7.4. CONCLUSION

Au terme de cette étude, il semble possible de déterminer, dans une perspective onomasiologique, quelle structure coordinative est optimale, et donc attendue, pour un concept complexe donné, une fois que les deux éléments de nomination X et Y ont été sélectionnés. L’approche adoptée n’est pas assimilable aux théories optimalistes classiques, car si est bien mis en place un micro-système de contraintes, la prédiction n’a ici qu’un caractère tendanciel. En exploitant les corrélations sémantico-formelles statistiquement significatives dégagées en 7.2., on peut sélectionner pour chaque concept un orthonyme sémantique, c’est-à-dire une dénomination optimale, qui répond positivement à un maximum de traits. Les Tableaux 25 et 26 illustrent le fait que les dénominations bed and breakfast (plutôt que *bed-breakfast ou *bedfast) et bed-settee (plutôt que *bed and settee ou *bettee), chères à Tournier, sont conformes aux prédictions :

Tableau 25 : Optimalité des dénominations coordinatives pour le concept BOARDINGHOUSE PROVIDING A BED AND A BREAKFAST
  entité
concrète
relation
additionnelle
dénomination
métasémique
 structure syndétique - + +
structure asyndétique + - -
structure amalgamée + - -
Tableau 26 : Optimalité des dénominations coordinatives pour le concept PIECE OF FURNITURE USED EITHER AS A BED OR A SETTEE
  entité
concrète
relation
polyvalente
dénomination
non métasémique
structure syndétique - - -
 structure asyndétique + + +
structure amalgamée + - +

Comme souligné précédemment, la prédiction n’est que tendancielle ; les résultats ne sont donc pas toujours probants, comme l’illustrent les Tableaux 27 et 28 :

Tableau 27 : Optimalité des dénominations coordinatives pour le concept CONFEDERATION OF SENEGAL AND THE GAMBIA
  entité
concrète
relation
additionnelle
dénomination
non métasémique
structure syndétique - + -
 structure asyndétique + - +
 structure amalgamée + - +
Tableau 28 : Optimalité des dénominations coordinatives pour le concept BATTERY WITH A NICKEL CATHODE AND A CADMIUM ANODE
  entité
concrète
relation
additionnelle
dénomination
métasémique
 structure syndétique - + +
structure asyndétique + - -
structure amalgamée + - -

La prédiction pour l’assemblage de Senegal et de Gambia met sur un pied d’égalité les dénominations Senegal-Gambia et Senegambia, alors que seul le deuxième composé est lexicalisé, et celle pour l’assemblage de nickel et de cadmium privilégie la forme syndétique nickel and cadmium, alors que seule la forme amalgamée nicad est lexicalisée. Ces dissonances s’expliquent par la non prise en compte des facteurs phonologiques qui poussent à l’amalgamation. La proximité des squelettes phono-logiques de Senegal et de Gambia (les deux bases-sources possèdent une syllabe portant l’accent primaire de même structure C1VC2, avec un segment C1 identique, /g/), et de nickel et de cadmium (l’amalgamation se justifie par la possibilité de construire un nouveau signifiant contenant un segment médian /k/ ambimorphémique) l’emporte ici sur les contraintes d’ordre sémantique. Une hiérarchie des contraintes sémantiques et phonologiques semble cependant impossible à établir, notamment parce que l’amal-gamation autour d’un segment ambimorphémique n’est pas obligatoire : l’assemblage de cami et de knickers donne camiknickers, et non °camickers, celui de gin et de tonic gin and tonic, et non °ginnic. On notera simplement qu’une proximité maximale entre les bases-sources, illustrée par la paire melt & weld (même nombre de syllabes, même schéma accentuel, même séquence segmentale sauf pour le premier et le dernier segment), conduit quasi-automatiquement à une forme amalgamée.

En conclusion, la méthode appliquée dans ce chapitre ne parvient qu’à des résultats modestes, car les prédictions ne sont que tendancielles, et ne portent que sur les assemblages nominaux plurinominaux, mais le lexique étant le domaine linguistique par excellence des idiosyncrasies et des exceptions, il semble vain de vouloir prédire de façon systématique la forme des composés coordinatifs lexicaux de l’anglais. Cette démarche a cependant l’intérêt de montrer qu’il n’existe pas d’équivalence absolue entre les trois structures au cœur de cette étude. Le but de ce travail est donc atteint.