7.2. AFFINITÉS ENTRE FORME ET SENS

Il existe des affinités indéniables entre types formels et types sémantiques, que la double classification du Tableau 24 met en évidence 229 :

Tableau 24 : Distribution sémantico-formelle des effectifs des noms composés coordinatifs plurinominaux
  structure
amalgamée
structure
asyndétique
structure
syndétique
total
additionnalité 26 22 120 168
hybridité 66 21 3 90
polyvalence 13 22 5 40
total 105 65 128 298

En opérant une classification sémantique pour chacune des structures formelles, les constats suivants apparaissent :

‘- la structure syndétique privilégie l’additionnalité : elle code à 94 % cette relation sémantique (120 composés sur 128) ; la relation polyvalente et la relation hybride sont, elles, marginales, avec respectivement cinq items (barrister and solicitor, chief cook and bottle-washer, Jekyll and Hyde, meeter and greeter, mover and shaker) et trois items (gin and tonic, rum and coke, Scotch and soda).’ ‘- la structure amalgamée privilégie l’hybridité ; elle code cette relation dans 62,9 % des cas (66 composés sur 105). La relation additionnelle forme une importante minorité, avec 26 items (24,7 %) et la relation polyvalente est plus rare, avec seulement 13 items (12,4 %) 231 .’ ‘- la structure asyndétique est non marquée : elle ne privilégie aucun type séman-tique aux dépens des autres. Les trois types sont représentés quasiment à parité : le corpus d’étude contient 22 composés polyvalents, 21 composés hybrides et 22 composés additionnels.’

En opérant parallèlement une classification formelle de chacun des trois grands types sémantiques, les résultats obtenus sont encore plus significatifs, car se dégage à chaque fois une majorité absolue :

‘- les 168 composés additionnels sont codés à 71,4 % par une structure syndétique, à 15,5 % par une structure amalgamée et à 13,1 % par une structure asyndétique.’ ‘- les 90 composés hybrides sont codés à 73,4 % par une structure amalgamée, à 23,3 % par une structure asyndétique et à 3,3 % par une structure syndétique.’ ‘- les 40 composés polyvalents sont codés à 55 % par une structure asyndétique, à 32,5 % par une structure amalgamée et à 12,5 % par une structure syndétique 232 .’

En conclusion, la double lecture, verticale et horizontale, du Tableau 24 dessine une affinité tendancielle, plus ou moins marquée, entre additionnalité et composition syndétique, entre hybridité et amalgamation, et entre polyvalence et composition asyndétique. On notera de plus que semble exister une impossibilité d’association entre structure syndétique et interprétation hybride 233 .

Deux autres distributions statistiquement significatives permettent d’affiner le portrait sémantique de chaque structure coordinative. La distribution des denotata entre entités concrètes et abstraites au sein de chacun des trois sous-corpus de composés coordinatifs nominaux plurinominaux est massivement disproportionnée : 83 composés amalgamés sur 113 (soit 73,5 %) et 50 composés asyndétiques sur 65 (soit 76,5 %) désignent des entités concrètes, alors qu’à l’opposé, 90 composés syndétiques sur 140 (soit 64 %) dénotent des entités abstraites 234 . La distribution entre dénominations nominales littérales et non littérales est, elle aussi, remarquable : la métaphore et la métonymie sont extrêmement rares dans les sous-corpus de composition asyndétique (penny-farthing, two-up two-down, soit deux composés sur 65) et de composition amalgamée (altazimuth, humiture, nicad, soit trois composés sur 113), et, au contraire, elles sont massivement présentes dans les structures syndétiques (77 composés sur 140, soit 55 % de l’effectif 235 ). Il est, en conclusion, possible de dresser un portrait-robot prototypiste des trois catégories sémantiques :

‘- l’additionnalité correspond typiquement à un composé syndétique métasémique désignant une entité abstraite (ex. : drum and bass, skull and crossbones).’ ‘- l’hybridité correspond typiquement à un composé amalgamé non métasémique désignant une entité concrète (ex. : cockapoo, plumcot).’ ‘- la polyvalence correspond typiquement à un composé asyndétique non métasé-mique désignant une entité concrète (ex. : player-manager, sofa bed).’

Notes
229.

 Seuls les noms composés plurinominaux sont retenus pour cette analyse, car c’est la seule catégorie qui permette des extrapolations statistiquement significatives.

230.

 La typologie sémantique du tableau ne prend en compte que les trois grands types, addition-nalité, hybridité et polyvalence, laissant de côté les relations marginales comme la tautologie.

231.

 Malgré le faible effectif, cette distribution est significative :  (2) = 20,56 ; p ≤ 0,001.

232.

 Cette tendance doit être tempérée au vu du faible effectif (40 unités). La distribution n’est pas statistiquement significative :  (2) = 5,33 ; p ≤ 0,1.

233.

 Cette impossibilité semble bien ancrée en anglais contemporain, mais un contre-exemple historique est attesté : la dénomination bull and terrier, qui remonte au moins au dix-huitième siècle, désigne la race de chiens issue du croisement de l’old English bulldog et de l’old English terrier, laquelle est le progéniteur des bull-terriers. Voir < http://en.wikipedia.org/wiki/Bull_and _Terrier > [page visitée le 6 juin 2006].

234.

 Ont été exclus du corpus des composés syndétiques nominaux les composés polysémiques dont un sens renvoie à une entité abstraite, et l’autre à une entité concrète (ex. : bread and butter).

235.

 Le pourcentage est encore plus élevé si sont aussi inclus les composés nominaux désadjec-tivaux, déverbaux et désadverbiaux : sur 179 composés, 116 sont métasémiques, soit 64,8 % de l’effectif).