Le transnational et l’accès aux activités politiques internationales

La reconnaissance des compétences et des prérogatives des administrations municipales passe également par l’implication de leurs agents dans des actions pensées et développées au-delà des territoires communaux ou communautaires. Savoirs et savoir-faire municipaux sont proposés par des individus sur des scènes régionales, nationales ou encore internationales. De fait, les municipalités adhérant à l’Ovpm prennent part à des actions de ce type en leur nom 1128 . Les activités proposées par le secrétariat général de l’Organisation ou encore des initiatives municipales en réponse à des sollicitations extérieures (par exemple émanant des Etats ou de l’Unesco) constituent autant de moments propices à l’implication d’agents municipaux dans des activités à visée ou à dimension internationale, pensées et mises en œuvre par des administrations communales en deçà de leurs limites territoriales.

La petite structure que constitue l’Ovpm ne dispose pas, en interne, de connaissances ou de compétences spécifiques en matière de patrimoine. Les salariés de l’Organisation disent s’appuyer, pour chacune des activités qu’ils initient, sur les agents des municipalités adhérant à l’Ovpm. Sans revenir sur l’expertise dont disposerait l’Ovpm, il s’agit ici de souligner les sollicitations et les collaborations proposées aux édiles urbains et la nécessaire implication d’agents municipaux pour que ces actions voient le jour. Les employés municipaux interviennent alors sur décision des maires et participent à l’élaboration et à la mise en œuvre d’actions portant sur le patrimoine et concernant sa protection et surtout sa valorisation. Ces activités partenariales constituent autant d’opportunités que saisissent les agents municipaux pour s’afficher comme compétents à l’extérieur de la municipalité et, a posteriori, pour se légitimer au plan local grâce, notamment, aux coopérations avec des homologues étrangers. L’analyse des activités dans lesquelles les municipalités québécoise et lyonnaise s’investissent permet d’identifier deux grands types d’accès aux activités pensées dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial : l’Ovpm et les administrations étatiques. Là encore, la municipalité québécoise apparaît très présente et active dans chacune des initiatives élaborées par le secrétariat général de l’Organisation. Les édiles lyonnais, en revanche, s’investissent dans des activités de partenariats parallèles à celles proposées par l’Ovpm et tentent de développer un réseau similaire à ce dernier, mais à l’échelle nationale.

La municipalité québécoise est particulièrement impliquée dans les activités régulières de l’Ovpm ne serait-ce que parce qu’une proximité géographique et qu’un partage de personnels les rapprochent, voire les rendent dépendants. Les différentes activités que proposent les salariés de l’Ovpm ou les maires des villes adhérant à l’Ovpm sont généralement cohérentes avec les ambitions municipales québécoises. Concours photos pour les jeunes, partenariats avec les auberges de jeunesse, concours de dessins d’enfants sur le thème du patrimoine mondial, et plus récemment construction d’une série télévisée à partir de jeunes habitants des villes du patrimoine mondial sont autant d’actions pensées au sein de l’Ovpm auxquelles les services administratifs québécois sont associés. Il s’agit principalement d’activités de sensibilisation de la jeunesse et de communication sur les villes du patrimoine mondial pour lesquelles quelques agents québécois sont sollicités. Ces derniers viennent en renfort essentiellement pour l’élaboration de ces actions, ce qu’ils expliquent par « des habitudes de travail » ou encore  par le fait qu’ils « savent faire et développer ce type d’activités et puis [qu’ils] travaillent depuis quelques années maintenant en partenariat avec l’Ovpm : on se connaît, c’est plus facile maintenant » 1129 . L’implication des agents québécois s’effectue d’abord dans le cadre d’activités conjointes à plusieurs villes du patrimoine mondial, lors d’actions d’animation du réseau international de villes. Nous n’avons toutefois pas identifié, lors de nos enquêtes de terrain, de coopération, entre les services municipaux de Québec et ceux d’une autre ville ou encore entre Québécois et salariés de l’Ovpm, portant sur des activités de protection ou de conservation du patrimoine, bien que les interventions de Francine Béjin lors des congrès de l’Organisation tendent systématiquement à présenter les pratiques québécoises comme des réussites exemplaires. A travers sa participation à l’Ovpm, la municipalité québécoise renforce d’abord et avant tout ses stratégies de communication et de publicité externes. Elle s’implique également aux plans national et nord-américain, à travers l’Office du tourisme de Québec, dans de telles actions. Il s’agit, là également, de développer et de consolider sa réputation de modèle en matière de promotion touristique, exemplarité exploitée notamment par certains services de Parcs Canada. Dans le cadre des démarches collectives et conjointes au Canada et aux Etats-Unis pour établir le rapport périodique pour l’Unesco 1130 , un rapprochement entre gestionnaires de plusieurs sites du patrimoine mondial est proposé. Cette collaboration vise à assurer, à moindre frais, la publicité de ces sites, comme le rappelle le directeur de l’Office du tourisme de Québec :

‘« Au fond ce que cela va donner, c’est que les 13 sites ensembles vont pouvoir se payer un directeur, un chargé de projet de haut niveau qui va s’occuper de coordonner des actions de recherche, de normes de qualité, de mesure d’impact, dans une perspective que ces données là vont pouvoir être utiles à de la commercialisation par exemple, éventuellement. » 1131

Ce partenariat, actuellement en cours de définition, est principalement piloté par les agents de Parcs Canada et leurs homologues américains, ces individus s’appuyant essentiellement sur les initiatives et les pratiques locales qu’ils suivent depuis de longues années déjà. Ainsi, si les présentations réalisées lors des réunions officielles de l’Ovpm tendent à inscrire le patrimoine mondial à Québec dans des logiques de protection du patrimoine, dans le secteur de l’urbanisme et à ériger les pratiques locales dans ces domaines comme exemplaires, les activités concrètes des élus et des agents québécois au sein du réseau international de villes ont d’abord trait à la représentation de la ville, à la communication sur son patrimoine et à la diffusion des actions publiques dont il est l’objet. Cette dynamique permet de développer des partenariats en termes de communication à des échelles plus larges (au plan canadien ou nord-américain) et, par des effets en retour, aide à légitimer la publicité et la communication réalisée autour du Vieux Québec par l’administration québécoise et ses partenaires institutionnels.

L’analyse comparative nous a permis d’identifier, à Lyon, des activités de coopération qui auraient pu prendre place dans le cadre de l’Ovpm et qui, de fait, se déroulent à la marge. Les agents lyonnais n’ont en effet, jusqu’à la fin de l’année 2004, pris part à aucune des actions de sensibilisation vis-à-vis du patrimoine initiées par l’Ovpm 1132 . En revanche, des partenariats et des « actions de solidarité », pour reprendre les termes de ces agents, sont développés assez rapidement entre des agents de l’administration lyonnaise et des acteurs extérieurs à cette administration. Le chargé de mission site historique s’est rendu plusieurs fois à Porto Novo (Bénin) 1133 et a travaillé, avec les agents et les dirigeants de cette ville, à l’élaboration d’une proposition de candidature pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial (la Route des esclaves) et au développement d’une politique de protection du patrimoine au sein de la ville dans le cadre de la réhabilitation du centre-ville. Dans une même logique, des réflexions sont menées en coopération avec le Maroc et la Tunisie sur la protection et sur la conservation des médinas 1134 . De telles activités participent d’un engagement Nord-sud fortement présent en France et en Europe 1135  ; c’est d’ailleurs ainsi que le chargé de mission site historique présente la « responsabilité [de Lyon] vis-à-vis des pays du sud » :

‘« Le quatrième engagement est plus anecdotique, c’est cette responsabilité de solidarité et notamment en direction des pays du Sud. Cette solidarité est légitimée par, d’abord c’est un engagement et ensuite nous sommes une agglomération en Région Rhône-Alpes, en Europe avec quelques moyens quand même et donc c’est normal que nous assumions cette responsabilité, mais elle est aussi renforcée par le fait que notre thématique, c’est la question urbaine et bien sûr les questions de développement dans les pays du Sud sont entre autres liés aux problèmes d’urbanisation sauvage et la question urbaine est un sacré enjeu dans le développement des pays du tiers-monde. Donc cette triple responsabilité, l’engagement vis-à-vis de l’Unesco, le fait qu’on a quelques moyens et que nous devions jouer ce rôle là et vous imaginez bien le maire de Lyon est très sensible à ce rôle là et puis cette question urbaine pour laquelle Lyon joue un rôle un peu important. » 1136

Ces activités sont menées en partenariat avec le service chargé de la coopération décentralisée au sein de l’administration lyonnaise et résultent principalement d’un appel des agents du Centre du patrimoine mondial auprès de Bruno Delas. Ces différents partenaires sont favorables à de telles initiatives et, selon les entretiens menés auprès du Centre du patrimoine mondial et de la commission française auprès de l’Unesco, tentent d’en impulser régulièrement. Pour ces activités, le chargé de mission s’appuie sur les accords de coopération décentralisée préexistants et tente de les développer, de les consolider et éventuellement d’en créer de nouveaux. Une telle activité est d’autant plus facilement initiée qu’elle s’inscrit dans le cadre de la convention France-Unesco. Cette dernière, entrée en application en 1998, est un accord de coopération technique et financière engageant les services de l’Unesco, les ministères français de la Culture, de l’Équipement, des transports et du logement, des Affaires étrangères et enfin de l’Ecologie. Elle prône le « soutien technique d’experts du gouvernement français, d’institutions françaises ainsi que d’autorités locales et d’associations » 1137 aux activités lancées par l’Unesco, notamment celles qui ont trait à la gestion, la conservation et la valorisation du patrimoine monumental, urbain et naturel. L’inscription du site historique de Lyon sur la Liste du patrimoine mondial engendre l’identification des services municipaux comme « experts » potentiels pour de telles actions, avant même que ces services municipaux ne se présentent d’eux-mêmes comme tels. Ces engagements lyonnais relèvent bien davantage de logiques professionnelles et sectorielles que d’un investissement politique important de la part de l’équipe municipale. Mieux, en s’intégrant dans des dynamiques initiées et portées par l’État, les agents municipaux lyonnais se démarquent en partie des activités de l’Ovpm et ancrent plus fondamentalement leurs engagements dans la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial. Il serait par trop aventureux d’affirmer que ces engagements en marge de l’Ovpm procèdent d’une volonté politique municipale tant ils semblent résulter d’opportunités saisies par des agents des administrations étatiques et municipales. Il n’en reste pas moins qu’ils soulignent les décalages importants entre les représentations officielles du patrimoine mondial véhiculées par l’Ovpm et celle que la nouvelle équipe municipale souhaite diffuser, davantage déclinée en termes de protection du patrimoine qu’en termes de valeur exceptionnelle universelle et de notoriété. Ces décalages ont trouvé récemment des traductions plus significatives encore. Si la municipalité lyonnaise a marqué plus fortement qu’auparavant son engagement auprès de l’Ovpm, celui-ci demeure toujours timide. Elle s’est, en revanche, fortement investie, en se présentant même comme l’un des piliers de cette initiative, dans le réseau français des sites du patrimoine mondial qui se structure depuis quelques années, en collaboration avec des agents et des représentants du ministère de la Culture 1138 . Ce faisant, l’équipe municipale affiche et affirme sa représentation du patrimoine mondial face aux administrations étatiques et se définit une place au plan national dans le domaine de la gestion, de la conservation et de la valorisation du patrimoine. Le discours de l’adjoint à la culture, Patrice Béghain, lors des journées de décembre 2005 1139 , montre ces velléités locales de changements dans la manière de penser le patrimoine mondial. L’élu lyonnais souhaite visiblement déplacer vers d’autres scènes ces manières de penser. Il a ainsi longuement insisté, dans son propos, sur la nécessité de traiter et de gérer l’ensemble du patrimoine lyonnais de la même manière, conformément à l’ensemble des actions mises en œuvre par la mission site historique depuis 2001, mettant ainsi délibérément de coté le caractère universel exceptionnel du site historique de Lyon, donc des biens du patrimoine mondial, pourtant élément fédérateur des villes adhérant à l’organisation.

Les analyses précédentes indiquent donc qu’il devient, suite à l’adhésion à l’Ovpm ou parallèlement à cette adhésion, nécessaire pour les municipalités urbaines de s’afficher et de s’affirmer sur ces questions de gestion et de valorisation du patrimoine, en dehors du seul contexte local (qu’il soit municipal, communautaire ou régional). Mieux, la mise en parallèle des implications lyonnaises et québécoises en rapport avec le patrimoine mondial révèle que ces deux municipalités participent aux activités politiques et scientifiques de l’espace du patrimoine mondial en investissant des domaines d’action distincts : la protection et la conservation pour Lyon, et la valorisation de la ville par le label international pour Québec. Les ambitions québécoises de développer ou de renforcer des activités de paradiplomatie à travers l’objet patrimoine mondial sont finalement à nouveau données à voir. Les édiles et les agents lyonnais tentent, quant à eux, de s’affirmer politiquement dans des activités nationales et internationales en s’appuyant sur les pratiques étatiques éprouvées et en se pensant, dans l’espace transnational, comme partie constitutive de l’État.

Les décalages et les distinctions entre les actions lyonnaises et québécoises, mises en évidence au cours de cette analyse, sont d’abord liées aux représentations locales du patrimoine mondial et aux ambitions politiques des équipes municipales. Les cadres politiques dans lesquels les candidatures à une inscription sur la Liste du patrimoine mondial, puis les adhésions à l’Ovpm ont été pensées, essentiellement en termes de rayonnement international, se révèlent particulièrement déterminants dans les modes de renouvellement des représentations locales du patrimoine mondial ainsi que dans les façons de penser l’engagement municipal en faveur de la Convention du patrimoine mondial. Décalages et distinctions entre usages québécois et lyonnais d’une adhésion à l’Ovpm résultent également fortement des différences entre les régimes et les organisations politico-administratifs nationaux, ainsi que des positionnements étatiques au sein de cet espace transnational spécifique et constitué autour du patrimoine mondial. Des agents de l’administration française ont participé à l’élaboration de la Convention du patrimoine mondial et le gouvernement français fut l’un des premiers à la ratifier. Ces derniers bénéficient aujourd’hui d’un rapport privilégié à l’Unesco à travers la Convention France-Unesco et d’un savoir en matière de protection du patrimoine fort grâce à la présence d’un comité national d’Icomos très actif. A contrario, le gouvernement canadien peine encore à se faire reconnaître comme interlocuteur légitime pour tout ce qui a trait à la conservation et à la protection du patrimoine, y compris en interne (cf. infra). L’Icomos Canada est assez peu entendu à l’échelle canadienne et la multitude d’associations dévouées au patrimoine, au plan canadien, tend à rendre moins lisible une expertise et un intérêt forts pour cet objet outre-Atlantique.

Reste que, dans ces deux villes, l’adhésion à l’Ovpm, comme les implications dans l’espace transnational, engendrent des perturbations des pratiques et des régulations telles qu’elles étaient précédemment pensées et développées. Le réseau international de villes est l’occasion de renforcer, développer, et surtout de présenter un intérêt collectif local au moins dans le domaine d’action ayant trait au patrimoine. L’Organisation des villes du patrimoine mondial constitue donc d’abord un cadre d’action officiel auquel il est possible de se référer pour légitimer des actions et des politiques précises au plan local, pour tenter de fédérer les acteurs locaux et d’agréger leurs stratégies et enfin, peut-être même surtout, pour maîtriser les tensions et les conflits liés à la gestion du patrimoine urbain et des biens du patrimoine mondial. Ce faisant, les références à l’Ovpm et à l’espace transnational engendrent un élargissement du champ d’action des municipalités en légitimant, d’abord, leurs activités de valorisation, en favorisant ensuite leur participation politique et scientifique à la fabrique d’actions nationales ou internationales portant sur le patrimoine, voire enfin en leur permettant de se présenter comme l’un des lieux de production du patrimoine mondial. Ces références facilitent, en outre, le développement de circulations avec d’autres municipalités. Dès lors, ces références les contraignent à respecter la Convention du patrimoine mondial.

L’Ovpm apparaît, au terme de ce chapitre, comme un accès pour les élus et les agents municipaux à l’espace transnational structuré autour du patrimoine mondial. Nous l’avons observé à la fois en enquêtant sur les intentions de ses dirigeants et de ses adhérents, en pointant les évolutions qui ont présidé à sa structuration et au développement de coopérations avec des organisations étatiques ou internationales et enfin en nous interrogeant sur les conséquences pour le gouvernement des villes de l’existence d’un tel réseau et, plus largement, d’un espace transnational structuré autour du patrimoine mondial. L’Ovpm a donc été analysée comme un ensemble d’interactions entre des acteurs aux intérêts divers.

Les ambitions initiales visant à instaurer un dialogue entre savants du patrimoine et politiques semblent s’ébrécher dès la tenue du deuxième colloque des villes du patrimoine mondial en 1993. Elles se transforment alors en des prétentions plus limitées, laissant de coté les préoccupations techniciennes et savantes à l’égard de l’objet patrimoine et donc la participation directe dans la fabrique des définitions du patrimoine mondial. A partir du milieu des années quatre-vint-dix, l’Ovpm s’impose comme une structure de relations fondée sur les municipalités urbaines ainsi que sur les organismes internationaux détenant le savoir officiel sur le patrimoine et sur des fondations ou des organisations susceptibles de la financer. Elle fournit avant tout à ses adhérents des possibilités de communication et de mise en valeur des villes qu’ils gouvernent ainsi qu’un prétexte pour accroître les notoriétés de villes désormais appelées villes du patrimoine mondial. Les travaux des congressistes de l’Ovpm témoignent enfin d’un souci majeur : celui de ne pas trop perturber les relations et les régulations telles qu’elles existent entre municipalités, Etats et organisations internationales. Le patrimoine mondial est, dans le cadre strict des travaux de l’Ovpm, appréhendé d’abord comme un « label de qualité » décerné à certaines municipalités à travers des modalités qui ne sont pas officiellement discutées par les adhérents de l’Ovpm. L’existence de cette Organisation facilite toutefois le développement de réflexions et de travaux, au sein des administrations municipales, engendrant des questionnements sur les pratiques locales et des perturbations des actions relatives à l’aménagement urbain et de celles portant sur la protection du patrimoine.

Les intentions des congressistes, de même que les motivations des élus municipaux pour adhérer à l’Ovpm ou encore pour participer à des activités politiques et scientifiques internationales, sont plus complexes à dévoiler. Les participations lyonnaise et québécoise à ce réseau de villes apparaissent au premier regard comme une simple « influence » au profit de l’élaboration d’un savoir municipal portant sur le patrimoine mondial. La longue présidence de l’Ovpm par le maire L’Allier comme les récents propos de Patrice Béghain, adjoint à la Culture et au patrimoine à Lyon, montrent toutefois qu’à travers ces implications ces élus cherchent à structurer le champ des relations inter-municipales, voire même celui des relations avec les administrations étatiques. Les diverses rencontres réalisées dans le cadre de l’Ovpm ont finalement pour principal enjeu de faire connaître et circuler des réalisations municipales, des méthodes et des pratiques pour élaborer des politiques urbaines portant sur le patrimoine ou encore des tactiques de gouvernement des villes, mais aussi des hommes et des ressources. Ces dernières pourraient offrir une source de légitimité aux édiles qui les présentent, en particulier vis-à-vis de leurs partenaires institutionnels et de leurs administrés. L’Ovpm et, plus largement, l’espace transnational ne constitue donc pas seulement une opportunité pour certains acteurs municipaux de voir reconnaître ou s’imposer leurs méthodes et leurs pratiques ; les réalisations présentées et les solutions exposées sont en mesure d’intéresser leurs homologues étrangers, mais aussi des congressistes affiliés à d’autres scènes de l’espace transnational du patrimoine mondial tels que les agents du Centre du patrimoine mondial ou d’administrations étatiques, etc. Les réflexions locales portant sur le patrimoine et plus largement sur le patrimoine mondial (notamment celles relatives l’importance d’une prise en compte des représentations sentimentale et économique de l’objet patrimoine) prennent alors toute leur dimension et sont déplacées vers, voire imposées à, des scènes étatiques et internationales. Autrement dit, par l’intermédiaire de l’Ovpm, les municipalités urbaines prennent connaissance et conscience d’une « expertise » municipale relative à la gestion du patrimoine les autorisant à revendiquer une place et un rôle plus important dans la fabrique des politiques urbaines relatives au patrimoine et au patrimoine mondial.

L’existence de l’Ovpm, les présentations magnifiées des pratiques urbaines réalisées dans un tel cadre, tendent à créer les conditions de possibilité pour que certains édiles urbains cherchent, d’abord, à limiter la participation d’agents étatiques dans les actions qu’ils initient et tentent, ensuite, de développer une certaine autonomie à l’égard des organisations nationales et internationales. Le fonctionnement de l’Ovpm, en particulier sa dépendance vis-à-vis des organismes internationaux spécialistes du patrimoine, limite toutefois ces ambitions d’autonomie municipale. Reste que, si les labels patrimoine mondial ou Ville du patrimoine mondial peuvent, dans certains cas, devenir un argument de la vie démocratique locale et participer à l’amélioration des pratiques d’aménagement, la faible représentation des intérêts urbains par l’Ovpm tend finalement à consolider la présence des administrations étatiques dans la fabrique de politiques patrimoniales.

La comparaison entre les adhésions lyonnaise et québécoise permet de souligner que l’opportunité que constituent un tel réseau et la participation politique à des activités pensées dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de 1972, pour les municipalités urbaines, sont appréhendées à partir des contextes politiques, économiques et sociaux des villes, en fonction des relations préexistant entre municipalités et gouvernements étatiques ainsi que selon les ambitions municipales à l’égard de ce thème et des possibilités d’évolution qu’offre le réseau déjà structuré. Ainsi, la municipalité lyonnaise présente sa gestion du patrimoine urbain comme exemplaire en situant cette dernière dans le cadre juridique et réglementaire national.

Notes
1128.

Nous verrons dans la section suivante l’implication de l’Ovpm en tant que représentant et porte-parole des villes du patrimoine mondial.

1129.

Entretien avec Chantal Emond, conseillère à la mise en valeur du patrimoine – Ville de Québec, 11 mars 2004.

1130.

 Ce rapport périodique devait être soumis en 2004 au Comité du patrimoine mondial.

1131.

Entretien avec Pierre Labrie, Directeur de l’Office de tourisme de Québec, 13 avril 2004.

1132.

La journée des villes du patrimoine mondial (fixée au 8 septembre depuis 1993) ne coïncide par exemple jamais avec les journées européennes du patrimoine et n’est pas marquée à Lyon.

1133.

Un accord de coopération décentralisé existe, depuis 1999, entre Porto Novo et la Communauté urbaine de Lyon impliquant l’agence d’urbanisme, la Chambre de commerce et d’industrie, les services urbains de la Communauté urbaine et ceux de la Ville de Lyon travaillant notamment sur un appui au dossier de candidature pour une inscription sur la Liste du patrimoine mondial et des propositions sur la préservation du patrimoine. Voir : www.ambafrance-bj.org/article.php3?id_article=367

1134.

 Entretien avec Simone Daret, Chargée de la coopération décentralisée, Cabinet du maire – Ville de Lyon, 27 janvier 2004.

1135.

 Entretien avec Bruno Delas, Mission site historique – Ville de Lyon, 7 janvier 2004.

1136.

Idem.

1137.

Unesco – France, Convention de coopération, 16 octobre 1997.

1138.

Ce réseau est pensé dans une grande continuité des réseaux de villes ou de sites initiés par le ministère de la Culture. Il s’agit de mettre en relation et de créer des synergies entre des villes présentant des caractéristiques similaires ou s’engageant dans des activités particulières ; tel est le cas par exemple des villes d’art et d’histoire. Les agents de la Drac Rhône-Alpes n’ont d’ailleurs pas réussi à faire participer la municipalité lyonnaise à ce réseau.

1139.

IIIe rencontres des sites français inscrits sur la Liste du patrimoine mondial : Lyon, 6-7 décembre 2005.