c. Le renchérissement du coût de la vie en milieu urbain

Les diagnostics à la base des PAS font état de déséquilibres internes à cause d’un excès de la demande globale (consommation des ménages, dépenses de l’Etat, investissements, exportations) sur l’offre globale (production domestique, importations). Le remède apporté par les PAS consiste à réduire la consommation des ménages en même temps que les dépenses publiques. Cela passe par la suppression des subventions des denrées de première nécessité (et rétablir par la même occasion la vérité des prix), l’augmentation des taxes fiscales, notamment sur les produits pétroliers (ce qui augmente en même temps les recettes de l’Etat et contribue à une réduction des déficits publics) et la dévaluation de la monnaie (mesure également en faveur des exportations). S’agissant plus particulièrement de la dévaluation des monnaies subsahariennes, en 1994, le franc CFA perd 100 % de sa valeur en franc français auquel il est lié en parité fixe. La dépréciation est plus importante pour les monnaies fluctuantes. Alors qu’en 1982 un dollar américain valait 2,5 cédis ghanéens, fin 2005, il vaut plus de 9 000 cédis 17 .

Au Sénégal, M. Diouf estime que « la hausse des prix des denrées alimentaires de première nécessité (riz, huile, sucre…) a été la première manifestation des politiques d’ajustement ». Dès 1979, l’indice des prix à la consommation augmente de 7,2 % alors que l’augmentation du taux de salaire horaire n’est que de 4,2 %. Une partie de l’augmentation salariale sera même absorbée par celle des prélèvements fiscaux. Dans ce pays, entre 1979 et 1986, l’indice de consommation de type africain (modèle de consommation en milieu socioculturel « typiquement » africain pour des ménages à plus faible revenu) passe de 100 à 202,3. Dans le même temps, l’indice de consommation de type européen (modèle de consommation européen, celui des assistants techniques européens et de l’élite sénégalaise) passe de 100 à 192,8. Ce qui fait dire à M. Diouf que « l’incidence marginale nette des mesures d’austérité tombe surtout sur des économiquement faibles ». En 1988, les Dakarois manifestent contre la vie chère, poussant les autorités à prendre des mesures de réduction des prix des denrées de première nécessité : baisse de 18,75 % pour le riz, 24 % pour l’huile d’arachide et 12 % pour le sucre . Mais ces baisses ponctuelles sont loin de compenser le renchérissement régulier des denrées de première nécessité dans les villes africaines.

Dans les villes zambiennes, A. Dubresson et J. P. Raison notent une diminution de 60 % du pouvoir d’achat du salaire minimum entre 1983 et 1991. Pour les citadins africains, les PAS se traduisent par un renchérissement du coût de la vie et une réduction de la consommation. En s’appuyant sur des données issues du FMI et de la Banque mondiale, J.-D. Naudet note une diminution de la consommation des ménages à un rythme moyen annuel de 1,7/1,8 % en Afrique de l’Ouest (Cameroun, Centrafrique et Tchad inclus) entre 1980 et 1992. Compte tenu des soucis posés par le défaut de robustesse des données, J. Charmes adopte une posture prudente : « S’il n’est pas sûr que les niveaux de vie ont diminué, il est certain qu’ils ont au moins stagné et, en tout état de cause, pris du retard par rapport aux autres régions du monde ».

Alors que la croissance des agglomérations subsahariennes aux lendemains des indépendances était stimulée par la prospérité économique, depuis les années 1980, nous assistons plutôt à une urbanisation appauvrissante. La crise des Etats subsahariens a dramatiquement réduit les ressources publiques. Elle les a poussés à se retirer de la production d’un grand nombre de services urbains. Au niveau des ménages, la plupart des observations des milieux urbains subsahariens constatent une dégradation ou au moins la stagnation du niveau de revenu. Malgré tout, les grandes agglomérations concentrent les emplois les mieux rémunérés, l’essentiel des équipements et des services publics. Elles proposent de meilleures opportunités que les zones rurales dont la production est également affectée par la crise économique et la détérioration des cours des matières premières. La croissance démographique subsaharienne sous une forte contrainte économique ne va pas sans conséquences, quantitativement et qualitativement, sur la mobilité urbaine. Or, la satisfaction des besoins en déplacements urbains est essentielle pour que les grandes agglomérations subsahariennes continuent à jouer leur rôle moteur dans la production nationale.

Notes
17.

Taux de change, en novembre 2005.