Ce que bien de l’humanité veut dire

Comprendre ce que bien de l’humanité veut dire nécessite de revenir aux origines de la notion de patrimoine mondial et de la Convention de 1972. C’est en effet là que se constituent certaines tensions et certains enjeux qui structurent, aujourd’hui encore, la fabrique de la Liste à travers la définition et la répartition des ressources initiales, notamment politiques, mises à disposition de cette fabrique. Il ne s’agit pas ici d’exposer l’histoire précise de ce long cheminement 574 , mais plutôt de retracer les principaux évènements du processus. De fait, interroger, ne serait-ce que partiellement, les mécanismes de construction de l’action publique, la mise en œuvre de cette action et retracer les grandes évolutions qu’elle subit permet de rendre compte d’un espace politique investi, suite à la Seconde Guerre Mondiale, par différentes catégories d’acteurs habités d’une foi internationaliste 575 . De nouvelles formes d’actions politiques et scientifiques voient alors le jour. Elles ne sont finalement que très difficilement placées sous l’égide de l’Unesco créant de fait des tensions au plan international autour de ces actions. En outre, en revendiquant l’élargissement à l’espace international de formes d’interdépendances sociales forgées dans la nation, les pères fondateurs de la notion et de l’objet patrimoine mondial créent, autour de cet objet, les conditions d’émergence d’enjeux entre nations et entre Etats.

Notes
574.

Les archives de l’Unesco relatives à la préparation de la Convention du patrimoine mondial ont entièrement disparu dans un incendie en 1984. Sont aujourd’hui à notre disposition les témoignages des principaux protagonistes de cette convention, et plus spécifiquement les écrits de deux d’entre eux : Michel Batisse et Gérard Bolla dans Batisse (Michel), Bolla (Gérard), L’invention du « patrimoine mondial », Paris, Club histoire AAFU, 2003.

575.

Chloé Maurel a montré que l’Unesco est, dès sa naissance, une organisation militante qui vise à construire l’idéal d’une « culture mondiale unique ». Maurel (Chloé), « La mise en pratique de l’idéal universaliste de l’Unesco (1945-1955), une mission impossible », Relations internationales, 116, 2003, p. 573-588.