I. Les contraintes d’une procédure internationale et le renouvellement des conditions locales d’action : penser d’abord par le patrimoine

Comprendre comment sont créées les conditions de la fabrique des dossiers de candidature à Lyon et à Québec nécessite d’abord de savoir à quelles contraintes les Lyonnais et les Québécois sont confrontés. De fait, cette fabrique n’est ni immédiate, ni simple dans ces deux villes, malgré les validations politiques des instances étatiques et municipales. Les « entrepreneurs politiques » des inscriptions font face à deux types de difficultés. Le premier est lié aux contextes locaux, aux équilibres obtenus au cours de l’histoire urbaine autour des politiques portant sur le patrimoine et s’apparente finalement à un phénomène de dépendance au sentier. Ces contraintes « internes » correspondent essentiellement à un refus de remettre en jeu les définitions de ce qui fait patrimoine aux plans local et national ainsi qu’aux difficultés des configurations locales d’acteurs à saisir le cadre international de la solution proposée. Ce refus est d’autant plus important qu’à partir des années quatre-vingt se mélangent un « patrimoine en train de se dire » et un « patrimoine en train de se faire » 363 . De fait, si les configurations d’acteurs, à Lyon et à Québec disposent, d’une partie au moins, des ressources et des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la décision municipale, elles ne sont finalement que peu impliquées dans la fabrique des dossiers de candidature. Plus largement, l’absence ou le timide engagement de ces acteurs dans ce processus révèle des difficultés d’ajustement et d’adaptation au cadre d’action de ce projet, mais aussi un manque de légitimité de ceux qui la proposent. Le second type de contraintes relève de la dimension internationale de la procédure face à laquelle les configurations d’acteurs identifiées dans le premier chapitre apparaissent relativement impuissantes. La présente section vise à comprendre comment ces contraintes « internes » et « externes » s’expriment, comment elles sont perçues et, enfin, comment elles sont intégrées, voire en partie contournées. La mise en œuvre des projets entraîne en effet des perturbations de l’environnement au sein duquel les acteurs évoluent habituellement 364 , perturbations qui, selon nous, conditionnent ensuite la réalisation des dossiers de candidature.

Notes
363.

Lamy (Yvon) (dir.), L’alchimie du patrimoine. Discours et politique, Bordeaux, Editions de la maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 1996.

364.

Jean-Gustave Padioleau nomme « perturbations » les évolutions subies par l’environnement des acteurs lors de la de mise en œuvre d’une décision publique. Padioleau (Jean-Gustave), L’Etat au concret, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, p. 139