I. Des agglomérations millionnaires qui continuent de croître

L’urbanisation de l’Afrique subsaharienne s’est accompagnée d’un fort déséquilibre des réseaux urbains. Si elle résulte également d’une augmentation du nombre d’aires urbaines, elle se caractérise très souvent par le poids prépondérant de la principale ville du pays. Elle a été alimentée à la fois par une forte croissance démographique et une importante immigration rurale. Ce processus de concentration semble toutefois s’essouffler sans pour autant stopper la croissance des grandes agglomérations. Après un retour sur les raisons de l’urbanisation à très grande vitesse de l’Afrique subsaharienne, nous essayons de cerner les dynamiques actuellement en œuvre dans les grandes agglomérations.

Nous nous appuyons principalement sur des données démographiques collectées par les Nations Unies auprès des Etats. Quels crédits accorder à ces chiffres lorsque l'on sait les conditions de leur collecte dans le contexte subsaharien ? Il n'est pas aisé de quantifier les populations vivant en nombre important, comme nous le verrons plus loin, dans les quartiers spontanés, des zones construites sans organisation urbanistique apparente et sans découpages parcellaires. Lorsqu'il s'agit de recensements effectués par les pouvoirs publics, ils peuvent faire l'objet de manipulations pour des fins politiques : les grands centres urbains, réputés plus turbulents, voient parfois leur poids démographique réduit au détriment de zones rurales plus conciliantes. Mais avant d'évoquer les difficultés opérationnelles ou les manipulations des chiffres a posteriori, il convient déjà de définir une aire urbaine. D'une part, d'un pays à l'autre ou d'une période à l'autre, les définitions de "ville" peuvent changer (2 000 habitants plutôt que 5 000 habitants ?). D'autre part, les pratiques sur le terrain peuvent ne pas coïncider avec la construction de l'enquête, souvent une copie réaménagée des enquêtes élaborées dans des pays développés. Il est assez fréquent pour les jeunes africains des campagnes de chercher du travail en ville en saison sèche, soit d'y passer une bonne partie de l'année : comment cet exemple parmi d'autres est-il pris en compte dans les enquêtes démographiques ?

Il se pose donc un véritable problème de fiabilité et de précision des chiffres avancés concernant le terrain particulier de l'Afrique subsaharienne. Ils différent d'une statistique à l'autre et se situent dans une fourchette d'incertitude assez large. Néanmoins, tous traduisent une poussée démographique importante dans les centres urbains en Afrique subsaharienne durant ces dernières décennies. C'est en tant que reflets de tendances, plus que quantification exacte que nous devons comprendre ces dénombrements et les utiliser en conséquence.