2. Les raisons de la croissance urbaine

a. Une forte croissance naturelle

L'urbanisation subsaharienne est donc remarquable par sa rapidité et son taux de croissance. Les Etats-Unis ont cependant connu des taux comparables entre 1830 et 1860 . Mais il s'agissait pour une grande part d'apports migratoires en provenance d'Europe. L’immigration en provenance d'une autre région du monde est très limitée, voire négligeable, en Afrique subsaharienne. La spécificité de son urbanisation vient en fait du niveau élevé de son croît naturel, et plus précisément de la fécondité des femmes.

Pour exprimer l'importance de cette croissance naturelle – différence (en %) entre les naissances et les décès d'une année au sein de la population – M. Arnaud s’appuie sur des données de l'étude WALTPS 8 réalisée en 1994 dans 19 pays d'Afrique occidentale et 8 pays d'Afrique centrale. La population totale des 27 pays est passée de 114,7 millions d'habitants en 1960 à 257 millions en 1990, soit un accroissement démographique moyen de 2,75 % par an. Cette évolution prenant en compte les migrations entre les différents pays, elle est proche de l'accroissement démographique annuel pour la période. Les chiffres pour l'Afrique australe et orientale sont du même ordre. Selon le rapport des Nations Unies , la croissance annuelle 9 de la population en Afrique de l’est entre 1960 et 1990 a régulièrement augmenté, de 2,60 à 3,05 % ; celle de l’Afrique australe a varié entre 2,31 et 2,63 %. Mais cette croissance naturelle a-t-elle été plus forte ou moins forte en milieu urbain qu'en milieu rural ? Si pour M. Arnaud « aucune étude ne permet de dire que, sur cette période, la croissance naturelle en milieu urbain ait été significativement différente de la croissance naturelle d'ensemble », d’autres références annoncent des taux annuels confirmant l'importance du croît naturel dans certaines grandes villes par rapport aux moyennes régionales établies par le rapport des Nations Unies : 3,3 % en moyenne à Yaoundé et à Douala entre les recensements de 1976 et de 1987  ; 3,5 % à Abidjan entre 1960 et 1990 .

La croissance naturelle subsaharienne s’explique d’abord par le maintien des taux de fécondité à des niveaux exceptionnellement élevés. A. Dubresson annonce entre 6 et 7 enfants par femme en moyenne. Si ce niveau est supérieur à d’autres observations, la fécondité africaine n'en demeure pas moins la plus élevée au monde. Ceci s'explique par diverses raisons, avec des analyses parfois contradictoires du phénomène :

Au maintien des taux de fécondité élevés, sont venus se rajouter une baisse importante de la mortalité et un allongement de l'espérance de vie. L'espérance de vie en Afrique subsaharienne a augmenté, certes moins rapidement que celle des autres pays en développement : les Africains ont gagné en moyenne plus de 10 ans de vie entre 1950 et 1990 . La diffusion de la médecine, l'amélioration de l'alimentation par l'importation et la culture de nouveaux produits alimentaires, surtout à destination des populations urbaines, ont été les principaux facteurs de la baisse de la mortalité et de l'allongement de l'espérance de vie.

Notes
8.

West Africa Long Term Perspective Study.

9.

Des moyennes calculées sur des périodes de 5 ans : 1960/65, 1965/70…etc.