1. Etudier et croiser deux terrains : l’arrondissement historique de Québec et le site historique de Lyon

La comparaison n’est donc pas réalisée dans un but normatif, ni avec comme objectif d’établir une généralisation à partir de quelques exemples. Elle vise à mettre en lumière un espace transnational de circulation, à dévoiler la place qu’y occupent des municipalités urbaines et à analyser des relations multi-niveaux. Il s’agit donc de mener deux enquêtes de terrain (à Lyon et à Québec), de les croiser, de les faire dialoguer afin d’identifier, de saisir et de caractériser les interactions et les interdépendances entre les scènes mobilisées. Tout au long des investigations de terrain, s’effectuent ainsi des allers et retours entre les enquêtes type « étude de cas », leur confrontation et leurs analyses. Se concentrer sur deux procédures seulement correspond d’abord à la difficulté de mener de front un grand nombre d’études de cas 95 . Ce choix résulte également du souci de mener des enquêtes de terrain les plus fines possibles afin de saisir aux mieux les interactions, les relations et les régulations entre les différentes scènes impliquées dans la fabrique de biens du patrimoine mondial 96 . Il s’agit donc bien de raisonner à partir de singularités appelant des interprétations 97 . Enfin, après avoir étudié la procédure d’inscription sur la Liste du site historique de Lyon 98 , l’approche comparative nous semblait d’autant plus pertinente que les terrains retenus présentaient des représentations et des définitions de la notion de patrimoine différenciées (sans toutefois que ces dernières ne soient totalement disjointes), ainsi que des institutions politico-administratives distinctes. Autrement dit, nous nous sommes attachée à ce que la seconde ville retenue partage avec Lyon « suffisamment de points communs pour relever d’une même catégorie et rendre ainsi la comparaison valide, tout en étant marquées par des différences assez perceptibles pour rendre la comparaison utile » 99 .

Choisir deux villes de l’espace nord-Atlantique permet de prendre davantage en compte les conditions, formelles et informelles, de possibilité d’interactions entre les scènes impliquées, sans pour autant nier ou oublier les différentes approches du terme patrimoine et les conceptions distinctes de l’objet patrimoine urbain. Une étude rapide de l’inscription de Québec, réalisée en 1985 quand celle de Lyon date de 1998 100 , a montré qu’elle était à l’origine de la création, sur l’initiative conjointe de la municipalité de Québec et des gouvernements provincial et fédéral, de l’Organisation des villes du patrimoine mondial. Ainsi des relations existaient, suite à l’inscription, entre la municipalité québécoise et d’autres institutions homologues. Québec et Lyon constituent donc deux cas intéressants dans le cadre de la fabrique de la Liste du patrimoine mondial et de ses effets ainsi que, plus largement, dans celui de la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial.

Le choix des procédures lyonnaise et québécoise se justifie donc amplement. Les deux villes sont largement comparables. Les deux municipalités adhèrent à l’Ovpm et participent à quelques activités dans ce cadre. Les municipalités essaient, notamment de développer les attractivités touristiques de ces villes et, pour ce faire, mettent en avant, bien que différemment, les biens du patrimoine mondial qu’elles disent posséder. Les juridictions relatives au patrimoine auxquelles elles sont soumises sont très similaires, bien que déclinées de façon extrêmement différente 101 . Les contextes politique, institutionnel et social de ces villes sont, en outre, importants pour la présente étude. Les deux villes retenues représentent institutionnellement leur région : Lyon est capitale régionale de la Région Rhône-Alpes, Québec est la capitale de la Province du même nom. Des tensions politiques et des concurrences socio-économiques existent aussi bien au sein de la région Rhône-Alpes que dans la Province de Québec entre ces deux villes et des villes voisines. Si elles exercent une sorte de leadership, celui-ci est contesté 102 . Les deux villes sont au centre d’une (ou plusieurs) organisation(s) « supra municipale(s) » (Communauté urbaine de Lyon et Communauté métropolitaine de Québec). Ce sont, par ailleurs, deux villes bien implantées économiquement et culturellement et dont les ambitions en matière de rayonnement international sont fortement affichées 103 . Elles sont l’une et l’autre en relation privilégiée, dans des organisations politico-administratives très différentes, avec la capitale de leur pays et dans des démarches de différenciation, de démarcation par rapport à un centre. Dès lors la dimension multi-niveaux est fortement présente.

Les environnements politiques canadien et français présentent en effet des caractéristiques intéressantes pour l’approche comparative retenue : l’échelon gouvernemental supplémentaire qu’implique l’organisation politico-administrative canadienne permet d’apporter une autre variable dans la participation des municipalités à l’espace transnational. En effet, l’État français centralisé présente un unique palier gouvernemental promulguant les lois dans tous les domaines d’intervention publique. Le fédéralisme canadien 104 signifie, au contraire, que le Canada 105 possède deux paliers d’autorité distincts : le Parlement canadien central (fédéral) et les dix assemblées législatives provinciales. Chaque palier est souverain pour ce qui a trait à certaines compétences législatives, d'autres compétences telles que, par exemple, l’agriculture ou l’immigration, sont partagées. La répartition de ces compétences 106 , énumérées initialement dans la Loi constitutionnelle de 1867, est souvent ambiguë. Elle a d’ailleurs connu des évolutions notables, telles celles qui ont suivi la Révolution Tranquille 107 au Québec avec la Loi constitutionnelle de 1982 108 .

Il serait fastidieux et inutile pour notre travail de recenser la répartition des différentes compétences. Notons toutefois que le pouvoir sur les relations extérieures n’est accordé au Canada qu'avec la promulgation du Statut de Westminster en 1931. La mise en œuvre des traités est alors assurée par les deux paliers de gouvernement, suivant la même ligne de partage que leurs compétences législatives respectives 109 . La Convention du patrimoine mondial, ratifiée par les gouvernements français et canadien respectivement en 1972 et 1976, engendre que seuls ces gouvernements (et leurs administrations) sont reconnus comme interlocuteurs officiels de l’Unesco. La mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial est toutefois assurée, pour ce qui a trait au patrimoine culturel dans chacun de ces pays, conformément aux répartitions de compétences et de pouvoirs relatifs à la culture. Cette « catégorie floue » 110 est d’ailleurs, de part et d’autre de l’Atlantique, l’objet de débats, de tensions et d’enjeux politiques entre les différentes institutions publiques, particulièrement dans le cas canadien où fédéral et provincial se disputent la compétence législative en la matière. Il nous semble essentiel de souligner deux grandes conséquences, pour la comparaison que nous souhaitons réaliser entre Québec et Lyon, que ces différences fondamentales des structures politico-administratives française et canadienne engendrent : la première a trait au pouvoir local, la seconde interroge la notion de nation et de communauté.

Les municipalités canadiennes ne bénéficient pas d’une reconnaissance constitutionnelle 111 . L’Acte de l’Amérique du Nord Britannique, signé en 1867 et marquant la création du Canada, attribue aux provinces les affaires municipales à titre de domaine exclusif de compétence : les municipalités sont ainsi, selon l’expression consacrée, des « créatures » de leur province. De fait, leur existence dépend de l’autorité des gouvernements provinciaux qui ont le pouvoir de les créer, de les modifier ou de les abroger. Si, dans la pratique, les élus municipaux ont réussi à établir un certain rapport de force avec les autorités provinciales et, partant, ont établi un équilibre plus égalitaire dans les régulations entre la province et les municipalités, un lien de subordination perdure toutefois aujourd’hui encore. Les municipalités canadiennes apparaissent donc d’abord comme un outil provincial de contrôle et de quadrillage du territoire, bien avant d’être un lieu d’identification et d’appartenance. La vie politique et démocratique des municipalités en serait de fait réduite à sa plus simple expression 112 . L’histoire des municipalités québécoises témoigne, en outre, d’un recul progressif de leur capacité de gouverne au profit de la province 113 . Cette dernière se dote, en 1918, d’un ministère des Affaires municipales afin de mettre en œuvre divers outils de surveillance et de contrôle des municipalités 114  qui passent alors progressivement du statut de gouvernement de premier plan à un rôle d’administrations décentralisées 115 . Les relations entre les municipalités et le ministère des Affaires municipales sont toutefois développées dans un souci de négociation 116 . Les municipalités québécoises sont finalement souvent présentées comme un mixte entre deux modèles : le premier faisant de la municipalité une instance de représentation de la communauté locale, sa fonction principale étant la production de biens publics locaux ; le second correspond au fonctionnement d’une entreprise de production de services à la propriété qui s’inspire avant tout de la stratégie de l’entreprise privée 117 . Si des évolutions considérables ont eu lieu depuis les années soixante, le fonctionnement actuel des municipalités québécoises demeure amplement influencé par la longue prégnance du modèle de l’entreprise privée 118 . Le modèle politique canadien fondé sur la décentralisation n’accorde finalement qu’un statut politique relativement restreint aux municipalités.

Le modèle politique français, en revanche, affirme davantage l’intégration communale au système étatique. La Constitution française reconnaît que les municipalités sont l’une des parties constitutives de l’État et garantit une part d’autonomie aux communes dans l’exercice de leurs prérogatives 119 . Cette autonomie serait accrue par les lois de décentralisation et par la construction de l’Union européenne 120 . Les municipalités françaises sont donc des éléments indissociables de l’État et de la souveraineté nationale 121 . La logique de l’État unitaire se traduit, en outre, par une volonté de maîtrise globale du territoire avec pour conséquence fondamentale l’uniformité des statuts communaux. Au contraire, au Québec, la législation municipale est asymétrique : plusieurs types de municipalités coexistent, encadrées par des lois différentes 122 . Comparant l’autonomie des municipalités québécoises et françaises, Laurence Bhérer conclut que « la légitimité politique des communes [française] est plus forte qu’au Canada (…). En somme, la forte imbrication entre les paliers national et local, doublée d’une reconnaissance constitutionnelle, donne une visibilité politique certaine » 123 aux municipalités françaises. Enfin, une différence essentielle de la vie démocratique locale est donnée à voir à travers l’exercice des élections municipales. Ainsi, la « nationalisation » 124 des élections municipales en France et le contexte d’action publique renouvelé par les lois de décentralisation, ont engendré la redécouverte du local comme espace politique et, partant, ont permis aux élus locaux français de se construire une légitimité politique plus importante qu’au Québec. Dans cette province canadienne où les partis politiques municipaux existent, le modèle entrepreneurial domine, malgré plusieurs lois dites de « revalorisation du pouvoir local » 125 . De fait, il n’existe aucun lien formel entre partis politiques municipaux et provinciaux. Le régime municipal québécois serait, selon Laurence Bhérer, caractérisé par un apolitisme implicite, une valorisation ambiguë du rôle de l’échelon local, une faible capacité politique et enfin un rejet de toute politisation trop importante de la scène politique locale 126 .

Il semble possible de résumer schématiquement ainsi le rapport au politique municipal en France et au Québec : la prééminence de l’attachement à la commune (au terroir) française s’oppose à l’image de l’entreprise municipale canadienne. La valorisation de l’identité communale apparait, de manière générale, plus exacerbée en France qu’au Québec. Les références au patrimoine, comme vecteur de mémoire et d’identité collective, sont toutefois mobilisées dans chacune de ces deux villes, et plus généralement en France et au Canada, depuis longtemps. Des enjeux émergent en effet au sein des communautés et sont l’objet de tractations et de tensions entre les principaux acteurs tant en France qu’au Canada 127 . Ils ne sont toutefois pas répercuté de la même manière par les Etats politiques et connaissent donc des mobilisations locales assez distinctes.

L’identification communautaire renvoie au second point que nous souhaitions évoquer. Au contraire de l’État-nation que constitue la France, le Canada présente certes une intersection, mais pas une identité absolue entre l’État politique et les communautés nationales. Le rapport que les élites canadiennes et québécoises entretiennent aux notions de nation et de communauté tend à créer une situation très particulière. A titre d’exemple, les Canadiens anglophones seraient beaucoup moins enclins à développer des liens de continuité entre passé et présent que ne le seraient les Canadiens francophones. Les incompréhensions et les divergences de vue qui sous-tendent les relations entre le fédéral et la Province du Québec sont données à voir à travers les multiples travaux universitaires portant sur le fédéralisme 128 . Pour nombre d’universitaires québécois, l’énigme canadienne réside dans les concepts de nation et d’Etat-nation : le concept d’Etat se rattacherait à une entité politique et juridique mieux connue sous le nom de « pays », quand le concept de nation représenterait une entité socio-culturelle dont les frontières seraient souvent distinctes des frontières étatiques 129 . En prolongeant ce raisonnement, le défaut de reconnaissance des communautés politiques en tant que nation est identifié comme l’une des causes des conflits politiques et comme l’une des raisons incitant les nations à rechercher et à assurer leur statut d’État-nation. Tel serait le cas au Québec 130 où les institutions dominantes du Canada ne reflèteraient pas la divergence qui existe dans les revendications de nature culturelle, historique et politique, produisant ainsi une situation d’impasse. Dès lors, la question de la mémoire, de l’identité et, partant, du patrimoine canadiens présente une complexité plus grande encore qu’en France : quel est l’acteur légitime pour sélectionner, énoncer et décréter les éléments constitutifs de l’histoire, de la mémoire et de l’identité nationale ? La création de comités nationaux de l’Icomos dans chacun de ces pays reflète justement la césure structurante pour ce qui a trait à la mémoire, à l’identité ou encore au patrimoine au Canada. L’association Icomos France défend une vision, une lecture et une interprétation de la notion de patrimoine dont les fondements ne sont pas l’objet de discussions. Au contraire, l’Icomos Canada est constitué de deux comités, l’un francophone et l’autre anglophone, dont les interprétations de cette notion sont régulièrement l’objet de tensions. Des haut-fonctionnaires français et canadiens participent actuellement ou ont pris part à la direction de l’Icomos International et sont membres du Comité du patrimoine mondial ou de son bureau.

Si l’analyse comparée des procédures lyonnaise et québécoise apparaît valide et utile, quelques précisions doivent toutefois être apportées quant à l’exemplarité de la gestion d’une inscription sur la Liste du patrimoine mondial lue comme une action internationale de villes. L’inscription sur la Liste s’effectue auprès d’une organisation intergouvernementale et les municipalités urbaines dont un site figure sur la Liste adhèrent à l’Ovpm. La gestion de l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial est donc à rapprocher des actions développées au sein de villes dans le cadre de politiques élaborées par des organismes supranationaux (Union Européenne, Organisation des Nations-Unies, etc.). Les conclusions de cette enquête pourront donc être comparées à celles portant sur ce type d’activités, une plus grande prudence sera toutefois nécessaire dans la généralisation de ses résultats à l’ensemble des « politiques d’internationalisation des villes ». Dans le cas Québécois, l’État représentera généralement le gouvernement provincial. C’est en effet ce dernier qui définit la notion de patrimoine et qui détient les compétences législatives relatives à l’existence des municipalités 131 .

Enfin, les travaux portant sur le patrimoine et sa production permettent d’identifier des spécialistes de cette notion, de souligner la diversité des professions concernées (au sein d’un même pays, ainsi que les références différentes entre France et Canada 132 ) et surtout la pluralité des acteurs revendiquant la capacité de porter un discours savant sur ce patrimoine 133 . Ces acteurs sont familiers de la notion soit parce qu’ils la côtoient professionnellement, soit parce qu’elle constitue leur objet de recherche universitaire ou encore parce qu’elle représente un intérêt particulier pour eux. Ils présentent alors des formes d’expertise et de savoirs assez différenciées sur le patrimoine. Certains d’entre eux réalisent des activités s’apparentant à des expertises 134 dans des cadres nationaux. Ils sont toutefois très peu dénommés experts en France et au Canada 135 , alors même que le recours à une expertise lors de la fabrique des biens du patrimoine mondial est régulièrement mentionnée par les Lyonnais et les Québécois. Nous essaierons de qualifier systématiquement les savoirs portant sur le patrimoine des acteurs intervenant à Lyon et à Québec ainsi que les expertises que certains seraient amenés à produire. Face à la profusion du terme d’expert de manière générale 136 (et à son absence dans les politiques publiques patrimoniales au Canada et en France comme dans les analyses universitaires qui en sont faites), nous avons choisi de ne pas en faire une catégorie d’analyse de cette recherche. L’expression savants du patrimoine désigne ici les acteurs possédant une représentation culturelle 137 de cet objet. Nous chercherons alors à souligner les différentes catégories que cette expression peut recouvrir au Canada, en France ainsi que dans l’espace transnational spécifique constitué autour du patrimoine mondial.

Notes
95.

Il existe des méthodes pour accroître le degré de généralisation d’une étude de cas sans pour autant multiplier trop les terrains investigués. Une des contributions majeures demeure celle de Charles Ragin. Il propose, en s’inspirant de l’algèbre, d’analyser un nombre de « N » relativement important (plus de trois cas et en général entre dix et vingt) sans tomber dans la règle des grands nombres et surtout tout en conservant le souci de complexité de l’étude de cas. Cela permet d’élaborer une théorie, à partir d’explications conjoncturelles et multiples, le contexte de chaque cas étant pris en compte. La démarche ne permet pas d’établir de grandes lois qui pourraient s’établir dans plusieurs contextes différents. Voir Ragin (Charles), The comparative method. Moving beyond qualitative and quantitative strategies, Berkeley, University of California Press, 1987. La démarche de Charles Ragin, suggérant la comparaison comme l’un des premiers outils de générabilité des études de cas, est une démarche traditionnelle de la politique comparée. Une telle approche uniquement par études de cas, telle que proposée par Charles Ragin (nombre de cas tout de même assez important) ou telle qu’utilisée par l’analyse comparée des politiques publiques, nous semble présenter certains risques, notamment celui d’ériger l’un des cas en modèle ou encore celui de laisser trop de place aux similitudes ou aux différences entre cas.

96.

Le cas correspond donc à la mise en relation, la confrontation entre des acteurs (des configurations d’acteurs), les objets et les choses qu’ils produisent et le contexte plus général au sein duquel l’observation de ces configurations fait sens et pose problème ou question. Limiter le nombre de cas vise alors à mener une analyse approfondie des relations sociales. Voir Ragin (Charles), Becker (Howard S.) (dir.), What is a case ? Exploring the foundations of social inquiry, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.

97.

Nous rejoignons ici Jean-Claude Passeron et Jacques Revel pour qui le cas se caractérise par deux traits : la singularité et l’utilisation du récit pour la décrire et préciser son contexte d’interprétation. Selon ces auteurs, La pensée par cas « procède par l’exploration et l’approfondissement des propriétés d’une singularité accessible à l’observation (…) parce qu’on espère en extraire une argumentation de portée plus générale, dont les conclusions pourront être utilisées pour fonder d’autres intelligibilités ou justifier d’autres décisions ». Voir Passeron (Jean-Claude), Revel (Jacques) (dir.), Penser par cas, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2005, p. 9.

98.

Russeil (Sarah), Les enjeux patrimoniaux entre processus de mobilisation…, op. cit.

99.

Badie (Bertrand), Politique comparée, Paris, Thémis Science Politique, Presses Universitaires de France, 1990, p. 18.

100.

La dizaine d’années séparant ces deux procédures d’inscription (temps finalement assez conséquent en regard des trente ans d’existence de la notion de patrimoine historique) nous semble aider à se dégager de problèmes liés à la vision officielle de l’Unesco ainsi que des catégories de perception officielles des institutions concernées. Elle permet en outre de mener une comparaison dynamique. Sans prétendre travailler dans une perspective historique, nous rejoignons ici l’usage de l’histoire comme instrument de rupture sous-tendant le travail de Vincent Dubois sur la formation de la culture comme catégorie de l’action publique. Dubois (Vincent), La politique culturelle. Genèse d’une catégorie d’intervention publique, Paris, Belin, 1999.

101.

Ces juridictions sont développées dans le cadre provincial pour Québec et national pour Lyon. Sur les déclinaisons différentes, voir notamment Paulhiac (Florence), Le rôle des références patrimoniales dans la construction des politiques urbaines à Bordeaux et à Montréal, Thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2002.

102.

Voir notamment pour Québec : Hulbert (François), Essai de géopolitique urbaine et régionale. La comédie Urbaine de Québec., Québec, Editions du Méridien, 1994 ; Racine (Nicolas), « L’insertion internationale… », art. cit. ; Prémont (Marie-Claude), « Montréal face à Québec : la longue histoire des recompositions territoriales dans la région métropolitaine de Montréal » dans Laurence Bhérer, Jean-Pierre Collin, Eric Kerrouche, Jacques Palard, Jeux d’échelle et transformation de l’État : le gouvernement des territoires au Québec et en France, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2005, p. 47-62 et pour Lyon : Jouve (Bernard), « Le réseau de villes comme territoire de la régulation : la métropole lyonnaise », dans Bernard Jouve, Christian Lefèvre, Métropoles ingouvernables…, op. cit.

103.

Voir en annexe, les présentations de l’histoire des « activités internationales » de Lyon et de Québec.

104.

Il constitue l’un des trois piliers de l’ordre constitutionnel canadien avec le gouvernement responsable et la Charte canadienne des droits et libertés.

105.

Le fédéralisme était considéré comme essentiel à la coexistence des communautés francophones et anglophones lors de l’établissement de la Loi constitutionnelle de 1867.

106.

La répartition des compétences législatives entre le fédéral et le provincial délimite l'étendue du pouvoir du Parlement du Canada et les pouvoirs de chaque législature provinciale.

107.

La Révolution Tranquille correspond à une période de rupture complète, à un tournant historique dans les vies politique, économique, sociale et culturelle du Canada. Elle est caractérisée par l’émergence d’un nouveau projet identitaire et politique québécois et francophone. Cf. Latouche (Daniel), Le Bazar. Des anciens Canadiens aux nouveaux québécois, Montréal, Boréal, 1990 ; Latouche (Daniel), Plaidoyer pour le Québec, Montréal, Boréal, 1995 ; Létourneau (Jocelyne), Passer à l’avenir. Histoire, mémoire, identité dans le Québec d’aujourd’hui, Montréal, Boréal, 2000 ; Gagnon (Alain G), Montcalm (Mary Beth), Québec : au-delà de la Révolution tranquille, Montréal, Editions Québécoises, vlb éditeur, 1992 ; Gagnon (Alain G.), Noel (Alain), L’espace québécois, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1995 ; Gagnon (Alain G.), Québec : Etat et société, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1994.

108.

Il s’agit alors d’une évolution vers un degré plus important de décentralisation. Cet ordre constitutionnel est toutefois réalisé sans l’accord des Québécois, ni de l’Assemblée nationale du Québec.Voir Gagnon (Alain G.), De l’Etat-nation à l’Etat multinational. Le Québec et le Canada face au défi de la modernité, Montréal, Etudes sur le Québec, 1995.

109.

Cette ligne de partage est régulièrement contestée. Ainsi, en étudiant l’action du gouvernement québécois (opérant un « partenariat stratégique » avec la France) cherchant à pousser l’Unesco à établir un avant-projet de convention sur la défense de la diversité et de la pluralité culturelle, Bruno Maltais et Guy Lachapelle montrent qu’une telle entité dispose de soutiens diplomatiques propres. Ils montrent ainsi que la coopération internationale ne se limite pas aux seuls Etats que les organisations internationales reconnaissent comme interlocuteurs légitimes. Voir Lachapelle (Guy), Maltais (Bruno), « Diversité culturelle et stratégies subétatiques : le cas du Québec », Revue internationale de politique comparée : « Du local à l’international : nouveaux acteurs, nouvelles diplomatie », vol. 12, n° 4, 2005, p. 143-160.

110.

L’expression est reprise de Dubois (Vincent), « Politique culturelle : le succès d’une catégorie floue. Contribution à l’analyse des catégories d’intervention publique », dans Martine Kaluszinski, Sophie Wahnich (dir.), L’État contre la politique ? Les expressions historiques de l’étatisation, Paris, L’Harmattan, Logiques Politiques, 1998, p. 167-182. Voir également, pour le cas de la France, les travaux menés sous la direction de Alain Faure et Emmanuel Négrier portant sur les répartitions de compétences dans ce secteur, sur les éventuels processus de décentralisation ainsi que sur les mobilisations d’acteurs au sein des agglomérations, voir Faure (Alain), Négrier (Emmanuel) (dir.), La politique culturelle des agglomérations, Paris, La Documentation Française, 2001.

111.

Sur la constitution des municipalités canadiennes, voir Isin (Engin F.), Cities without citizens.The modernity of the city as a corporation, Montréal, Black Rose Book, 1992.

112.

Bhérer (Laurence), Une lecture institutionnaliste du phénomène participatif. La politique consultative de la Ville de Québec, Université Montesquieu Bordeaux IV, Institut d’études politiques de Bordeaux, thèse de doctorat, 2003, p. 87. Ce point est d’ailleurs l’objet de revendications politiques importantes, voir notamment Boudreau (Julie-Anne), The megacity saga. Democracy and citizenship in this global age, Montréal, Black Rose Books, 2000. Le récent débat sur les fusions municipales a également remis à l’odre du jour ces valeurs, voir Bhérer (Laurence), Lemieux (Vincent), « La référence aux valeurs dans le débat sur la réorganisation municipale au Québec », Revue Canadienne de sciences régionales, vol. XXV, n° 3, p. 447-472.

113.

Sur l’histoire des municipalités québécoises, voir Gow (James Ian), Histoire de l’administration publique québécoise, 1867-1970, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1986 et le premier chapitre intitulé « Les régimes municipaux québécois et français » de la thèse de Laurence Bhérer, Bhérer (Laurence), Une lecture institutionnaliste…,op. cit., p. 81-145.

114.

Gow (James Ian), Histoire de l’administration publique québécoise, op. cit., p. 83.

115.

Collin (Jean-Pierre), Léveillée (Jacques), L’organisation municipale au Canada. Un régime à géométrie variable, entre tradition et trransformation. Groupe de recherche sur l’innovation municipale, 2003, p. 3-4. Précisons en outre qu’en 1971, le fédéral se dote d’un département d’État aux affaires urbaines, il pénètre alors dans ce secteur de compétence exclusivement provincial, ce qui est perçu comme une ingérence centralisatrice au Québec. Cf. Gagnon (Alain G.), De l’état-nation à l’Etat multinational…, op. cit.

116.

Précisons que si une très forte majorité des sources de revenus des municipalités québécoises est d’origine locale (89, 2% selon Québec, Ministère des Affaires Municipales, Prévisions budgétaires des organismes municipaux, 2003), la majorité des transferts du gouvernement provincial sont conditionnels au Québec [voir Quesnel (Louise), « La démocratie urbaine dans les métropoles canadiennes », dans Oscar W. Gabriel, Vincent Hoffmann-Martinot (dir.), Démocraties urbaines. L’état de la démocratie dans les grandes villes de 12 pays industrialisés, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 291-348, p. 311.]. En France où les sources de revenus d’origine locale sont un peu moins importantes, les dotations de l’État s’accompagnent de moins d’exigences. En outre, le contrôle financier est moins important dans ce second pays. Voir Bhérer (Laurence), Une lecture institutionnaliste…, op. cit.

117.

Voir Tindal (Richard C), Tindal (Susan N), Local government in Canada, Toronto, Nelson Thomson, Learning, 2000, p. 13.

118.

Bhérer (Laurence), Une lecture institutionnaliste…,op. cit., p. 89. Précisons en outre que si le rôle du maire est central au Québec, son autorité n’est pas aussi grande que celle de son homologue français. En revanche, l’équilibre des pouvoirs entre législatif et exécutif confère un rôle plus affirmé aux conseillers municipaux (en particulier à l’opposition) que celui dont disposent les conseillers municipaux français.

119.

Marcou (Gérard), « La démocratie locale en France : aspects juridiques », dans Loïc Blondiaux, Gérard Marcou, François Rangeon (dir.), La démocratie locale. Représentation, participation et espace public, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p. 21-44. Voir également Mabileau (Albert), Le système local en France, Paris, Montchrétien, 1994.

120.

Le Galès (Patrick), Le retour des villes européennes…, op. cit. Les études sur l’Union européenne ont ainsi amené certains auteurs à parler de gouvernance européenne polycentrique ou à multi-niveaux [voir Marks (Gary), Scharpf (Fritz W.), Schmitter (Philippe C.), Streeck (Wolfgang) (dir.), Governance in the European Union, Londres, Sage, 1996]. Nous verrons toutefois que l’Union européenne n’intervient pas dans cette action.

121.

Caillosse (Jacques), « Le ‘Local’, objet juridique », dans Albert Mabileau (dir.), A la recherche du « local », Paris, L’Harmattan, 1993, p. 111-151, p.129.

122.

Les municipalités rurales sont régies par le code municipal, les cités et les villes sont soumises à trois régimes législatifs : la Loi des cités et des villes,  les municipalités régies par des Lois spéciales et enfin les deux villes régies par des Chartes spéciales, Québec et Montréal.

123.

Bhérer (Laurence), Une lecture institutionnaliste…,op. cit., p. 91.

124.

Cette expression vise à désigner l’intérêt progressif des partis politiques nationaux pour les élections municipales, gagner une ville devenant alors un enjeu de batailles politiques nationales, ce que Jaques Caillosse explique par l’émergence d’une municipalité « politique ». Caillosse (Jacques), « Eléments pour un bilan juridique de la démocratie locale en France », dans Loïc Blondiaux, Gérard Marcou, François Rangeon (dir.), La démocratie locale. Représentation, participation et espace public, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p. 71-78, p. 72-73.

125.

Ces lois, adoptées au début des années 1970, visaient à reconnaître les partis politiques municipaux et à baliser la pratique de la démocratie municipale.

126.

Bhérer (Laurence), Une lecture institutionnaliste…,op. cit., p. 143-144.

127.

Voir pour un exemple ancien, Aguhlon (Maurice), La République au village. Les populations du Var de la Révolution à la IIème République, Paris, Seuil, 1979.

128.

 Voir par exemple Burgess (Michael), Gagnon (Alain G.), Comparative federalism and federation : competing traditions and future directions, Toronto, Buffalo, University Press of Toronto, 1993 ; Gagnon (Alain G.), Québec : Etat et société, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1994 ; Gagnon (Alain G.), Maclure (Jocelyn) (dir.), Repères en mutation : identité et citoyenneté dans le Québec contemporain, Montréal, Québec-Amérique, 2001 ;Resnick (Philip), Letters to a Québécois Friend, Montréal, McGill Queen’s, 1990 ; Resnick (Philip), Thinking English Canada, Toronto, Stoddart Publishing Co, 1994 ; Resnick (Philip), « Repenser le fédéralisme canadien », dans Alain G. Gagnon, Jocelyn Maclure (dir.), Repères en mutation…, op. cit.

129.

Voir par exemple : Gagnon (Alain G.), De l’état-nation à l’Etat multinational…, op. cit., p. 2.

130.

Ibid. Bernard Gagnon et Jacques Palard mettent en évidence que les stratégies des provinces diffèrent fortement en matière d’action extérieure : la province de Québec se singulariserait en cherchant à transformer, pour des raisons identitaires, ses relations internationales en une véritable politique étrangère. Voir Gagnon (Bernard), Palard (Jacques), « Relations internationales des régions et fédéralisme. Les provinces canadiennes dans le contexte de l’intégration nord-américaine », Revue internationale de politique comparée : « du local à l’international : nouveaux acteurs, nouvelle diplomatie », vol. 12, n° 4, 2005, p. 161-178.

131.

Nous préciserons systématiquement lorsqu’il s’agira de l’État fédéral. De même, le terme national renvoie d’abord à la province de Québec. Toutefois, lorsque nous parlons de scènes nationales, il peut s’agir, par extension, de scènes provinciales ou fédérales.

132.

Ces différences sont liées aux structures politico-administratives ainsi qu’aux définitions étatiques du patrimoine. Il apparaît ainsi, selon Yvon Lamy, « structurellement dépendant de la conscience qu’en prend la nation protectrice, en vue d’y découvrir et d’y considérer la marque de sa propre grandeur historique et des choix responsables qui la lient », Lamy (Yvon) (dir.),L’alchimie du patrimoine…, op. cit.., p. 11.

133.

Voir notamment Bourdin (Alain), Le patrimoine réinventé, Paris, Presses Universitaires de France, 1984 ; Léniaud (Jean-Michel), L’utopie française. Essai sur le patrimoine, Paris, Mengès, 1992 ; Lamy (Yvon) (dir.),L’alchimie du patrimoine…, op. cit.. et Paulhiac (Florence), Le rôle des références patrimoniales…, op. cit.

134.

L’expertise correspond à une position provisoire, stabilisée par des investissements forts et évolutifs, mais occupée de manière incertaine par les experts. Voir Trépos (Jean-Yves), La sociologie de l’expertise, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », n° 3119, 1996, p. 47.

135.

Une telle dénomination est absente des discours des acteurs ainsi que des travaux de recherche portant sur le patrimoine.

136.

Trépos (Jean-Yves), La sociologie de l’expertise, op. cit. ; Restier-Melleray (Christiane), « Experts et expertise scientifique. Le cas de la France », Revue française de science politique, n° 4, 1990, p. 546-585 ; Brint (Steven), In an Age of Experts : The Changing Role of Professionals in Public Life, Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1994. Voir également la présentation de la notion d’expertise dans l’analyse des politiques publiques de Denis Saint Martin : Saint Martin (Denis), « Expertise », dans Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Science Po, 2004, p. 209-216.

137.

La représentation culturelle renvoie à la relation, établie par les juridictions nationales notamment, entre la collectivité et son environnement. Elle rassemble les lectures architecturales, techniques et professionnelles du patrimoine. Linossier (Rachel), Russeil (Sarah), Verhage (Roloef), Zepf (Marcus), « Entre conflits et synergies. Renouvellement urbain et patrimonialisation », DISP,159, 2005, p. 4-12.