Les premières observations de terrain permettent d’affirmer qu’être une ville du patrimoine mondial signifie appartenir à un réseau international de villes dont la particularité commune est la présence d’un bien du patrimoine mondial (décrété comme tel par l’Unesco) sur le territoire qu’elles administrent. Dès lors, savoir comment une municipalité urbaine gère un label présenté et saisi localement comme un don de l’Unesco (cf. supra), et, plus généralement, comment une municipalité urbaine investit l’international, nécessite de préciser la notion de don. La lecture proposée par Florence Weber 11 , à partir notamment des travaux de Jean Bazin, identifie trois types de don à partir de l’écart qui fonde la dette et une certaine domination personnelle. Son propos invite à considérer le moment du don comme révélateur de facteurs expliquant certaines des suites et des conséquences de cet acte. Une interaction ponctuelle est ainsi sans durée, sans passé ni avenir. L’auteur précise que les partenaires et les objets de l’échange sont alors interchangeables. Dans le cas d’une interaction incomplète, le contre-transfert est impossible et l’un des partenaires est littéralement invisible. C’est bien ainsi que les élites lyonnaises et québécoises tendent à présenter l’inscription sur la Liste. Enfin, dans le troisième type, don et contre don sont séparés par le temps de la « dette » au sens de Pierre Bourdieu 12 . Il est alors nécessaire de tenir compte de l’épaisseur des liens interpersonnels sortant « renforcés de ce voyage de choses entre des personnes » 13 . Le don constituerait alors la première phase d’une succession d’interactions engageant les différentes parties. Ce troisième type de don suggère que des acteurs municipaux participent au travail politique qui sous-tend l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial : ils seraient partie prenante de ce processus impliquant de fait les municipalités dans des successions d’interactions notamment avec l’organisation internationale.
Pour traiter de la question de la participation ou de la cooptation des municipalités urbaines dans des actions internationales, nous reviendrons d’abord sur les différents travaux qui portent sur l’internationalisation des villes et sur l’articulation entre villes et international en soulignant leurs attendus épistémologiques et méthodologiques. Nous présenterons ensuite notre démarche de recherche empirique.
Weber (Florence), « Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le grand partage. », Genèses, n° 41, 2000, p. 85-107.
Bourdieu (Pierre), « Les modes de domination », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 2-3,1976, p. 122-132.
Weber (Florence), « Transactions marchandes… », art. cit., p. 96.