1. Les élus locaux face à l’évaluateur international : import-export autour du patrimoine mondial

Le chapitre précédent met en évidence une intense activité, due notamment à de multiples circulations d’individus au sein de l’Icomos international, entre le dépôt de dossiers concernant de nouvelles propositions d’inscription et les décisions prises par le Comité du patrimoine mondial d’inscrire ou non ces sites sur la Liste. L’évaluation in situ est apparue précédemment comme un moment au cours duquel les échanges et les connexions entre les gestionnaires de sites proposés à l’inscription et les évaluateurs sont recherchés. Cette visite participerait donc de cette phase d’intense activité. Il s’agit alors d’observer concrètement qui est mobilisé parmi les gestionnaires des sites évalués, comment ces acteurs se positionnent face à l’évaluateur, par qui ils sont habilités à parler et dans quel cadre. Il s’agit ensuite de questionner les éventuels effets en retour et donc de saisir comment ces visites et les connexions qui ont lieu influent sur les « problématisations » locales du patrimoine mondial : les élus locaux sont alors en effet face à la notion de patrimoine mondial telle qu’elle est pensée à travers les activités scientifiques et politiques internationales. L’analyse du déroulement de ces visites et de leurs conditions de réalisation vise à caractériser le positionnement des gestionnaires de site vis-à-vis des évaluateurs et donc de l’Icomos international et, enfin, à comprendre comment les premiers perçoivent et pensent les responsables de la mise en œuvre du patrimoine mondial. L’étude de visites réalisées après l’inscription à Québec apporte des éléments complémentaires, non pour ce qu’elles entraînent en termes d’action publique (voir pour cela la partie III), mais pour leur caractère très officiel et pour situer dans la durée la perception que les acteurs locaux ont des évaluateurs ainsi que de l’Unesco et de ses organes consultatifs.

L’arrondissement historique de Québec n’est pas soumis à une évaluation sur place, celle-ci étant récemment instituée. En revanche, des missions sont organisées à deux reprises 683 dans la capitale québécoise sur commande de l’Icomos international et de l’Unesco afin d’observer le contexte local et le fonctionnement des acteurs dans le domaine de la gestion du patrimoine (cf. infra). Les observations sont restituées par la suite auprès du Comité du patrimoine mondial 684 . Ces missions, qu’elles aient lieu pendant la procédure d’inscription ou ultérieurement, sont, par les caractéristiques des personnes qui les commandent, de celles qui les effectuent, par leurs méthodes et par les contextes dans lesquels elles se déroulent, très similaires.

Notes
683.

 Une première mission d’un évaluateur de l’Icomos se déroule en 1992 à la suite de différends relatifs à un projet privé (soutenu par la municipalité québécoise), une seconde en 1999 consécutive aux difficultés suscitées par un projet du Port autonome de Québec (projet fédéral). Voir la partie III.

684.

Il s’agit de ce que le Comité du patrimoine mondial appelle le suivi réactif qui consiste à commander « des rapports sur l’état de conservation de certains biens du patrimoine mondial qui sont menacés ». Des professionnels sont envoyés observer le fonctionnement de sites lorsque des difficultés liées à leur gestion sont mentionnées. Voir les paragraphes 169 à 176 de Unesco, Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, 2005.