2. Les maires face au « patrimoine mondial » : des élites municipales à sensibiliser

Si l’approbation des services étatiques est nécessaire à la procédure d’inscription, elle est loin d’être suffisante. Les représentants de l’État sont, lors de la procédure d’inscription, les interlocuteurs officiels de l’Unesco ; leur rôle se limite toutefois à demander un formulaire puis à déposer les dossiers de candidature 327 . De fait, la réalisation de ces derniers est, dans la plupart des cas, confiée aux gestionnaires des biens concernés. Il en est ainsi en France et au Canada 328 . Dès lors, les conditions de mobilisation des élites municipales sont déterminantes dans la définition des modalités de la fabrique des dossiers de candidature. L’adhésion de Raymond Barre à Lyon et celle de Jean Pelletier à Québec sont loin d’être évidentes. Ainsi, les argumentaires développés auprès des agents et des représentants étatiques n’engendrent pas les mêmes effets auprès des maires. Certains argumentaires auraient même pu entrainer des réactions de refus : insister par trop sur la dimension protection correspond en effet, par exemple, à renforcer une prérogative étatique.

Les contextes politiques locaux et les ambitions urbaines de rayonnement international sont toutefois propices au développement et à la mise sur agenda municipal d’une proposition d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial. La rhétorique sur l’internationalisation des villes n’est pas nouvelle 329 et les politiques qui en découlent empruntent également, peut-être même essentiellement, à des « dynamiques locales » 330 . Cette rhétorique prend, depuis quelques décennies, une place essentielle dans l’élaboration de l’action publique. Gilles Pinson et Antoine Vion notent ainsi qu’un « nouveau discours émerge dont le contenu est à peu près celui-ci : dans un contexte de compétition territoriale, seules les villes dotées de fonctions internationales ou de spécialisations économiques dans des secteurs d’excellence seront aptes à jouer un rôle » 331 . Déclinée à Lyon et à Québec de manière totalement différente, cette rhétorique facilite l’adhésion des maires et tend à présenter les propositions d’inscription, au plan local, comme une stratégie internationale des municipalités. Les engagements de Raymond Barre et de Jean Pelletier ne deviennent, en outre, effectifs que lorsque ces maires, non initiés au patrimoine mondial, rencontrent des représentants de l’Unesco, soulignant alors fortement le volet international de cette action.

Notes
327.

Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial culturel et naturel, Paris, Unesco, 1997.

328.

Voir les présentations, dans leurs textes statutaires, du Patrimoine mondial des commissions nationales française et canadienne auprès de l’Unesco.

329.

Pinson (Gilles), Vion (Antoine), « L’internationalisation des villes comme objet d’expertise », art. cit.

330.

Ibid, p. 98.

331.

Ibid.