I. L’intérêt d’une comparaison transnationale

La réalisation de ce travail repose sur l’hypothèse que l’étude du transnational comme ressource pour les villes ainsi que celle de l’articulation théorique entre villes et international peuvent s’appuyer avec profit sur un ensemble de travaux portant sur l’action publique urbaine et sur une approche comparative de plusieurs terrains. L’analyse menée nous semble en avoir confirmé l’intérêt.

Au regard des logiques et des processus identifiés dans la thèse, les méthodes proposées par la sociologie de l’action publique, en se focalisant sur les acteurs et sur les pratiques sociales, combinée à celles des analyses transnationales (circulations, hybridations et traductions notamment) pour penser l’action publique muti-niveaux, peuvent parfaitement être utilisés pour saisir la fabrique du patrimoine mondial et celle d’actions internationales de villes et pour comprendre les rôles (et en particulier les actes cachés) d’acteurs locaux, nationaux et internationaux. Mobilisés dans une approche comparative, ils permettent de saisir les conditions de participation des municipalités urbaines à des activités pensées et mises en œuvre au-delà des Etats. L’adoption d’une telle posture nous paraît pouvoir présenter trois avantages. Elle aide d’abord à conserver à l’esprit certains acquis des travaux portant sur l’action publique et l’action publique urbaine (rationalité contextualisée des décideurs, caractère non homogène et non monolithique des organisations, importances des activités d’interprétation et de reformulation qui se jouent lors de l’élaboration et lors de la mise en œuvre de politiques publiques, contraintes de légitimation, etc.) qui ont pu être écartés par certaines études portant sur l’articulation théorique entre villes et international. En outre, en menant les observations à partir des acteurs, l’approche retenue ici présente l’avantage de restituer une certaine variété de construction du politique et d’éviter une modélisation excessive et a priori de l’ordre social (travers dans lequel tombe nombre de travaux comparatifs). En termes de méthodes et d’enquêtes de terrain, la combinaison entre une approche comparative transnationale et une démarche inscrite dans une sociologie politique de l’action publique nous semble ensuite permettre d’approfondir la connaissance des différents terrains investigués en questionnant systématiquement l’un en regard des particularités et des observations réalisées sur les autres sans toutefois accorder plus d’importance aux différences nationales qu’aux singularités des terrains investigués. Autrement dit, elle permet de mieux connaître l’autre et de mieux se connaître, en même temps qu’elle aide à comprendre et donc à interpréter. Enfin, travailler à partir de cette posture donne à voir sous un autre jour certaines dimensions du travail de production savant et politique qui préside à la fabrique et à la gestion du patrimoine mondial. De fait, la comparaison transnationale entre les procédures québécoise et lyonnaise permet de saisir le rôle d’adhérents de l’Icomos dans le cadre plus général de l’espace transnational de circulation et d’inscrire les observations réalisées dans un cadre plus global, celui de la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial. En montrant la pluralité et la diversité des activités présidant à la fabrique et à la gestion des biens du patrimoine mondial, elle pointe l’importance de l’événement, de l’invention, de la rupture, de la mobilisation et donc de l’action. Elle permet également de ne pas réduire les activités des municipalités dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial à des rapports binaires ainsi que de souligner les apports de ces activités municipales dans la définition et la mise en œuvre de cette Convention.