1. Quand les savants du patrimoine mondial évaluent les propositions municipales

L’évaluation, définie par la Convention de 1972, mobilise principalement, sous le pilotage du Comité du patrimoine mondial, deux organismes : l’Uicn pour le patrimoine naturel et l’Icomos international pour le patrimoine culturel 508 . Le travail d’évaluation correspond à l’étude des dossiers de candidature afin de vérifier que les justifications qu’ils proposent satisfont les critères internationaux 509 . Il s’achève par la réalisation de « fiches d’évaluation » rendant compte de l’avis de l’organe consultatif sur la qualité et sur la pertinence de la proposition étudiée. De fait, un travail d’indexation et de sélection est réalisé lors de l’élaboration des fiches d’évaluation des propositions lyonnaise et québécoise. Ce travail tend en outre à modifier de façon non négligeable (cf. infra) les justifications validées par les municipalités. L’évaluation participe donc du travail politique qui sous-tend le processus de décision. Or, les conditions de réalisation des collaborations entre l’Unesco et l’organisme évaluateur apparaissent finalement assez peu définies et laissent place à l’innovation et à des pratiques se définissant empiriquement petit à petit. De fait, si l’Icomos international est désigné comme l’organisme responsable de l’évaluation dans les textes des Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, les définitions des modalités de cette évaluation sont laissées aux responsables de cet organisme et ne sont que très peu diffusées. Les termes du contrat liant les deux organismes sont également maintenus confidentiels 510 . Toutefois, l’Unesco, le mandataire, et le secrétariat de l’Icomos, le commanditaire, présentent les individus qui réalisent ces évaluations comme des « experts ». Ces derniers sont de fait habilités, à travers ces contrats, à établir la représentation officielle des biens du patrimoine mondial, c’est-à-dire à définir la justification des « décrets publics patrimoniaux ». L’évaluation des propositions municipales ne se résume donc pas à une simple validation. Nous verrons qu’elle résulte d’une analyse rationnelle des propositions en regard des critères internationaux, mais aussi en fonction des caractéristiques des biens déjà inscrits ainsi que des motivations locales pour faire inscrire un site. Mieux, l’analyse comparée des évaluations des propositions lyonnaise et québécoise montre que des débats autour des définitions de la notion de patrimoine mondial au sein de l’Icomos international contraignent en grande partie la réalisation de d’évaluation. Reste donc à savoir qui sont ces « experts » et surtout à comprendre comment ils procèdent.

Notes
508.

Unesco, Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Stockholm, 1972, articles 13. 7 et 14.2.

509.

Unesco, Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, 2005.

510.

Unesco, Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, 2005, (Paragraphes 31-37), p. 9-11. Un contrat existe, semble-t-il, entre l’Unesco et l’Icomos international, mais nous n’avons pas été autorisée à le consulter. Il s’agit, selon l’un des membres du bureau de l’Icomos, d’un contrat de travail qui fixe le montant des rémunérations des évaluations réalisées par cet organisme.