2. Les conséquences de deux décennies d’ajustement des économies subsahariennes

a. Les programmes d’ajustement structurel et la réduction du rôle de l’Etat

La dette extérieure commence à véritablement devenir un problème en Afrique subsaharienne au début des années 1980. Entre 1970 et 1982, la dette extérieure de l’ensemble du continent a connu un rythme annuel de progression de 25 % . Celle de l’Afrique subsaharienne va tripler entre 1980 et 1998, atteignant ainsi 210 milliards de dollars . Le problème provient de la difficulté pour les Etats subsahariens à rembourser cette dette. Entre 1980 et 1997, son poids par rapport aux exportations des biens et des services est passé de 97 % à 177 %, celui du service de la dette de 11 % à 15 % .

Dans les années 1970, les chocs pétroliers avaient mis sur le marché du crédit international une masse importante de pétrodollars. Les prêts venaient également des banques européennes à la recherche de placements plus intéressants que les faibles niveaux de rentabilité permis par la crise économique dans les pays développés. Mais la situation s’inverse dans les années 1980 : raréfaction du crédit, hausse du taux d’intérêt et, surtout pour les pays subsahariens, détérioration des termes de l’échange (Figure 4) 15 . L’essentiel des recettes des Etats subsahariens provient de l’exportation de produits agricoles, miniers et énergétiques. L’agriculture de rente procure 30 % des recettes d’exportation du continent, le secteur énergétique et minier représente deux tiers des exportations de l’Afrique subsaharienne . L’insuffisance des recettes d’exportation – du fait de la détérioration des termes de l’échange – pour faire face au service de la dette passée a poussé les pays africains à emprunter à d’autres sources telles que le Fond Monétaire International (FMI).

Par ailleurs, la détérioration des termes de l’échange entravait la Production Intérieure Brute (PIB). Et, pendant que les recettes liées aux exportations s’amenuisaient et le prélèvement fiscal subissait le ralentissement du PIB, les Etats devaient assurer d’importantes dépenses, provoquant ainsi des déficits budgétaires récurrents.

C’est dans ce contexte d’endettement permanent, de détérioration des termes de l’échange et de déficits publics récurrents qu’interviennent les politiques de stabilisation et d’ajustement structurel des économies subsahariennes sous la tutelle des institutions de Bretton Woods, la Banque mondiale et le FMI. Entre 1981 et 1989, 241 programmes sont mis en œuvre dans 24 pays africains . Dans le vaste débat suscité par ces mesures, nous nous en tiendrons aux seules conséquences en termes de limitation des capacités d’action de l’Etat et de dégradation du pouvoir d’achat des citadins.

Figure 4 : Détérioration des termes de l’échange des pays subsahariens

Source : P. Hugon

Les PAS se fondent sur des principes inspirés de la doctrine libérale parmi lesquels, le monétarisme et le rôle privilégié de l’entreprise privée. Le monétarisme accorde une place limitée à l’Etat dans la régulation de l’économie. Il revient aux forces du marché et à la concurrence de déterminer la valeur des monnaies et des prix. B. Sarrasin pense que la doctrine néolibérale, à travers sa condamnation de l’intervention sociale de l’Etat et sa préconisation d’une déréglementation économique radicale, influence elle aussi l’action et la réflexion des institutions de Bretton Woods. Toutefois, en s’appuyant sur des analyses effectuées par la Banque mondiale, il estime plus loin que « si les institutions de Bretton Woods associent une grande partie des interventions de l’Etat dans l’économie à un des principaux facteurs de dysfonctionnement du marché, leurs programmes d’ajustement structurel demandent néanmoins une participation importante de l’Etat à la promotion et la mise en place de leur modèle d’inspiration néolibérale » . L’Etat doit se retirer des fonctions de production et promouvoir le secteur privé.

Pour lutter contre le déficit public, l’ajustement préconise une réduction drastique des dépenses publiques. Les coupes budgétaires s’attaquent aux subventions publiques. Cette démarche relève aussi du souci de rétablir la vérité des prix. Les entreprises de transport urbain qui procèdent d’une participation de capitaux publics à la production d’un service, de tarifs administrés et subventionnés, mais également d’une absence d’efficacité en termes de ratio main d’œuvre (effectifs importants et salaires jugés élevés) sur service produit, se retrouvaient en totale contradiction avec les mesures des PAS.

Notes
15.

Rapport entre l'indice des prix des exportations (essentiellement des matières premières) et celui des importations (produits manufacturés finis en grande partie).