Des organisations non gouvernementales : produire un savoir scientifique relatif aux patrimoines

Deux organisations non gouvernementales participent également à la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial. Leurs engagements en faveur de la protection du patrimoine (universel ou non) et les travaux communs entre ces organisations et l’Unesco préexistent à la Convention. Certains de leurs membres prennent part à l’élaboration de la Convention du patrimoine mondial, et sont à l’origine de nombreux autres textes antérieurs relatifs au patrimoine. L’une (Icomos) s’intéresse au patrimoine culturel et l’autre (Uicn) au patrimoine naturel. Elles travaillent, à partir d’approches professionnelles, dans des domaines très différents et développent des expertises scientifiques complémentaires pour l’Unesco. Ainsi l’Union mondiale pour la nature (Uicn), existe depuis 1948 et regroupe les spécialistes du patrimoine naturel, qu’ils soient géographes, paysagistes, agents de structures dévouées au patrimoine naturel 1191 , qu’ils adhèrent individuellement ou par l’intermédiaire d’autres structures. Les thématiques traitées par cet organisme comprennent notamment la biodiversité, le changement climatique, les aspects marins, la conservation de la forêt, les espèces en voie de développement, le droit de l’environnement ou encore les aires protégées. Elles sont l’objet de discussions et d’échanges entre spécialistes de nationalités différentes. L’objectif principal de cet organisme demeure, depuis la naissance de l’Uicn, de protéger le patrimoine naturel à travers la sensibilisation et l’aide à la conservation de « l’intégrité et la diversité de la nature » 1192 . L’Icomos, créé en 1965, réunit des spécialistes du patrimoine, de sa restauration, de sa conservation, etc. 1193 dans le but de promouvoir la doctrine et les techniques de conservation afin d’assurer tant que faire se peut la sauvegarde du patrimoine culturel. Ces deux organisations recouvrent l’ensemble du champ du patrimoine tel que défini par l’Unesco.

Les deux organisations non gouvernementales sont structurées de manière très similaire. Constitués de très petites structures au plan international (un secrétariat), la force de ces associations repose sur leur implantation territoriale très forte à travers la création de comités nationaux ainsi que sur leur capacité à mobiliser des spécialistes de domaines spécifiques à l’échelle mondiale et à les faire travailler ensemble. Les réflexions sur le patrimoine naturel et le patrimoine culturel ont lieu au sein de comités nationaux, eux-mêmes structurés en groupes de travail thématiques, ainsi qu’au sein de comités scientifiques développés à l’échelle internationale. Les comités scientifiques internationaux existent indépendamment de toute structure gouvernementale et ne sont pas liés par des considérations nationales. Ils réunissent les membres de comités nationaux intéressés par une thématique particulière choisie par le secrétariat international du dit organisme. Parmi elles, nous pouvons citer l’architecture vernaculaire, l’économie de la conservation ou encore l’analyse et la restauration des structures du patrimoine architectural pour l’Icomos.

Leurs activités ne se limitent pas au patrimoine mondial. L’Iucn et l’Icomos ont un point commun structurant dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial. Elles sont identifiées par ce texte comme « experts » légitimes du patrimoine mondial dans leurs domaines de prédilection. Identifiées comme telle par la Convention du patrimoine mondial, leurs missions sont précisées dans les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention :

‘« évaluer les biens proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial, assurer le suivi de l’état de conservation des biens du patrimoine mondial possédant une valeur naturelle, passer en revue les demandes d’assistance internationale présentées et apporter sa contribution et son soutien aux activités de renforcement des capacités. » 1194

Les rôles de conseil, d’aide à l’action, de veille des biens ainsi que de présence aux réunions du Comité du patrimoine mondial et du bureau du patrimoine mondial nécessitent une expertise fine et actualisée du patrimoine mondial. Les savoirs et les connaissances développés pour le patrimoine mondial qu’il soit naturel ou culturel sont nourris des réflexions menées plus généralement sur le patrimoine dans chacune des deux organisations, ainsi que (peut-être même surtout) des travaux que les organisations sont en mesure d’impulser rapidement sur de nouveaux problèmes.

Le groupe constitué de l’Unesco, de l’Iccrom, de l’Icomos et de l’Uicn est pensé comme source et comme ressource dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial. Si les nombres d’adhérents de ces organisations non gouvernementales sont très élevés, tous ne sont pas impliqués de manière similaire au sein des organismes. Certains ne participent qu’à des activités extrêmement localisées quand d’autres sont systématiquement impliqués dans les multiples campagnes internationales de sauvegarde du patrimoine.

Notes
1191.

En 2004, l’Uicn compte 1 078 membres (768 membres de ONG nationales, 112 membres d’administrations gouvernementales, 82 représentants étatiques, 82 membres d’ONG internationales, 34 membres affiliés) dans 147 pays.

1192.

Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention, Unesco, 2004, p. 10.

1193.

En 2000, l’Icomos compte 6600 membres provenant de 107 pays. Le travail de l’organisme est fondé sur la Charte internationale de 1964 dites Charte de Venise.

1194.

Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention, Unesco, 2004, p. 10 et 11.