bases-sources, balloon et parachute. Le fait que le phonème /uː/ soit ambimorphémique — et représente donc aussi le noyau de la syllabe accentuée <loon> — explique peut-être cette irrégularité.
Sont inclus dans ce sous-corpus les amalgames parcellisés de type chortle.
Les majuscules symbolisent les syllabes portant l’accent primaire.
L’ensemble pris en compte est composé des amalgames coordinatifs formés par apocope de la première base-source et/ou aphérèse de la deuxième base-source dont le schéma accentuel est répertorié de manière non-ambiguë (dumbfound, pour lequel deux variantes sont attestées, et Khoisan, qui est l’objet d’un désaccord, sont écartés).