Sans perdre entièrement son statut d’objet patrimonial participant à la construction d’une identité nationale et d’un Etat moderne, le patrimoine est devenu à partir des années 1980 un objet au service de projets urbains territorialisés 365 . Ces deux statuts, présents en France et au Québec, contribuent à structurer les configurations existantes autour du patrimoine. De fait, ils expliquent nombre des « luttes d’institutions » 366 qui ont lieu au plan local (cf. supra). Pour saisir les contraintes locales, nous nous proposons d’observer les réactions (ou l’absence de réactions) des configurations d’acteurs lyonnaise et québécoise face aux solutions proposées par les deux « entrepreneurs politiques ». En effet, les liens que ces « entrepreneurs politiques » établissent entre patrimoine historique et patrimoine mondial laissent penser que les acteurs de ces configurations pourraient fabriquer les dossiers de candidature ou, au moins, participer à leur élaboration. Dans chacune des deux villes, les perturbations apportées par une solution originale, en regard des solutions généralement proposées, constituent d’abord un obstacle ou un frein à l’action. Plus largement, les réactions des acteurs locaux face à la proposition d’une candidature auprès de l’Unesco déterminent largement les conditions dans lesquelles les dossiers de candidature seront établis. Il sera alors temps d’expliciter comment les principales conditions locales de fabrique des dossiers de candidature sont créées.
Paulhiac (Florence), Le rôle des références patrimoniales dans la construction des politiques urbaines à Bordeaux et à Montréal, Thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2002.
Gaxie (Daniel), Luttes d’institutions. Enjeux et contradictions de l’administration territoriale, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques juridiques », 1997, voir en particulier le chapitre de Yves Buchet de Neuilly, « Mobilisation autour de l’aménagement urbain. Luttes territoriales et prégnance des logiques sectorielles », p. 165-194 ; Hérault (Bruno), « Aménagements urbains, patrimoine collectif et système politico-administratif », dans Yvon Lamy(dir.), L’alchimie du patrimoine…, op. cit., p. 435-459.